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Le(s) Nord(s) imaginaire(s)

Le(s) Nord(s) imaginaire(s)

Publié le par Marielle Macé (Source : Amélie Nadeau)

Le(s) Nord(s) imaginaire(s)

Colloque scientifique international
Centre culturel suédois
11, rue Payenne 75003 Paris
Les vendredi 11 et samedi 12 juin 2004

Organisé par Daniel Chartier, Université du Québec à Montréal

Programme, résumé des communications et présentation des conférenciers


Programme du vendredi 11 juin 2004

Vendredi 11 juin, 9h
Première séance
Imaginaires littéraires

MOT DE BIENVENUE

Présidente de séance : Maria Walecka-Garbalinska

Gérard Fabre
(Centre d'étude des mouvements sociaux, Centre national de la recherche scientifique, Paris, France)
« L'image du Grand Nord canadien en France à travers les romans de Maurice Constantin-Weyer et Bernard Clavel »

De l'entre-deux guerres période pendant laquelle Maurice Constantin-Weyer (1881-1964) publie ses romans canadiens aux années 1980 où commence et s'achève le cycle du Royaume du Nord de Bernard Clavel (1923-), on peut noter à la fois des rémanences et des contrastes dans l'image du « Grand Nord canadien » véhiculée par ces deux auteurs à succès. Cette communication porte sur les principales dimensions des « chronotopes nordiques » façonnés par ces deux romanciers français qui, en raison notamment de leur audience populaire, sont souvent exclus du champ de la valeur littéraire par la critique universitaire. L'auteur tente d'expliquer, en tenant compte des contextes de production et de réception, ce qui fait la force et l'impact des écrits de Constantin-Weyer et de Clavel et défend l'utilité d'une étude comparée, auprès de lecteurs concrets, de la réception en France et au Québec des romans en question.

Gérard Fabre est docteur d'état en Lettres et sciences humaines, actuellement chercheur titulaire au Centre national de la recherche scientifique, à Paris. Il est affecté au Centre d'étude des mouvements sociaux (École des hautes études en sciences sociales, Paris). En 1994-1995, il a été professeur invité au Département de sociologie de l'Université Laval. Il a notamment publié Échanges intellectuels entre la France et le Québec, 1930-2000. Les réseaux de la revue Esprit avec La Relève, Cité libre, Parti pris et Possibles (Presses de l'Université Laval et L'Harmattan, 2004), Pour une sociologie du procès littéraire. De Goldmann à Barthes en passant par Bakhtine (L'Harmattan, 2001) et Épidémies et contagions. L'imaginaire du mal en Occident (Presses universitaires de France, 1998).

Joë Bouchard
(Université du Québec à Montréal, Québec)
« Deux exemples de la représentation non conventionnelle du Grand Nord dans les Racontars arctiques de Jørn Riel : la manipulation de la figure anthropomorphique de l'ours blanc et le traitement burlesque de la dépouille humaine »

L'ours blanc et la dépouille humaine constituent deux symboles distincts d'une représentation conventionnelle du Grand Nord en littérature. Figure animale privilégiée dans le discours sur le Nord, l'ours blanc est associé à un contexte mythique qui présente fréquemment l'animal à travers une dimension anthropomorphique. Témoignage macabre des dénouements dramatiques de nombreuses expéditions arctiques, découverte presque intacte parfois plus d'un siècle après la tragédie, la dépouille humaine possède une signification particulière dans le contexte littéraire nordique. Elle heurte l'imaginaire en matérialisant la menace constante que fait peser la mort sur le héros nordique. Dans la série de courtes fictions les Racontars arctiques de Jørn Riel, les symboles de l'ours blanc et de la dépouille humaine subissent des traitements singuliers qui participent à un mouvement global de distanciation critique face à une représentation traditionnelle du Grand Nord en littérature.

Joë Bouchard est étudiant à la maîtrise en études littéraires à l'Université du Québec à Montréal. Son mémoire de maîtrise, pour lequel il reçoit le support du CRSH, est réalisé sous la direction de Daniel Chartier. Il porte sur les problématiques de l'imaginaire nordique et de l'exotisme littéraire dans les Racontars arctiques, série de courtes fictions de l'auteur danois Jørn Riel. Joë Bouchard bénéficie du soutien du FQRSC pour entreprendre un doctorat portant sur la « nordification » des paysages dans les romans des écrivains émigrés au Québec au XXe siècle.

PAUSE

Vendredi 11 juin, 11h
Deuxième séance
Le Nord et les arts

Président de séance : Daniel Arsenault

Amélie Nadeau
(Université du Québec à Montréal, Québec)
« Les références musicales dans l'oeuvre de Göran Tunström et Michel Tremblay. Un contrepoids à la difficile réalité »

Depuis ces dernières années, plusieurs essais ont établi des liens entre la littérature et la musique, et l'étude des relations entre ces deux arts semble désormais faire partie de la littérature comparée. Bien que la musique ne soit pas porteuse d'un récit en tant que tel, les analogies que l'on peut établir entre les références musicales et l'oeuvre littéraire ne sont pas forcément subversives : dans de nombreux textes littéraires, les relations entre les références musicales et l'oeuvre littéraire reposent sur des éléments concordants qui donnent un surplus de signifiance au texte littéraire. Dans L'Oratorio de Noël du Suédois Göran Tunström et les Chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay par exemple, la musique est positivement connotée et elle permet aux personnages de pallier les insatisfactions du réel. Cette communication porte sur la façon dont la musique permet à Sidner et Marcel, deux personnages-clés du corpus étudié, d'évoluer, et parfois même de survivre, dans un quotidien marqué par la tristesse et l'angoisse. Par un réseau de métaphores, de descriptions et d'évocations, ces textes attribuent tous deux un caractère mélioratif à la musique, laquelle fait contrepoids à la réalité.

Amélie Nadeau est étudiante à la maîtrise en études littéraires à l'Université du Québec à Montréal et travaille sous la direction de Daniel Chartier. Son mémoire porte sur l'univers musical et le passage de la réalité au rêve dans L'Oratorio de Noël de Göran Tunström et Les Chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay. Elle est coordonnatrice du Laboratoire international d'étude multidisciplinaire comparée des représentations du Nord (dirigé par Daniel Chartier) et auxiliaire d'enseignement au Certificat en français écrit pour non-francophones à l'École de langues de l'Université du Québec à Montréal. Elle entreprendra un doctorat sur l'image littéraire des femmes dans les espaces nordiques.

Mark Gillespie
(Université Laval, Québec)
« See Through my Perspective : de la spécificité de la réalisation phonographique suédoise »

En explorant la relation entre l'espace géographique et le son, l'auteur de cette communication tente de cerner ce qu'il y a de proprement suédois dans les réalisations phonographiques issues de la Suède. Après une critique des tentatives antérieures pour expliquer le succès de la musique populaire en Suède, il propose une approche alternative qui place la réalisation et le réalisateur au coeur de la réflexion. Ce modèle permet de rendre compte des pratiques communes de réalisation phonographique suédoise de ABBA à nos jours, tout en les reliant, dans certains cas, avec des mécanismes culturels plus larges. L'auteur procèdera à une analyse du son prétendument « polaire » traditionnellement attribué à la Suède, caractéristique d'une certaine esthétique de réalisation. Il sera ainsi possible de proposer de nouvelles idées concrètes sur ce que pourrait constituer une sonorité typiquement suédoise. Ces propositions prennent appui sur une analyse comparative de deux versions (l'une suédoise, l'autre américaine) d'une même chanson, soit « Overprotected » (2001) de Britney Spears, qui permettra éventuellement d'isoler certaines caractéristiques musicales associées à la tradition de réalisation phonographique suédoise.

Mark Gillespie a obtenu son baccalauréat en musique de l'Université Bishop en 2003 et poursuit présentement des études de maîtrise en musicologie de la musique populaire sous la supervision de Serge Lacasse, à l'Université Laval. En plus d'avoir présenté des communications au Canada, aux États-Unis et en Europe, Mark Gillespie a aussi travaillé comme réalisateur.

Lise Toft
(Université de Copenhague, Danemark)
« Le Groupe des Sept et les peintres scandinaves dans une perspective comparative »

Dans cette communication, l'auteure se propose de démontrer, par quelques exemples, comment la peinture du Groupe des Sept et la peinture scandinave du tournant du XIXe siècle communiquent des ressemblances au niveau du langage pictural et esthétique. Dans cette recherche, la question est de savoir à quels niveaux ces ressemblances évidentes seront l'expression spécifique d'une certaine nordicité.

Lise Toft est docteure ès lettres de l'Université de la Sorbonne-Paris III en études canadiennes. Sa thèse porte sur la représentation des immigrants non-britanniques dans The Globe et Le Devoir de 1919 à 1929. Elle est enseignante à l'Institut des langues romanes de l'Université de Copenhague. Elle s'intéresse depuis de nombreuses années à la culture canadienne (francophone et anglophone) et plus particulièrement à l'art canadien. Elle a publié plusieurs articles sur la représentation des immigrants dans la presse canadienne.

DÉJEUNER LIBRE

Vendredi 11 juin, 14h
Troisième séance
Nordicité et identité

Présidente de séance : Danielle Schaub

Svante Lindberg
(Université de Stockholm, Suède)
« Snöljus de Lars Andersson et La pêche blanche de Lise Tremblay : deux retours vers le Nord »

Snöljus et La pêche blanche sont deux textes, un suédois et l'autre québécois, mettant en scène des protagonistes qui, après avoir bâti leur vie professionnelle dans le Sud, se voient obligés de faire le voyage vers leur Nord natal pour des raisons familiales. Le personnage principal de Snöljus, Per Ivar Marklund, enseigne l'histoire dans un lycée du centre de la Suède et doit partir en raison de la mort de son frère. Simon, le protagoniste de La pêche blanche, s'est installé en Californie et retourne dans le Nord québécois pour rendre visite à son frère. Pour les deux, il sera question d'une rencontre avec leur enfance, avec un territoire et avec une histoire qui aurait pu être la leur. Pourtant, la vie dans le Sud les a rendus incapables de lire cette histoire, encore moins de la raconter. Les deux textes évoquent ces tentatives d'un ancrage dans le territoire, entreprise caractérisée par le mutisme, le manque de communication et le désespoir.

Svante Lindberg est enseignant au secondaire à Stockholm. Ancien lecteur de langue et littérature suédoises à l'Université de Colombie-Britannique à Vancouver, il travaille maintenant sur une thèse consacrée à l'identité narrative dans un corpus de romans québécois du genre subjectif des années 1990 au Département de français et d'italien de l'Université de Stockholm. Sa thèse porte le titre préliminaire « Vers l'identité narrative dans le roman québécois intime de la fin du XXe siècle : attestation de soi, spatialité et altérité chez Pierre Gobeil, Lise Tremblay, Pauline Harvey et Bertrand Gervais ». Il s'intéresse notamment aux aspects comparés des littératures québécoise et suédoise.

Katri Suhonen
(Université de Tampere, Finlande)
« Maria Chapdelaine : pionnier de la nordicité dans le roman québécois? »

L'objectif de la communication est d'étudier les images de la nordicité dans un texte pionnier de la littérature québécoise : Maria Chapdelaine de Louis Hémon. Le roman a été un des premiers romans québécois à se valoir une réputation internationale, en grande partie, sans doute, en raison de son caractère exotique issu de la description d'un peuple et d'une région nordiques. Dans cette communication, l'auteure esquisse un schéma de la condition nordique dans ce roman : les domaines symboliques relativement évidents (la description des conditions de vie dans le Nord), mais aussi des domaines moins visibles (l'isolement géographique et psychologique, par exemple, est-il lisible dans la langue romanesque, au niveau lexical, syntaxique ou poétique?) Un tel schéma pourrait, par la suite, servir de point de départ ou de comparaison pour l'étude de la nordicité dans un corpus plus vaste.

Katri Suhonen a terminé un doctorat en études littéraires (Université du Québec à Montréal) et une maîtrise en philologie anglaise et française (Université de Tampere et Université d'Helsinki, Finlande). Elle a enseigné la littérature scandinave à l'Université du Québec à Montréal et enseigne présentement, à titre de maître de conférences, la langue française et la linguistique à l'Université de Tampere. La littérature québécoise contemporaine et la critique du genre sexuel sont ses champs de spécialisation et un manuscrit sur le portrait de la masculinité dans la fiction féminine au Québec est en préparation. Ella a également publié quelques articles sur le sujet (entre autres, dans la revue Voix et images). À titre de boursière du Conseil international des études canadiennes, elle prépare actuellement une recherche post-doctorale sur la nordicité dans le corpus québécois.

Leigh Oakes
(Queen Mary, Université de Londres, Royaume-Uni)
« Ethnique ou civique? Le sort de l'identité nationale au Québec et en Suède »

Depuis les années 1960, le Québec s'engage dans la difficile transition d'une nation dite ethnique, basée sur l'identité des Canadiens français, vers une nation dite civique, fondée sur l'individualisme et ouverte à tous ceux qui résident au Québec, peu importe leur origine ethnique. Alors que la plupart des intellectuels s'accordent sur la nécessité de cette transition compte tenu surtout de l'immigration croissante, il existe des opinions différentes sur le degré de civisme à adopter. Ceux qui prônent un modèle strictement civique citent souvent l'exemple des pays scandinaves, où la culture et le droit sont individualistes, et où les nationalismes sont sans reproches. En prenant l'exemple de la Suède, cette communication propose de montrer que même si le civisme y constitue un élément important, la dimension ethnique n'est pas moins présente dans les représentations de l'identité nationale suédoise. De plus, la Suède est actuellement en train de redécouvrir la dimension ethnique de son identité nationale, qui a longtemps été méprisée, tout comme elle l'est toujours au Québec. L'exemple de la Suède montre que le défi qui se présente au Québec consiste non pas à évincer l'ethnique au profit du civique, mais plutôt à réconcilier les deux pôles de la dichotomie, à se montrer à la fois ouvert aux autres et fier de son noyau ethnique.

Leigh Oakes est professeur de français à Queen Mary, Université de Londres. Ses recherches portent sur les questions de langue et d'identité nationale au Québec, en Suède, en France et dans l'Union européenne. Il a publié Language and National Identity. Comparing France and Sweden (John Benjamins, 2001) ainsi que de nombreux articles dans des périodiques tels que le Journal of Multilingual and Multicultural Development, le Journal of French Language Studies et Nations and Nationalism. Grâce à une subvention du Arts and Humanities Research Board, il se consacre actuellement à un projet portant sur les questions de langue, de citoyenneté et d'identité dans le cadre de la nouvelle conception civique prônée au Québec.

Vendredi 11 juin, 16h
Quatrième séance
Imaginaires visuels

Président de séance : Gérard Fabre

Daniel Chartier
(Université du Québec à Montréal, Québec)
« J'ai peur de les aimer. Brève histoire de la représentation iconographique des Inuits »

L'image des Inuits relève de siècles de discours, qui la situe dans une dimension mythologique à la source de laquelle se trouvent les Hyperboréens de l'Antiquité. Alimentée par la méconnaissance des territoires arctiques et par une superposition de textes issus de diverses cultures, la figure de l'Inuit traverse les XIXe et XXe siècles, prenant sa source dans les premiers récits des explorateurs, puis dans les ouvrages encyclopédiques du XIXe siècle, les recherches ethnographiques, et finalement dans les oeuvres cinématographiques, en passant par la publicité et les arts visuels. L'objectif de la présente communication est de tracer l'évolution historique de la représentation des Inuits jusqu'aux oeuvres cinématographiques documentaires, ethnographiques et de fiction qui en ont permis la cristallisation et le renversement.

Daniel Chartier est professeur au Département d'études littéraires de l'Université du Québec à Montréal et fondateur de la Revue internationale d'études québécoises, Globe. Au cours des dernières années, il a publié un essai intitulé L'émergence des classiques. La réception de la littérature québécoise des années trente (Fides, 2000), un Guide de culture et de littérature québécoises (Nota Bene, 1999), et un Dictionnaire des écrivains émigrés au Québec, 1800-2000 (Nota Bene, 2003), en plus de participer au projet d'Histoire de la vie littéraire au Québec (Presses de l'Université Laval, tome IV, 1999; tome V, 2004). Il dirige aujourd'hui le Laboratoire international d'étude multidisciplinaire comparée des représentations du Nord (FCI, CRSH, FQRSC, 2003-2009), qu'il a fondé en 2003. Il prépare dans ce cadre trois ouvrages collectifs sur l'imaginaire du Nord et les modernités amérindiennes et inuite.

Daniel Arsenault
(Université du Québec à Montréal, Québec)
« Tuniit, Torngait et diablotins Réception ambivalente de l'art rupestre dorsétien par l'Inuit et le Qabloonaq »

La reconnaissance d'un site de gravures rupestres sur l'île Qajartalik, au large de la péninsule de l'Ungava, au Nunavik, a suscité depuis le début des années 1960 toute une série de réactions, parfois rationnelles, parfois tout à fait émotives, de la part de représentants des collectivités inuites, non inuites et même scientifiques. Le but de cette communication est de mettre en lumière, pour les commenter, ces réactions variées à l'endroit d'un lieu nordique hautement énigmatique, réactions qui traduisent aussi bien les fondements idéologiques de ces représentants que le désir de chacun de jouer sur l'imaginaire collectif propre à chaque culture.

Daniel Arsenault est professeur en patrimoines interculturels au Département d'histoire de l'art de l'Université du Québec à Montréal et chercheur au Centre interuniversitaire d'études sur les lettres, les arts et les traditions (CÉLAT). Archéologue-anthropologue spécialiste des arts anciens du monde autochtone, il est aussi directeur de l'Alliance de recherche université-communauté (ARUC) des Tuniit aux Inuits, un projet portant sur les patrimoines archéologique et historique du Nunavik. Auteur de nombreux articles et communications, il vient de publier « Rock-art archaeology, landscape, and sacred places in the Canadian Shield. Attitudes in contemporary archaeological theory » et «From natural settings to spiritual places in the Algonquian sacred landscape. An archaeological, ethnohistorical, and ethnographic analysis of Canadian Shield rock-art sites » dans Landscapes of Rock Art (2004).

Mathilde Roussat
(Université de Paris X-Nanterre, France)
« Kant, Caspar David Friedrich et l'iconographie du Grand Nord dans le domaine germanophone à la fin du XIXe siècle : la fascination du sublime »

À la faveur du développement de l'exploration arctique au XIXe siècle apparaît dans le domaine germanophone une production iconographique diversifiée relative aux régions polaires : gravures de récits de voyage, albums de photographies, peintures composent ce large corpus de représentations du Grand Nord. Son étude permet de dégager de grands axes iconographiques récurrents, parmi lesquels celui d'une esthétique du sublime s'avère tout particulièrement caractéristique de l'imagerie polaire. En se penchant sur l'exemple de l'iconographie liée aux légendaires expéditions austro-hongroises du dernier tiers du XIXe siècle, il est possible de mettre à jour les catégories iconographiques propres à cette esthétique qui jouit dans le domaine germanique d'une tradition particulièrement forte. On analyse ainsi avec profit photographies et gravures à la lumière des définitions du sublime formulées par Kant et des paysages arctiques peints en 1823-1824 par C. D. Friedrich, exemples canoniques d'un sublime pictural. Ces deux références ont été conjuguées dans la constitution d'un imaginaire du Grand Nord comme locus terribilis tout à la fois effrayant et fascinant.

Mathilde Roussat est une ancienne élève de l'École Normale Supérieure-Lettres et Sciences Humaines et agrégée d'allemand et elle enseigne à l'Université de Paris X-Nanterre. Elle prépare une thèse de germanistique placée sous la direction conjointe de Gérard Raulet (Université de Paris IV-Sorbonne) et de Hartmut Böhme (Humboldt Universität, Berlin) qui est consacrée à la photographie ethnographique et anthropologique allemande de la fin du XIXe siècle.

COCKTAIL


Programme du samedi 12 juin 2004

Samedi 12 juin, 14h
Cinquième séance
Voyageurs et explorateurs

Présidente de séance : Danielle Dumontet

Maria Walecka-Garbalinska
(Université de Stockholm, Suède)
« La nordicité dans la perspective comparatiste : les voyageurs français en Scandinavie et en Amérique au XIXe siècle »

Dans cette communication, l'auteure examine la nordicité telle qu'elle prend forme dans quelques textes de voyage français du XIXe siècle postérieurs à 1815 (récits de voyage proprement dit ou oeuvres de fiction basées sur une expérience personnelle d'un espace donné). En confrontant les textes des auteurs comme Jean-Jacques Ampère, Xavier Marmier ou Arthur de Gobineau, qui ont laissé des relations de voyage dans le Nord européen aussi bien qu'américain, elle se propose de dégager certaines constantes discursives et anthropologiques de la représentation littéraire du Nord pour voir si et dans quelle mesure celle-ci se construit indépendamment du référent géographique. Serait-il possible de parler d'un chronotope nordique dans les textes en question? Le Nord en tant que métaphore politique ou philosophique (liée par exemple à la dichotomie nature/culture) change-t-il de signification selon le territoire qu'il est censé désigner?

Maria Walecka-Garbalinska est maître de conférences habilitée à la direction de recherches au Département de français et d'italien à l'Université de Stockholm. Elle est spécialisée en littérature comparée, en relations culturelles franco-suédoises et en romantisme français. Elle a publié de nombreux articles et chapitres d'ouvrages dont « Les Suédois sur le Boulevard du Crime. L'inscription d'un stéréotype national dans le théâtre populaire du XIXe siècle » (Örebro Universitetsbibliotek, 2004), « Les poèmes en prose de Jules Lefèvre-Deumier. Théorie de la poésie et pratique de la prose » (Champion, 2003) et « La reine Christine entre la tragédie et le mélodrame. L'inscription d'un imaginaire suédois dans deux textes dramatiques d'une période de transition » (Almqvist & Wiksell International, 2002).

Amilcare Cassanello
(Université de Tromsø, Norvège)
« La Commission scientifique du Nord, 1838-1840, et les relations de voyage de Xavier Marmier et de Léonie d'Aunet »

Sous le patronage du roi Louis-Philippe 1er, des scientifiques français explorent et étudient le Nord de la Scandinavie et le Spitzberg. La mission de cette expédition est de rassembler un maximum de connaissances sur ces régions encore très mal connues. Parmi les membres de l'équipe figurent Xavier Marmier, spécialiste de la littérature scandinave et voyageur aguerri, et Léonie d'Aunet, jeune Parisienne de dix-neuf ans qui accompagne son futur époux, peintre de l'expédition. Chacun d'eux a publié le récit de leurs tribulations dans ces contrées arctiques et c'est à travers leurs textes que nous nous proposons de voir comment ils ont perçu et décrit le Nord. Comment l'imaginent-ils avant et après leur voyage? Qu'ont-ils choisi de raconter pour présenter le Nord à leurs lecteurs?

Amilcare Cassanello est né en France en 1962 et vit en Norvège depuis 1986. Il a étudié les langues scandinaves, l'italien et le français à l'Université de Bergen, en Norvège. Depuis 1994, il enseigne la littérature et la civilisation françaises à l'Université de Tromsø, dans le Nord de la Norvège. Il travaille parallèlement à une thèse de doctorat autour de l'oeuvre de Michel Tremblay et s'intéresse également à la littérature québécoise et aux divers aspects de la littérature du Sud-Est de la France (Provence).

Carmen Mata Barreiro
(Universidad Autónoma de Madrid, Espagne)
« Mythes et représentations du Nord chez les découvreurs et explorateurs espagnols au Nord-Ouest de l'Amérique »

Les Espagnols se sont intéressés dès le XVIe siècle à la côte nord du Pacifique et, très particulièrement, ils ont cherché de même que les Français et les Anglais le « passage du Nord-Ouest » qu'on appelait souvent le « détroit d'Anián » à partir de certains récits de voyage. Les représentations de cet espace, qui ont été nourries par des légendes et même par la littérature espagnole du XVIe siècle, évoluent au XVIIIe siècle, période où, dans le cadre des idées et des préoccupations de l'Espagne de l'Illustration, on organise des expéditions vers la côte nord-ouest de l'Amérique. Les récits de découvreurs et d'explorateurs tels Alejandro Malaspina, Francisco Antonio Mourelle de la Rúa ou Tomás de Suria reflètent un regard ethnographique sur cet espace.

Carmen Mata Barreiro est titulaire d'un doctorat en philologie française de l'Université Complutense de Madrid. Elle est professeure titulaire à l'Universidad Autónoma de Madrid. Ses recherches portent sur la civilisation française et francophone (identité et altérité dans le récit de voyage et la littérature migrante, ville et immigration) et sur l'écriture des femmes. Elle a publié des livres en Belgique et en France, et est l'auteure de nombreux articles, parus dans divers pays. Elle a participé, au Québec, aux ouvrages collectifs Ville imaginaire/Ville identitaire. Échos de Québec (1999), Les identités urbaines. Échos de Montréal (2003). Elle est membre du Comité scientifique international de la revue Recherches sociographiques et membre du Conseil d'administration de l'Association internationale des études québécoises.

PAUSE





Samedi 12 juin, 16h
Sixième séance
Exotisme et post-modernité

Président de séance : Daniel Chartier

Danielle Schaub
(Université de Haifa, Israël)
« Le Nord imaginaire, espace féminin? Le cas de No Fixed Address d'Aritha van Herk »

L'oeuvre d'Aritha van Herk manifeste le souci d'allouer aux femmes un espace différent de celui des hommes. Dans son roman No Fixed Address. An Amorous Journey, l'auteure met en avant la quête de sa protagoniste Pícara, Arachne Manteia, d'un espace où elle peut se forger un territoire à l'image de ses désirs et trouver la liberté. Ayant parcouru l'Ouest dans sa vieille Mercedes comme représentante commerciale d'une firme de sous-vêtements féminins et subverti les modèles masculins des westerns, Arachne fait une incartade surréaliste dans le Nord. Inaccessible, échappant aux constructions rationnelles de la pensée, le Nord offre un site vierge, « the ultimate territory », où Arachne peut disparaître tout en laissant sa signature par le biais de son stock de sous-vêtements colorés qu'elle éparpille dans le paysage. Loin de créer une carte typographique précise, ces traces contribuent au caractère mobile, incertain et indéfinissable de l'espace du Nord. L'Arctique acquiert ainsi un statut imaginaire où la femme peut se perdre ou forger sa propre identité mouvante, évasive, marquant sa dissension et sa différence.

Danielle Schaub est née à Kuala Belait, dans le Sultanat de Brunei et a été élevée aux quatre coins du monde, apprenant ainsi plus d'une langue. Elle a enseigné à l'Université de Cambridge, en Angleterre, et à l'Université Libre de Bruxelles avant de se joindre au Département d'anglais d'Oranim, en Israël, où elle enseigne entre autres la littérature canadienne. Parmi ses livres, l'on compte Mavis Gallant (1998), Mapping Canadian Cultural Space. Essays on Canadian Literature (2000), Identity, Community, Nation. Essays on Canadian Literature (2002) et prochainement Reading Writers Reading. Canadian Authors' Reflections (2004). Elle travaille présentement sur un livre traitant des représentations spatiales de l'identité féminine et des traumatismes dans la littérature canadienne.

Alain A. Grenier
(Université de la Laponie, Rovaniemi, Finlande)
« Tourisme polaire : la nature sauvage aux confins de l'imaginaire »

Le tourisme polaire est l'un des nombreux produits alternatifs offerts aux vacanciers qui rêvent de sortir des sentiers battus. Les régions polaires, souvent mal connues et perçues comme un univers un peu flou, se trouvent non seulement aux limites de la géographie mais aussi aux confins de l'imaginaire. Offrant un mélange de dépaysement, d'émotions et d'aventures, le tourisme polaire repose d'abord et avant tout sur l'interaction des voyageurs avec des sites dits de « nature sauvage ». Or, qu'est-ce que la nature sauvage, sinon un concept en opposition au monde urbain et à sa modernité, construit au fil du temps et soumis à diverses influences? Cette communication explore l'intérêt que manifestent les touristes qui choisissent une destination polaire comme lieu de villégiature. L'auteur trace le portrait des régions polaires tel que présenté aux touristes de croisières à travers l'information de voyage et compare ensuite l'image qu'en ont les touristes.

Alain A. Grenier complète son doctorat en sociologie à l'Université de la Laponie, en Finlande. Ses recherches portent sur les relations entre l'être humain et la nature, via le prisme du tourisme de croisières polaires en Arctique et en Antarctique. Il enseigne le tourisme de la nature à la Polytechnique de Rovaniemi et a publié deux livres sur le sujet, soit Ship-Based Polar Tourism (1998) et Tourisme polaire dans le Passage du Nord-Est (2003). Sa thèse de doctorat, « The Nature of Nature Tourism », sera publiée en mai 2004. Il s'intéresse aussi à la construction de l'image des régions polaires. Originaire de Québec, Alain A. Grenier a vécu au Yukon et effectué des séjours de longue durée en Antarctique et en Russie. Il habite en Laponie finlandaise depuis huit ans.

Jean-Marc Moura
(Université Charles-de-Gaulle-Lille III, France)
« D'un Nord post-moderne : Die Schrecken des Eises und der Finsternis de Christoph Ransmayr »

Dans la réflexion sur le Nord, diverses approches comparatistes ont montré que le Nord apparaît comme le point déterminant d'une géographie imaginaire à partir duquel se révèlent des aspects inconnus des êtres et des choses. Afin d'enrichir ces études, cette communication développe une nouvelle approche de l'appréhension du Nord, en s'intéressant à l'exotisme que peut manifester ce lieu. L'auteur de la communication s'attarde à une forme romanesque particulière qu'il nomme le « voyage rétrospectif » par le biais du roman Die Schrecken des Eises und der Finsternis de Christof Ransmayr. Prenant pour sujet une expédition du XIXe siècle vers les régions arctiques, l'oeuvre de Ransmayr relève d'une métafiction du voyage inspirée par l'attrait du Grand Nord, permettant une réflexion littéraire sur ce qui peut encore échapper aux conventions du périple de masse.

Jean-Marc Moura est directeur du Centre de recherche en littérature générale et comparée et professeur de littérature comparée à l'Université Charles-de-Gaulle-Lille III. Il est reconnu internationalement pour ses travaux sur l'imagologie et l'exotisme littéraire. Il a notamment publié Lire l'exotisme (Dunod, 1992), La littérature des lointains. Histoire de l'exotisme européen au XXe siècle (Champion, 1998), Littératures francophones et théorie postcoloniale (PUF, 1999) et Le Nord, latitudes imaginaires. Actes du XXIXe congrès de la Société française de littérature générale et comparée (avec Monique Dubar, Presses universitaires de Lille, 2001).




Le colloque est Organisé par Daniel Chartier (Université du Québec à Montréal) avec le concours du Laboratoire international d'étude multidisciplinaire comparée des représentations du Nord, du Centre culturel suédois, du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises, du Centre de recherche Figura sur le texte et l'imaginaire, de l'Association internationale des études québécoises et du Conseil international d'études canadiennes.

Laboratoire international d'étude multidisciplinaire
comparée des représentations du Nord

Daniel Chartier, directeur

Département d'études littéraires
Université du Québec à Montréal
Case postale 8888, succursale « Centre-ville »
Montréal (Québec)
Canada H3C 3P8

imaginairedunord@uqam.ca
Téléphone : +1 (514) 987-3000, poste 4926

Le Laboratoire est financé par Recherche-Québec,
la Fondation canadienne de l'innovation
et l'Université du Québec à Montréal.


Renseignements sur le colloque : imaginairedunord@uqam.ca

Imaginaire | Nord