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Les langages poétiques de Georges Schehadé

Les langages poétiques de Georges Schehadé

Publié le par Natalie Maroun (Source : Yannick Hoffert (Université Nancy 2))

APPEL A COMMUNICATIONS

Les langages poétiques de Georges Schehadé

À la page, à la scène, à l'écran

Colloque international - Université Nancy 2 (3 et 4 avril 2012)

Organisé par le Centre d'Études Littéraires Jean Mourot

En partenariat avec l'IMEC, le Printemps des Poètes et la Compagnie Ça Respire Encore

Informations : Yannick.Hoffert@univ-nancy2.fr

 

 

 

 

Poète et dramaturge majeur, salué par de nombreuses distinctions, et en particulier par le Grand Prix de la francophonie décerné en 1986 par l'Académie française, Georges Schehadé, poète d'Orient et d'Occident, Libanais qui a écrit la totalité de ses textes littéraires en langue française, n'a encore jamais fait l'objet d'un colloque en France. Le recul des années, la possibilité de consulter ses archives à l'IMEC et la parution récente de plusieurs ouvrages consacrés à son oeuvre théâtrale et poétique invitent à rassembler des chercheurs issus d'horizons divers pour produire une réflexion collective sur la variété des formes que prend cette écriture.

Tout au long de sa carrière littéraire, Georges Schehadé a suivi ce qu'il nomme « le fil d'or de la poésie[1] » - une poésie qui prend des visages divers. Les premiers textes publiés par Schehadé sont des poèmes, qui explorent des directions formelles diverses - vers régulier, vers libre, poème en prose : le recueil Étincelles, en 1928, vite renié par l'auteur, L'Écolier sultan, rédigé en 1928-1929 et publié en 1950, onze poèmes retenus par Saint-John Perse pour la livraison du mois d'avril 1931 de la revue Commerce, et, en 1938, le premier recueil des Poésies. Rodogune Sinne, rédigé en 1929, publié en 1947, se présentant comme un récit poétique subdivisé en chapitres, propose une forme encore différente. Très tôt, le théâtre s'impose comme un prolongement naturel du geste poétique. Le poète se fait alors dramaturge : Schehadé fait représenter son court texte dramatique Chagrin d'amour en 1938 et commence la rédaction de Monsieur Bob'le la même année. « Ce que j'ai essayé de faire, c'est du théâtre avec de la poésie[2] », confiera-t-il en 1961 à Claude Bonnefoy. Avec la création en 1951 de Monsieur Bob'le par Georges Vitaly au Théâtre de la Huchette, puis, en 1954, de La Soirée des proverbes par Jean-Louis Barrault au Petit-Théâtre Marigny, Schehadé se trouve au coeur de l'avant-garde théâtrale qui s'affirme dans le Paris de l'après-guerre. Histoire de Vasco, Le Voyage, Les Violettes, L'Émigré de Brisbane poursuivront l'aventure théâtrale et marqueront des évolutions formelles. L'écriture du scénario et des dialogues du film Goha réalisé par Jacques Baratier et primé au Festival de Cannes en 1958 permet à l'auteur de mettre sa poésie à l'épreuve d'une nouvelle forme de langage encore. En écrivant en 1957 la pantomime L'Habit fait le prince, publiée en 1973 et inspirée en partie du conte de Gottfried Keller Kleider machen Leute, Schehadé explore cette fois une poésie essentiellement visuelle.

Le colloque cherchera à appréhender et définir les formes et les enjeux de cette poésie aux visages pluriels, à travers notamment les axes suivants :

 

1) L'écriture poétique

L'écriture de poèmes embrasse toute la carrière de Schehadé, de ses débuts en littérature jusqu'aux Poésies VII commencées en 1985 et restées inachevées. On pourra en particulier interroger la poésie de Schehadé à travers la diversité de ses formes - poèmes en vers libres, poèmes en prose, récit poétique, poème dialogué -, mais également à travers, par exemple, la question des images.

Recueil constitué de vers sortis de leur contexte et placés chacun dans l'espace libre d'une page, l'Anthologie du vers unique, composée par Schehadé, parue en 1977 et qui fera l'objet d'une nouvelle édition à l'automne 2011, pourra sans doute apporter un éclairage sur la poétique de l'auteur.

 

2) L'écriture dramatique

On interrogera notamment les rapports que le théâtre de Schehadé entretient avec sa poésie. « Je pense que tous les poètes doivent déboucher sur le théâtre. Le poète fait de la musique de chambre. Il est toujours seul. Alors il arrive un moment où il en a assez. Il veut être en contact avec le monde et il désire se faire entendre à l'aide d'un grand orchestre, c'est-à-dire sur une scène[3] », déclare l'auteur en 1966. Schehadé a auparavant confié à Gabriel Bounoure, en 1961 : « la poésie au théâtre c'est la princesse qui se mêle aux gens de la rue[4] ». On pourra notamment interroger le rapport entre l'oeuvre proprement poétique et l'oeuvre théâtrale à travers la pratiques de l'auto-citation - poèmes de Schehadé repris dans Monsieur Bob'le, par exemple.

On accordera une attention particulière à l'évolution de son écriture pour le plateau, toujours menacée, selon l'auteur, « soit par le prosaïsme, soit par le lyrisme[5] », aux figures récurrentes de ce théâtre (l'enfant, le poète, le sage, le savant…), aux figures animales, à la place de l'humour ainsi qu'aux motifs essentiels (le sacrifice, l'exil…).

 

3) La poésie de Schehadé à la scène et à l'écran

Les questions posées par la mise en scène d'une telle écriture, les exigences qu'elle porte et les perspectives qu'elle ouvre pour le jeu, la manière dont elle a été traitée par les artistes du plateau et de l'écran, méritent une étude. « La Soirée des Proverbes est un grand coup de vent, et un grand coup de vent est difficile à attraper[6] », aurait, selon l'auteur, déclaré Ingmar Bergman, un moment tenté par l'idée de mettre en scène cette pièce.

On pourra notamment se pencher sur les créations, en France, de Georges Vitaly (Monsieur Bob'le, Théâtre de la Huchette, 1951), Jean-Louis Barrault (La Soirée des proverbes, Petit-Théâtre Marigny, 1954, Histoire de Vasco, Schauspielhaus, Zürich, 1956, Le Voyage, Odéon-Théâtre de France, 1961), Roland Monod (Les Violettes, Festival de Châlon-sur-Saône, 1966), Jacques Mauclair (L'Emigré de Brisbane, Comédie-Française, 1967) et, plus récemment, Jean-Louis Benoit (Monsieur Bob'le, Théâtre du Vieux-Colombier, 1994) ; ou, à l'étranger, Hans Schalla (Les Violettes, Schauspielhaus, Bochum, 1960), Kurt Meisel (L'Emigré de Brisbane, Residenztheater, Munich, 1965), Daniel Leveugle (L'Émigré de Brisbane Théâtre National de Belgique, 1966). On s'intéressera également aux réalisations télévisuelles (Les Violettes par Agnès Delarive, 1970, Le Voyage par Jean-Paul Roux, 1973). Les ressources de l'INA, qui peuvent être consultées à la BNF, pourront être en l'occurrence d'un grand secours. On peut notamment y trouver L'Émigré de Brisbane (1968, réal. Jean Pignol) dans la distribution de la Comédie-Française, l'opéra de chambre Récit de l'an zéro (1966, réal. Annie Aizieu, musique de Maurice Ohana), Le Voyage (1973, réal. Jean-Paul Roux). Le colloque se penchera également sur l'écriture, à partir du Livre de Goha le Simple d'Albert Adès et Albert Josipovici, du scénario et des dialogues du film Goha. L'opéra de Gordon Crosse The Story of Vasco (London Coliseum, Londres, livret de Ted Hughes, 1974), la mise en musique par Guy Sacre de poèmes de Schehadé offrent d'autres possibilités d'études.

L'étude de la réception du théâtre de Georges Schehadé constitue également une perspective. Elle permettra d'interroger les « batailles » qui ont suivi les créations des pièces de Schehadé. La notion de poésie tient une place centrale dans la réception de Monsieur Bob'le et de La Soirée des Proverbes. Une partie de la critique, Robert Kemp et Jean-Jacques Gautier en tête, est violemment hostile à une poésie qui n'est, pour elle, qu'obscurité ; en revanche, André Breton, René Char, Benjamin Péret prennent la défense de Monsieur Bob'le au nom de la poésie. Avec Histoire de Vasco et Les Violettes, les batailles ont aussi été menées sur un terrain politique.

 

 

Les propositions de communication (2000 signes environ) sont attendues pour le 30 octobre 2011. Elles sont à adresser à l'adresse suivante : Yannick.Hoffert@univ-nancy2.fr.

 

Comité scientifique : Michel Corvin, Professeur honoraire d'Études théâtrales à l'Université Paris III ; Laurence Denooz, Professeur de langue et littérature arabes, Université Nancy 2 et Université libre de Bruxelles ; Gilles Ernst, Professeur Émérite de littérature française, Université Nancy 2 ; Jeanyves Guérin, Professeur de littérature française du XXème siècle à l'Université Paris III ; Marie-Claude Hubert, Professeur de littérature française à l'Université de Provence.


[1] Georges Schehadé