Questions de société

"Les universités allemandes s'offrent au marketing", par M. Luginsland (Educpros, 24/02/10)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

Les universités allemandes s'offrent au marketing, par Marie Luginsland, Educpros, 24 février 2010

http://www.educpros.fr/detail-article/h/61e82132e6/a/les-universites-allemandes-s-offrent-au-marketing.html

Processusd'autonomie, course à l'excellence, classements et déclin démographiquedes étudiants contraignent les universités allemandes à se vendre avecles méthodes des entreprises. Marques, logos, slogans et même campagnede pub se mettent à fleurir outre-Rhin avec quelques excès.

Gang et Dong, deux étudiants asiatiques au look du Mephisto des films des années 1920, sèment la pagaille dans les amphis de l'université de Leipzig.Leur odyssée aboutit à un slogan : « Fais tes études enExtrême-Orient », un jeu de mots bâti sur l'équivalence en allemandentre « Est » et « Orient ». Bien que très controversé, ce clip diffusé au cinéma et sur Youtube est le clou d'une campagne de dix millions d'euros.Celle-ci a été financée par l'État fédéral pour redorer le blason descinq universités de l'ex-RDA, notamment auprès des bacheliers del'Ouest du pays qui boudent les nouveaux Länder.

Mais à l'ouest aussi, les universités redoublent d'imagination pourvanter leurs mérites. À l'écran, Karslruhe se compare au MassachusettsInstitute of Technology et, à l'affiche, Braunschweig à... un paquet desoupe instantanée !

Le déclin démographique met le marketing au défi du recrutement

Les services de communication des universités sont invités à seconvertir en département marketing afin de développer une stratégie,voire une marque propres. Quand ils ne font pas appel aux servicesd'agences privées de communication, comme l'agence berlinoise Scholz& Friends. Car une université allemande ne se vend plus sur sonseul passé historique et sur les grands noms qui y ont étudié. L'Initiative d'excellence,qui dote de subventions les meilleures d'entre elles, ainsi quel'impact des classements internationaux ont engagé une concurrencejusqu'alors inconnue au sein du paysage universitaire allemand.

Il faut y ajouter l'introduction des bachelors et des masters quiont conduit à une grande confusion auprès du public. « C'estparticulièrement vrai pour les entreprises, qui souvent méconnaissentles filières et donc la nature exacte des diplômés que forment lesuniversités », renchérit Dirk Zupancic, professeur à la Heilbronn Business School (GGS).

Pour les établissements, il s'agit aujourd'hui de se forger unprofil, mais aussi de recruter car le déclin démographique menace.« Notre région a perdu 40 % de bacheliers en deux ans, et nous devrionsatteindre le fond du gouffre en 2020 ! » s'alarme Torsten Evers,responsable du marketing de l'université de Halle-Wittenberg.

« En tant qu'université technique, nous devons avoir une politiquede marketing plus offensive que les universités classiques, plusconnues des bacheliers », soutient de son côté Elisabeth Hoffmann, chargée du marketing à la TU de Braunschweig. Une université dont le dernier coup de marketing a été la production d'un million de bouteilles d'eau minérale à son effigie.

A la recherche d'un nom, d'une identité

Ces stratégies marketing ne peuvent faire l'économie de la créationd'une marque et d'un logo propres. Tandis que le slogan est estimémoins important en raison d'une portée plus fugace. « Un slogan devantêtre ancré dans le présent, sa durée de vie est donc plus limitée »,confirme Torsten Evers. Il en est tout autrement de la marque dont laconception se maintient parfois plusieurs années. La plus connue dugrand public était jusqu'à présent celle de Berlin, créée au lendemainde la Seconde Guerre mondiale, sous le sigle FU pour Freie Universität.

Ces dernières années, des marques ont surgi se réclamant del'Histoire, comme si cette dernière pouvait conférer une légitimitésupplémentaire. L'université de Francforta ainsi profité de son nouveau statut de fondation en 2008 pour serefaire un nom sous l'appellation « Goethe-Universität ».« L'université portait certes depuis toujours le titre de JohannWolfgang Goethe Universität, mais il n'était pas mis en avant commel'est aujourd'hui sa version raccourcie. Cela nous confère une plusgrande aura à l'international, car qui connaît à l'étranger les prénomsde Goethe ? » explique son porte-parole, Olaf Kaltenborn.

L'université de Halle-Wittenberg, qui s'est dénommée « MLU » – pourMartin-Luther-Universität –, mise sur le souvenir du prestigieuxréformateur. À Munich, c'est le prince-électeur Maximilian et son filsle roi Ludwig qui servent de parrains à la LMU (Ludwig-Maximilians Universität).La marque agit autant comme un facteur de corporate identity auprès desétudiants et des enseignants que comme image auprès du grand public.

Pour autant, l'exemple d'universités d'excellence comme Aix-la-Chapelle baptisée RWTH, pour Rheinisch-Westfälische Technische Hochschule,prouve que la renommée peut aussi précéder une marque peu glamour !D'ailleurs, Helge Löbler, professeur de marketing et communication àLeipzig, ne croit pas à l'action surfaite d'une campagne. « Si uneuniversité est bonne, cela se saura forcément », déclare-t-il,lapidaire. Il fustige le marketing empreint de superficiel : « Il fautcommuniquer sur la réalité et rester authentique », et qualifie larécente campagne de pub des universités de l'Est de « catastrophique ».

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