Actualité
Appels à contributions
Les héroïsmes passés relus par la fiction : la figure du Mousquetaire (XIXe-XXe)

Les héroïsmes passés relus par la fiction : la figure du Mousquetaire (XIXe-XXe)

Publié le par Ivanne Rialland (Source : Matthieu Letourneux)

Les héroïsmes passés relus par la fiction

La figure du Mousquetaire (XIXe-XXe)

 

Musée des Invalides – 7 juin 2014

Le développement du roman historique moderne au XIXe siècle a engagé la représentation de l’histoire dans un dialogue avec les imaginaires contemporains de la  culture médiatique et urbaine. En convoquant dans leurs romans certains lieux, événements, personnages empruntés au passé, les écrivains les redéfinissent suivant l’économie de la fiction au point d’en faire rapidement des stéréotypes romanesques repris d’une œuvre à l’autre. Ils leur associent un ensemble de traits attendus qui construisent les représentations de l’Histoire. Ainsi, un certain nombre de figures historiques se retrouvent-elles prises dans un va-et-vient entre reconstitution historique, stéréotypes littéraires et discours d’actualité.

L’un des exemples les plus frappants au XIXe siècle de ce processus de reconfiguration par la littérature est sans doute la figure du mousquetaire. Rendu fameux par Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, ce personnage se décline durant tout le XIXe siècle et continue au XXe siècle d’alimenter un imaginaire romanesque renouvelé. On compte de nombreuses suites apportées au roman de Dumas au théâtre et dans le feuilleton, une multitude de déclinaisons dans les récits de cape et d’épée, et tout un ensemble de relectures plus tardives (du D’Artagnan amoureux du Français Roger Nimier au Club Dumas de l’Espagnol Arturo Perez Reverte). A force de variations stéréotypées, le personnage devient un marqueur générique, associé au récit de cape et d’épée et, plus largement, à une certaine conception du romanesque. Il détermine un pacte de lecture particulier avec lequel les auteurs jouent plus ou moins librement. Le mousquetaire et ses variantes, gasconnes ou autres, apparaissent ainsi comme des figures littéraires se structurant sur la matière même de l’Histoire ; et à travers eux se dit quelque chose de la construction d’une identité collective, autour de « l’esprit français », du panache, etc. Mais au fil du temps, ces imaginaires se transforment à leur tour en fonction des mutations sociales, politiques et culturelles : évolution de l’idée de Nation, débats sur l’armée, la conscription ou le rôle international de la France, tensions politiques redéfinissent ainsi le personnage et les significations qui lui sont associées.

L’objet de ce colloque sera d’explorer les différentes thématiques qui s’articulent autour de la figure du mousquetaire et de ses variantes : thématiques génériques, autour de la définition du roman historique et du roman de cape et d’épée, et de leurs convergences ; thématiques politiques et idéologiques, avec la question de la transformation des armées et l’émergence des nationalismes ; thématiques historiographiques, autour des discours charriés par les fictions sur ce corps d’armée et de son représentant paradigmatique, Charles de Batz-Castelmore, comte d’Artagnan ; thématiques esthétiques, dans la mesure où l’éthos du mousquetaire vaut pour une certaine définition du romanesque, mais où son imaginaire s’est transformé au cours du XIXe siècle et plus encore au cours du XXe siècle.

Le colloque est ouvert aux propositions issues de disciplines différentes (histoire de l’art, littérature, Histoire, études théâtrales et cinématographiques) ou aux approches interdisciplinaires.

On s’intéressera tout particulièrement aux questions suivantes :

  • Quelle est la signification du personnage dans la société du XIXe siècle ? Quelle position occupe-t-il dans la définition des représentations nationales et d’une mythologie collective ? Quels sont les enjeux politiques et idéologiques qui traversent ses différentes définitions ? On pourra par exemple se demander comment il dialogue avec l’imaginaire de l’armée française, quel lien il entretient avec les débats sur la conscription ou les tensions politiques du temps. On questionnera également certains des lieux communs associés à la figure du mousquetaire : le duel, le panache, l’esprit français, en tentant de montrer leur valeur culturelle et littéraire, et leur relation avec les imaginaires du XIXe siècle.
  • On cherchera à montrer le rôle de Dumas dans l’invention du personnage (et les études consacrées à la trilogie des Mousquetaires seront bienvenues). On étudiera les glissements successifs qui ont transformé ce personnage dumasien pour en faire un type collectif avec ses caractéristiques, un marqueur générique. On tentera de mettre en évidence la constitution d’un type romanesque, associé à des intrigues, un ton, une encyclopédie narrative et thématique. Dans cette perspective, on étudiera la fonction du mousquetaire dans les imaginaires sériels de l’époque, ceux en particulier de genres comme le roman de cape et d’épée ou le roman historique (et les études sur ces deux genres seront les bienvenues), en tentant également de mettre en évidence les transformations de ces imaginaires au fil du temps – y compris dans leurs versions étrangères (anglaises, espagnoles, américaines).
  • On s’intéressera aux différents avatars du mousquetaire : il s’agira d’abord de se pencher sur quelques uns des prolongements du cycle de Dumas (comme les reprises du cycle des mousquetaires par Paul Mahalin ou Paul Féval), mais aussi sur les variantes plus libres – le cadet de Gascogne, le « petit parisien », etc. On pourra ainsi aborder quelques-uns des personnages clés de cet imaginaire du panache associé au récit de cape et d’épée, comme Cyrano de Bergerac, Lagardère, ou Pardaillan.
  • On abordera plus largement la circulation du personnage dans l’ensemble des espaces culturels : du côté du théâtre et des spectacles bien sûr, mais aussi du côté de l’illustration, de la caricature ou des récits en images, dans la culture populaire et la culture matérielle. Plus généralement, la question de la réception de cet imaginaire – par exemple dans des adaptations pour la jeunesse – pourra être abordée. Enfin, des ouvertures pourront être faites du côté des réécritures plus contemporaines ou des versions médiatiques (cinéma, télévision, bande dessinée) qui ont fleuri aux XXe et XXIe siècles.

La journée d'étude est organisée par la Société des Amis d'Alexandre Dumas (SAAD) - http://www.dumaspere.com/

Les propositions de communication sont à envoyer à Matthieu Letourneux (mletourneux@free.fr) et à Isabelle Safa (safa.isabelle@gmail.com) avant le 8 janvier 2014.