Christian Prigent reconnaissait être « de ces écrivains qu’on dit difficiles, voire illisibles », mais ajoutait aussitôt : « Ce n’est pas être en mauvaise compagnie » (Une erreur de la nature). Mais comment faut-il concevoir cet illisible au-delà de son refus du lisible ? Quelle est sa véritable valeur ? Que permet-il de faire ou d’obtenir que des textes plus lisibles seraient incapables de réaliser ? Le nouveau numéro de Fabula-LHT, "Crises de lisibilité" (n° 16), auquel est joint un dossier joint d'Acta Fabula, n’a pas pour ambition de revenir sur la seule notion de l’illisible en recensant un corpus d'auteurs réputés difficiles ou en privilégiant une approche herméneutique et sémiotique de l'illisible (label de qualité pour les uns, fausse valeur pour les autres). Il s’est agi pour les contributeurs de ce numéro d’élargir l’enquête, à partir des débats encore actuels sur la place de l’illisibilité conçue comme stratégie ou vœu de résistance dans l’écriture contemporaine, afin de mener une double réflexion, à la fois conceptuelle et historique, sur les enjeux qui inévitablement accompagnent certains moments précis de l’histoire littéraire où la tension entre lisibilité et illisibilité s’impose d’emblée ou surgit après coup dans le champ littéraire français, en prose comme en poésie.