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Les genres dans l'enseignement du français : un objet et/ou un outil didactique ?

Les genres dans l'enseignement du français : un objet et/ou un outil didactique ?

Publié le par Perrine Coudurier (Source : David Vrydaghs)

Collection « Recherches en didactique du français » Volume 7, automne 2014

Les genres dans l’enseignement du français : un objet ou/et un outil didactique ?

coord. : Glaís Sales CORDEIRO (Université de Genève) & David VRYDAGHS (Université de Namur)

Ancrée initialement dans le domaine des études littéraires et linguistiques, la notion de genre a fait, depuis les années 1980, l’objet de nombreuses recherches en didactique du français. Dans ce domaine, ce sont surtout les travaux d’obédience pragmatique (Fowler, 1982; Schaeffer, 1989) qui ont servi de référence aux didacticiens, parce qu’ils abandonnaient les perspectives essentialistes (illustrées notamment par les travaux de Kate Hambürger) et formalistes (illustrées par les travaux des premiers poéticiens) au profit d’un questionnement sur la valeur d’usage des genres et sur leurs ancrages dans des situations de communication (Privat & Vinson, 1988). Les travaux de Bakhtine (1984), qui mettent en exergue les spécificités des sphères d’échange verbal et leur rapport étroit avec des types d’énoncés plus ou moins stables qui constituent les genres du discours, constituent également une référence importante des recherches didactiques des années 1990. Certains auteurs vont ainsi considérer le genre comme un outil sémiotique, une forme langagière (un texte) dont le choix est déterminé par la situation de communication, les spécificités de cette situation de communication ne pouvant être appréhendées que dans la mesure où un genre (socio- historiquement construit) est disponible (Schneuwly, 1994 ; Bronckart, 1997). C’est pourquoi les genres de textes constituent, pour ces auteurs, un « (méga-)outil pour agir dans des situations langagières » (Dolz & Schneuwly, 1999 : 57) et structurent dès lors le travail de l’enseignant et nombre d’apprentissages. D’autres chercheurs vont insister sur les dimensions multiples de cette catégorie pour en faire un outil permettant de « cadrer » l’écriture et la lecture, un « savoir-faire » jouant un rôle majeur dans le développement des compétences lecturale et scripturale des apprenants (Canvat, 1996 et 1999).

Parallèlement à ces réflexions sur les genres s’élaborent, à partir des années 1980 surtout, différentes typologies de textes. Ces modèles opèrent un autre découpage des textes, littéraires ou non, en s’appuyant le plus souvent sur la visée énonciative de ceux-ci (Adam, 1992 et 2005 ; Bronckart, 1996). Parfois contestées pour n’avoir pas rendu compte de manière assez fine de l’hétérogénéité textuelle (Halté, 1992 ; Canvat, 1996 et 1999), ces typologies ont, sur le plan didactique, nourri des réflexions visant au regroupement des différents genres textuels ou discursifs en fonction des capacités langagières dominantes et des visées communicatives de celles-ci (par exemple, García-Debanc, 1989 ; Petitjean, 1989 ; Dolz & Schneuwly, 1999 ; Dolz, Gagnon & Toulou, 2008).

Dans les années 2000, l’importance du genre ne s’est pas démentie, mais la notion a fait l’objet, sinon de critiques, de problématisations visant à mieux distinguer entre les genres discursifs, les genres didactiques et les genres scolaires (Reuter, 2007). L’accent s’est parfois déplacé des genres eux-mêmes aux conditions et enjeux des pratiques (écrites et orales) que codifient les genres (Boré & Laborde-Milaa, 2007), voire à la place qu’occupent les genres dans l’institution scolaire (Denizot, 2005 et 2010 ; Rosier & Pollet, 2007). Le statut et la spécificité des genres scolaires ont été ainsi investiguées soit à travers l’analyse des transformations qu’ils subissent dans les instructions officielles, programmes scolaires, moyens d’enseignement et pratiques d’enseignants qui enseignent la discipline « français », soit par l’étude des interactions en classe et des textes oraux et écrits produits dans ce contexte (voir, par exemple, Boré, 2007 ; Schneuwly & Dolz, 1997).

Dans ce volume de la collection « Recherches en didactique du français », on voudrait prolonger cette réflexion critique et didactique sur les rôles des genres dans l’enseignement du français selon les axes suivants :

1) état des lieux : les contributions de cette partie devraient permettre de mesurer la place qu’occupent actuellement les genres dans les programmes de français des différents pays francophones comme de revenir sur le statut et les rôles qui leur sont reconnus dans les instructions officielles de ces pays. Il s’agirait en somme d’établir, via notamment des comparaisons, une cartographie des instructions actuelles à propos des genres et de leur enseignement, de chercher à comprendre de quelle façon ceux-ci sont définis (quand ils le sont) et quel(s) rôle(s) ces instructions entendent leur faire remplir : les genres sont-ils avant tout des objets pour la classe, à identifier ; des objets à enseigner, des contenus, des savoirs à acquérir ou encore des outils d’enseignement-apprentissage complexes ?

2) les genres dans la formation et dans les pratiques enseignantes : dans cette partie, on souhaiterait d’une part que les contributions problématisent le statut des genres dans la formation (de base et continue) des enseignants et d’autre part qu’elles abordent des situations concrètes d’enseignement en mettant en exergue comment, dans les pays francophones, les enseignants se réfèrent aux genres. Les formateurs des enseignants et les enseignants recourent-ils régulièrement ou occasionnellement au concept de genre dans leurs pratiques ? En font-ils ou non une pierre angulaire de leurs enseignements ? Comment sont-ils transposés des instructions officielles dans les dispositifs et situations de formation ou d’enseignement proposés en classe? Les genres sont-ils considérés comme des outils au service d’apprentissages multiples ou comme des objets d’enseignement-apprentissage à part entière ? Quels sont les objectifs poursuivis dans chaque cas par les enseignants ?

3) le genre comme outil et/ou objet d'enseignement-apprentissage : il s’agira ici, en complément à la seconde partie, de réfléchir au genre comme outil et/ou objet d’enseignement sur les plans théorique et méthodologique : tous les genres peuvent-ils être des outils d’enseignement ? et des objets d’enseignement ? à quelles conditions ? comment fait-on d’un genre extrascolaire un outil ou un objet d’apprentissage pour la classe ? quels apprentissages peut-il susciter, soutenir, étayer ? et quelles représentations les élèves développent-ils sur les genres dans le contexte scolaire ? comment les analyser ? à partir de quel matériau ?

Informations pour les auteurs

L’un des objectifs des ouvrages de la collection Recherches en didactique du français est de contribuer à une diversification des contributions selon l’espace de la francophonie, les situations d’enseignement (français langue première et maternelle ou langue étrangère et seconde), les étapes de développement (premiers apprentissages, apprentissages continués), les différents niveaux scolaires (école maternelle, enseignement élémentaire, collège, lycée, université), les différents domaines de travail sur la langue.

Le sommaire sera établi sur la base d’un appel à contributions mais aussi de sollicitations adressées à des auteurs dont la compétence dans le domaine est avérée et se double d’une inscription institutionnelle déployant au mieux la variété des contextes et la diversité des approches.

Calendrier et protocole d’expertise des contributions

22 février 2013

Lancement de l’appel à contribution / invitations ciblées

15 avril 2013

Réception des propositions de contribution (axe retenu, problématique, méthodologie, contextualisation, etc.) (5000 signes maximum)

1er juin 2013

Retour aux auteurs et commande des articles / invitations ciblées

15 décembre 2013

Réception des articles (1re version)

15 mars 2014

Retour aux auteurs des expertises (acceptation, demande de modifications ou refus)

15 juin 2014

Réception des articles (version définitive)

Octobre 2014

Publication

La coordination du numéro s'appuie sur un Comité scientifique qui choisit et sollicite des relecteurs dont la compétence est reconnue pour le domaine considéré (Comité de lecture). Chaque texte est transmis anonyment aux relecteurs et leurs expertises sont renvoyées anonymement aux auteurs.

Références bibliographiques

ADAM (J.-M.). 1992. Les Textes : types et prototypes. P aris : Nathan Université.
ADAM (J.-M.). 2005. La linguistique textuelle : introduction à l’analyse linguistique des discours. Paris : Armand Colin.

BAKHTINE (M.). 1984. Esthétique de la création verbale. Paris : Gallimard.
BORÉ (C.) (ÉD.). 2007. Construire et exploiter des corpus de genres scolaires, Diptyque, no 10.

BORÉ (C.) & LABORDE-MILAA (I.). 2007. Présentation. Le Français aujourd’hui, 159, 3-8.

BRONCKART (J.-P). 1996. Genres de textes, types de discours et opérations psycholinguistiques. Enjeux, 37-38, 31-48.

BRONCKART (J.-P). 1997. Activité langagière, textes et discours. Pour un interactionisme socio-discursif. Lausanne : Delachaux et Niestlé.

CANVAT (K.). 1996. « Types de textes et genres textuels : problématique et enjeux ». Enjeux, 37-38, 5-30.

CANVAT (K.). 1999. Enseigner la littérature par les genres. Pour une approche théorique et didactique de la notion de genre littéraire. Bruxelles : De Boeck-Duculot.

DENIZOT (N.), 2005. « L’institution scolaire des genres littéraires », Les Cahiers Théodile, 6, 41-62.

DOLZ (J.) & SCHNEUWLY (B.). 1999. « Genres et progression en expression orale et écrite. Éléments de réflexions à propos d’une expérience romande. » Enjeux, 37-38, 49-76.

DOLZ (J.), GAGNON (R.) & TOULOU (S.). 2008. Production écrite et difficulté d’apprentissage. Université de Genève : Carnet des Sciences de l’Éducation.

FOWLER (A.). 1982. Kinds of Literature. An Introduction to the Theory of Genres and Modes. Cambridge : Harvard University Press.

GARCIA-DEBANC (C.). 1989. Le tri de textes : modes d’emploi. Pratiques, 62, 3-51.
HALTÉ (J.-F.). 1992. La Didactique du français. Paris : PUF (Que sais-je ?).
PETITJEAN (A.). 1989. Les typologies textuelles. Pratiques, 62, 86-125.
PRIVAT (J.-M.) & VINSON (M.-C.). 1988. Tableaux de genres : travailler les critères de genre en lecture-écriture. Pratiques, 59, 3-17.

REUTER (Y.), 2007. « Statuts et usages de la notion de genre en didactique(s) ». Le Français aujourd’hui, 159, 11-18.

ROSIER (L.) & POLLET (M.-C.) (éd.). 2007. Les Mauvais genres en classe de français ? Namur : PUN (Diptyque).

SCHAEFFER, J.-M. (1989). Qu’est-ce qu’un genre littéraire ? Paris : Seuil.
SCHNEUWLY (B.) & DOLZ (J.). 1997. « Les genres scolaires. Des pratiques langagières aux objets d’enseignement. » Repères, 15, 27-40.

SCHNEUWLY (B.). 1994. « Genres et types de discours : considérations psychologiques et ontogénétiques. » in Y. Reuter (Ed.), Les interactions lecture-écriture (pp. 155-173). Bern : Peter Lang.