Questions de société
Les facs en crise, leurs soutiers en colère

Les facs en crise, leurs soutiers en colère

Publié le par Sophie Rabau

Appel de 32 maîtres de conférences de la faculté de droit et des sciences politiques de Nantes, publié dans Libération du 7 décembre 2007

Au moment où la réforme de l’université est au cœur de l’actualité, il est bon de souligner que les raisons essentielles de la crise qui frappe l’enseignement universitaire français n’ont pas été prises en considération. Et pour cause…

Responsabilités de l’Etat : massification de l’enseignement, conditions matérielles souvent indignes, pauvreté des bibliothèques universitaires et des laboratoires de recherches, ressources financières trop justes, gestion calamiteuse des ressources humaines, politique à courte vue, priorité aux grandes écoles et aux filières sélectives, élitisme sans moyens pour les moyennes et petites universités, fuite des jeunes professionnels à l’étranger font le lit de cette crise et de la concurrence déloyale dans laquelle sont placées les universités.

S’y ajoute le mépris à l’égard des soutiers de l’université : les enseignants-chercheurs !

Quel que soit le statut de ces enseignants-chercheurs, leur mission - impossible ? - est triple : enseigner, chercher et administrer. Mais l’égalitarisme s’arrête là ! En effet, le système universitaire français repose sur des différences statutaires qui ne rendent plus compte de sa véritable organisation quotidienne.

Alors que les maîtres de conférences sont très largement majoritaires et prennent une part active dans la vie universitaire, la reconnaissance tant matérielle que symbolique revient en priorité aux professeurs. Cette différence est d’autant moins acceptable que le passage du corps des maîtres de conférences à celui des professeurs est une voie tellement étroite qu’elle est, pour une grande majorité, confisquée. En outre, les conditions parfois manifestement discriminatoires de promotions (concours d’agrégation en particulier) ignorent la réalité de l’investissement que chacun met à exercer son métier.

Il apparaît ainsi que la valeur professionnelle n’est appréciée que partiellement, de sorte que travailler à sa promotion est une fin en soi accaparante et disjointe de l’accomplissement général.

Un sursaut est urgent. Une réforme cosmétique des conditions de promotion ne suffira pas. Nous pensons qu’il est inutile, en l’état, de prétendre se contenter d’un assouplissement des conditions de passage d’un corps à un autre.

Au contraire, la réforme du statut des universitaires pourrait prendre la forme de la constitution d’un corps unique d’enseignants-chercheurs, dont la promotion par classes serait fondée sur la réalisation d’objectifs individuels et la reconnaissance de fonctions aujourd’hui dédaignées (recherche effective, investissements administratifs, charges de correction, investissements pédagogiques, etc.). Un corps unique, dans l’esprit de la plupart des systèmes universitaires européens, pourrait constituer la première étape d’une réelle rénovation de l’université.

La communauté universitaire ne pourra se reconstruire que si l’ensemble des enseignants-chercheurs s’attache à soutenir cette phase de la réforme. Les universités et l’Etat ne sauraient y répondre par le silence.

Liste des signataires sur www.droit.univ-nantes.fr/appel