Questions de société

"Les facs mobilisées voient leur image se dégrader", (Le Monde, 01/04/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Sur le traitement du mouvement universitaire dans Le Monde: Le Monde et le mouvement universitaire (Acrimed 18/03/09), Cédelle et Rollot sont dans un bateau, par Pierre Jourde et N. Sarkozy, la destruction de l'Université et le choléra mental du journal Le Monde - blog Le grand Barnum, 01/04/09.

Le Monde, 1er avril 2009:

-"Les facs mobilisées voientleur image se dégrader", par Christian Bonrepaux, Benoît Floc'h etCatherine Rollot, Le Monde, 1er avril 2009

- "Un nouveau paysage universitaire concurrentiel", par Benoît Floc'h, Le Monde, 1er avril 2009


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-"Les facs mobilisées voientleur image se dégrader", par Christian Bonrepaux, Benoît Floc'h etCatherine Rollot, Le Monde, 1er avril 2009

http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/03/31/les-facs-mobilisees-voient-leur-image-se-degrader_1174709_3224.html

MONTPELLIER, RENNES, TOULOUSE ENVOYÉS SPÉCIAUX

Toutes trois sont des universités éruptives. AToulouse-II-Le Mirail (UTM), Rennes-II ou Paul-Valéry-Montpellier-III,toutes spécialisées en lettres et sciences sociales, les étudiants etles enseignants sont prompts à sortir des amphis pour devenir des"anti".

Cette année, elles sont à la pointe de la contestationcontre les réformes de l'enseignement supérieur. Comme en 2008, etl'année d'avant. A Rennes-II, le président Marc Gontard fait sescomptes : "En 2006, lors de la contestation du CPE(contrat première embauche), j'ai eu huit semaines de blocage. En 2007,pendant le mouvement contre la loi sur l'autonomie des universités, jen'ai eu que dix jours ! La mobilisation actuelle se solde déjà par septsemaines d'arrêt des cours."

Cette agitation chronique ne va pas sans victime. "Lesplus touchés, regrette Anne Fraïsse, présidente de Montpellier-III etparmi les plus engagées contre les actuelles réformes, sont lesétudiants de licence, ceux qui viennent d'arriver et qui sont les plusfaibles. Après quelques semaines d'interruption des cours, certainslâchent prise. Dans notre pyramide des âges, les mouvements provoquentdes trous, comme les guerres dans celle de la population française."

Beaucoup d'étudiants travaillent pour payer leurs études. Ce sont les premiers touchés. "Ala reprise des cours, ils ne pourront pas étudier à plein temps pourrattraper le temps perdu, constate Patrick Mpondo-Dicka, vice-présidentdu conseil des études et de la vie universitaire de Toulouse-II. Enplus, ils profitent de l'absence de cours pour travailler davantage etglissent vers la vie active sans diplôme."

"FAC SOUS-FINANCÉE"

Dans un contexte de baisse démographique du nombre debacheliers et de désaffection générale pour les filières lettres etsciences humaines, les grèves ont tendance à aggraver l'hémorragied'étudiants.

Rennes a perdu 5 500 étudiants en quatre ans, seseffectifs passant de 22 000 en 2005 à 16 500 en 2009. Montpellier-IIIaccueille chaque année 7 % d'étudiants en moins, en moyenne depuistrois ans, même si "c'est compensé par des arrivées en master", précise la présidente. En six ans, l'UTM a perdu 5 000 étudiants.

Bien entendu, rappelle Julien Roumette, enseignant-chercheur en lettres modernes et très engagé dans le mouvement de l'UTM, "pourune inscription en licence, les étudiants ne regardent pas la carte desuniversités françaises pour choisir celle qui possède la meilleureimage. Ils prennent celle qui n'est pas trop loin de chez eux et quileur permet d'étudier à moindre coût". Cet enseignant fait en outre remarquer : "Sion parle d'atteinte à l'image, que dire du coup porté aux étudeslittéraires par Nicolas Sarkozy au prétexte qu'elles se détournent dela professionnalisation et conduisent à des lectures inutiles de romanstelle La Princesse de Clèves ?"

Au fil des mobilisations, l'image de l'université sedégrade bien pourtant. L'article consacré à Montpellier-III surl'encyclopédie en ligne Wikipédia comprend une rubrique "les grèves". "J'aideux fils en terminale, déclare Isabelle Cayzac, présidente de lafédération de parents PEEP pour l'Hérault. S'ils avaient voulu fairedes études de lettres, je me serais opposée à ce qu'ils aillent àMontpellier-III. Cette université donne une image de chaos, de bazar,de glandeurs."

Selon le président de Rennes-II, cette mauvaise image affecte aussi les relations avec les entreprises. "J'aibesoin de 4 000 stages par an, dit-il, mais je crains que ce ne soit deplus en plus dur de vendre Rennes-II à des patrons qui voient notreuniversité comme un repaire de gauchistes." Pourtant, insistent les présidents, leur université ne peut être réduite à cette image frondeuse. "Danscertains champs de recherche, l'excellence du Mirail est reconnue àl'international, assure Daniel Filâtre qui dirige Toulouse-II-LeMirail. Mais cette image est brouillée par une autre : passer pour unlieu permanent de contestation."

Les étudiants le constatent eux-mêmes. Quand il faitvisiter le campus, Damien Jouve, vice-président de l'UNEF àMontpellier, souligne combien étudier dans un espace bucolique, couvertde pins, aéré et qui possède son propre musée de moulages antiques estune chance. "C'est une fac où l'on devrait avoir envied'aller, reconnaît-il. Mais il y a des gens qui ne s'inscrivent pasparce que Montpellier-III a une image de fac poubelle sous-financée quin'offre pas de débouchés. Donc, si l'université a mauvaise réputation,c'est plus à cause de la politique menée que des mouvements."

Vue avec des yeux d'étudiantes américaines, l'agitation qui règne à Montpellier-III est "bizarre et énervante",mais au moins leurs cours sont assurés. Même sidération chez lesétudiants Erasmus. En lettres modernes au Mirail, la BerlinoiseStefanie Becker avoue sa surprise : "En Allemagne, il n'y a pas de tradition de grève." Pendant le blocage du campus, la jeune femme passe rarement à la fac : "Lestas de chaises qui bloquent les grilles, cela ne fait pas vraimentenvie. Je les prends en photo avec les banderoles pour montrer à mesamis de Berlin ce que je suis en train de vivre."

A Toulouse-II, un suivi pédagogique est cependantmaintenu : Stefanie Becker a rendez-vous une fois par semaine au caféLe Concorde avec une dizaine d'étudiants et son enseignante de françaispour un cours informel sur tables de bistrot. Mais d'autres sont moinsbien lotis : "Au deuxième semestre, il y a eu des courspendant trois semaines, puis ça s'est arrêté, s'étonne Stefanie Pickel,étudiante allemande en LEA à Montpellier-III. Les étudiants Erasmusn'ont rien pour réviser ou apprendre. Heureusement que je suiségalement des cours à Montpellier-I, qui, eux, continuent, car sinonj'aurais perdu mon temps."

Daniel Weissberg, vice-président délégué aux relationseuropéennes et internationales au Mirail, regrette qu'à la suite desprécédents conflits des établissements étrangers aient dénoncé lesconventions qui les liaient avec l'université. "Si les flux d'étudiants étrangers sont stabilisés, la manière dont on est perçu chez nos partenaires se dégrade", avance-t-il.

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- "Un nouveau paysage universitaire concurrentiel", par Benoît Floc'h, Le Monde, 1er avril 2009


Contesterserait-il devenu un luxe pour les universités françaises ? Les attentesqui pèsent sur elles sont immenses. L'économie du savoir et del'innovation, l'aspiration des familles à la promotion sociale de leursenfants, constituent autant de défis.

"Elles n'ont pas le choix, ellesdoivent s'organiser pour utiliser au mieux leurs atouts. La loi surl'autonomie permet de le faire", assure Jean-Pierre Finance,président de l'université Henri-Poincaré de Nancy, membre du bureau del'Association européenne des universités.

L'Etat leur donne de l'autonomie, leur promet unmilliard d'euros supplémentaires par an. L'environnement dans lequelelles évoluent devient de fait de plus en plus concurrentiel. Or, si legouvernement encourage ce mouvement en finançant des "super-campus" deniveau international, c'est aux universités de défendre leurs projets.La répartition des dotations financières entre les établissementsprendra bientôt en compte leurs performances. D'ores et déjà, lepaysage se structure : dix-huit grandes universités se sont constituéesfin 2008 en Coordination des universités de recherche intensivefrançaise (Curif), un club qui rappelle la prestigieuse Ivy Leagueaméricaine ou le Britannique Russell Group. Cette évolution, contestéepar une part du monde universitaire au nom de la nécessaire égalitédevant l'enseignement supérieur, est une tendance lourde.

Dans la compétition mondiale, chacun tente d'attirerles meilleurs professeurs et les meilleurs étudiants. L'image estdevenue un atout, les classements internationaux, un baromètre. Celuide Shanghaï, créé en 2003, fait autorité. Les Français en contestent lebien fondé, mais en prennent aujourd'hui leur parti. Tout en pressantl'Union européenne d'établir son propre outil de mesure