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Les Mille et une nuits : passerelle entre l’Orient et l’Occident

Les Mille et une nuits : passerelle entre l’Orient et l’Occident

Publié le par Vincent Ferré (Source : Aboubakr CHRAÏBI)

Les Mille et une nuits : passerelle entre l'Orient et l'Occident

Colloque International

Organisé par l'Université Sorbonne-Paris IV et l'Inalco, Cermom

Abu Dhabi 14,15 et 16 avril 2007


Argument :

Aujourd'hui encore, aucun livre de littérature arabe ne semble aussi présent dans les mémoires que les Mille et une nuits. Aucun personnage de fiction, de cette même culture, ne peut prétendre à une renommée comparable à celle de Shahrâzad, de Sindbâd le marin ou d'Aladdin. Les Mille et une nuits ont en effet réussi à s'imposer comme une référence durable, une référence en ce qui concerne la production littéraire du monde arabe, une référence aussi en ce qui concerne, plus généralement, la richesse de l'imaginaire et l'art de raconter. En outre, les Nuits entretiennent des liens privilégiés avec la littérature et la culture françaises, dès les débuts du XVIIIe siècle, puisque c'est dans cette langue qu'elles ont été pour la première fois traduites, grâce à Antoine Galland, et que c'est à partir de cette langue qu'elles ont été, dans un premier temps, diffusées vers le reste du monde.

L'un des thèmes les plus importants dans les Mille et une nuits, et qui a sans doute aussi une dimension universelle, est celui de la fonction de la littérature narrative. A quoi servent les récits ? Dans quelles circonstances sont-ils racontés et à quelle fin ? Plusieurs réponses nous sont fournies dans les Nuits, mises en scène par le jeu de l'enchâssement. Le récit est par exemple proposé comme un argument dont la connaissance permet au narrateur de convaincre son auditoire : c'est le cas du cycle des Sept vizirs (connu aussi sous le nom de Sindbad le sage ou encore Syntipas) où les vizirs vont narrer tour à tour, et avec un certain succès, des histoires pour persuader le roi de ne pas agir dans la précipitation et faire mourir son fils. Cet exercice d'influence par l'intermédiaire d'un conte ou, aujourd'hui, d'un roman ou d'un film est en effet un phénomène important, qui relève du contenu idéologique propre à tout discours. Le récit est encore proposé, dans les Nuits, comme un moyen de distraire, en relation avec ce que nous appelons sa littérarité, par ses qualités propres, récit généralement qualifié dans les Nuits elles-mêmes par les termes d'étonnant et de surprenant ('ajîb et gharîb), termes omniprésents, et qui nous renvoient vers le plaisir du texte. Shahrazâd s'en sert pour captiver l'attention du roi, gagner du temps, et repousser la menace qui pèse sur elle. Il existe encore dans les Nuits une troisième fonction attribuée au récit que l'on pourrait comprendre également comme une variation sur les deux fonctions précédentes : « sauver une vie ». Cette fonction pose en réalité une question liée à la fois à la valeur esthétique d'un texte et, aussi singulier que cela puisse paraître, à l'exercice de la justice : une personne a été condamnée à mort (par le calife Hârûn al-Rashîd par exemple) … peut-on alors racheter sa vie en racontant simplement une histoire ? Et que cela signifie-t-il ? Le récit raconté serait-il si parfait qu'il mériterait une telle rétribution ou bien la vie d'un homme serait-elle, malheureusement, si peu de chose qu'un « rien » suffirait pour la condamner et qu'un autre « rien », une histoire étonnante, suffirait à la sauver ? Les Nuits proposent des interrogations qui ont marqué leur succès, qui touchent assurément aussi bien l'Orient que l'Occident, et que l'on pourrait approfondir par un examen plus attentif du corpus des Nuits ou bien, de manière également enrichissante, par comparaison avec d'autres textes en provenance des autres cultures.

Par ailleurs, si on consulte l'un des ouvrages de référence sur les Mille et une nuits : The Arabian Nights Encyclopedia (U. Marzolph et R. van Leuwen, Santa Barbara, 2004) ou bien d'autres travaux récents sur le sujet comme les New Perspectives on Arabian Nights (W.-C. Ouyang et G. J. van Gelder, Londres-New York, 2005), on constatera facilement que les liens que les Nuits établissent entre Orient et Occident se sont considérablement renforcés au fil du temps, et de deux manières. Premièrement, à l'intérieur même de ce que sont devenues les Nuits au bout de leur course dans les différentes langues, il existe une importante quantité de récits que les traducteurs européens, dont Galland, puis Weil, Burton et Mardrus, ont pris la liberté d'ajouter à leur texte ; ces récits additionnels nouveaux, comme Ali Baba par exemple, ont eux aussi contribué au succès des Nuits, mais ils représentent des créations mixtes à la fois orientales (souvent par leur origine: Ali Baba vient de Syrie) et occidentales, puisqu'ils ont été réécrits et transformés pour prendre place à l'intérieur des Nuits. Cet état nouveau des Mille et une nuits, simultanément arabes et françaises ou allemandes … ou anglaises, mériterait une attention particulière. Deuxièmement, à l'extérieur des Nuits, et c'est sans doute le chantier le plus gigantesque, de nombreuses productions littéraires, cinématographiques, musicales, philosophiques, à peu près de tous les pays, se sont inspirées des Nuits ou bien ont été affectées par elles, de Montesquieu ou Théophile Gautier jusqu'aux séries de mangas réalisées au Japon ou de films sur Aladdin produits par Disney.

En somme, ce colloque pourrait s'articuler autour de trois problématiques différentes : 1 – ce que les Nuits proposent comme thèmes et procédés littéraires internes, par comparaison éventuelle aux ouvrages existants dans d'autres cultures ; 2 – l'état nouveau des Nuits une fois qu'elles ont été traduites ou adaptées dans les différentes langues ; 3 – l'influence extérieure des Nuits.

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Un titre et un bref résumé doivent parvenir à Aboubakr Chraïbi (aboubakr.chraibi@free.fr) avant le 30 novembre 2006. Les communications sont au plus de 30 mn. Les frais de transport et de séjour sont à la charge des participants.