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Nouvelle parution
Les Cahiers naturalistes n°82, 2008

Les Cahiers naturalistes n°82, 2008

Publié le par Marielle Macé (Source : Bernard Vassor)

LES CAHIERS NATURALISTES n° 82

REVUE DE CRITIQUE ET D'HISTOIRE LITTERAIRE

Sous la direction d'A. Pagès.

Société littéraire des Amis d'Emile Zola, Éditions Grasset, septembre 2008.

Isbn 13 (ean): 2691201261369

Issn: 000860365

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Ce dernier numéro est essentiellement consacré à :Emile Zola, de l'affaire Dreyfus au Panthéon, L'imaginaire naturaliste. Rêves et utopies, Alfred Bruneau.De nombreux documents inédits, comptes rendus, bibliographie chronique, notes de lecture, Ephéméride....La Société littéraire des Amis d'Emile Zola, organisatrice du pèlerinage de Médan, édite Les Cahiers naturalistes qui paraît à raison d'un volume par an, dont le premier numéro a été publié en 1922.Les "Cahiers naturalistes"ne limitent pas leurs activités à l'étude de la vie et de l'oeuvre d'Emile Zola. Ils se consacrent également à l'étude du mouvement naturaliste dans son ensemble et à l'histoire de l'affaire Dreyfus. Ils offrent en exclusivité, une bibliographie des travaux consacrés à Zola et au naturalisme. Ils ne publient que des articles inédits.

Sommaire:

Table des matières. CN 2008n°82 I. Émile Zola, de l'affaire Dreyfus auPanthéon

Alain PAGÈS : Introduction

Marie AYNIÉ : Lettres desoutien à Émile Zola dans l'affaire Dreyfus

Édith GUILLEMONT : Undreyfusard inconnu, Félix Froissart

Hervé DUCHENE : SalomonReinach, Carlos Blacker et l'Affaire

Gwendoline GEBET : Urbain Gohier,polémiste de la panthéonisation

Ursula BAHLER : Sur les tracesnaturalistes de La Vérité en marche

II. L'imaginaire naturaliste. Rêves etutopies

Riikka ROSSI : La grisaille duquotidien

Béatrice VERNIER-LAROCHETTE :L'Oeuvre, chimère de la créationartistique et précarité humaine.

Annette CLAMOR : Le rêve,élément narratif dans Le Docteur Pascal

Fabian SCHARF : Un modèleutopique de Travail

Gilbert D. CHATIN : Le cauchemarde la Vérité, ou le rêve du revenant

Hans FARNLOF : Zola et lamotivation

III. Alfred Bruneau

Jacques MERCIER : Diriger lesoeuvres d'Alfred Bruneau

Jean-Sébastien MACKE : Unjour dans la vie d'Alfred Bruneau

François LABADENS : Hommageà Georgette Leblanc

Jean-Sébastien MACKE : Lapostérité d'Alfred Bruneau

Claire VLACH-MAGNARD : L'affaireDreyfus et la musique

FrédéricROBERT : Tableau de la décennie naturaliste

Documents et inédits

Agnès SANDRAS-FRAYSSE et MariaVIRGÍLIO CAMBRAIA LOPES : Zola vu par Rafael BordaloPinheiro

Geneviève DE VIVEIROS : Uneinterview inédite de Zola

Michel FORRIER : Jean Rostand

Comptes rendus. Bibliographie. Chronique.

Éléonore Reverzy,Poétique de l'allégorie dansLesRougon-Macquart. – Véronique Cnockaert, Au Bonheurdes Dames d'Émile Zola. – Marina Geat, LaCroix-de-Maufras. – Christophe Reffait,La Bourse dans le roman du second XIXesiècle. – Mihaela Marin, Zola et la hantise del'archaïque. – Daniel Grojnowski, éd.,Confessions d'un inverti né. – Jean-LouisCabanès, éd., Edmond et Jules de Goncourt, L'Artdu XVIIIe siècle. – EmmanuèleGrandadam, Contes et nouvelles de Maupassant : pour une poétiquedu recueil. – Marie-Ève Thérenty, LaLittérature au quotidien. – Corinne Saminadayar-Perrin,Les Discours du journal. Rhétorique et médias auXIXe siècle. – Catherine Nesci,Le Flâneur et les flâneuses, les femmes et la ville àl'époque romantique.– Michel Drouin, éd., L'Affaire Dreyfus :Nouveaux regards, nouveaux problèmes. – Jean-ChristopheBranger et Alban Ramaut, Opéra et religion sous la IIIeRépublique. – Ivan Merz, L'influence de la liturgiesur les écrivains français de 1700 à 1923.

Notes de lecture. – ÉmileZola, Contes et nouvelles (éd. François-MarieMourad). – Émile Zola, Simplice. – ÉmileZola, Critique littéraire 1865-1896 (éd.Masatoshi Sato). – Guy de Maupassant, Bel-Ami ; Le Horla ;La Maison Tellier. – Philippe Hamon, Imageries. –Pierre-Jean Dufief, éd., Lucien Descaves. – CharlesDidier, Rome souterraine (éd. Sophie Guermès). –Philippe Baron, éd., Le Théâtre Libred'Antoine et les théâtres de recherche étrangers.– Excavatio, vol. XXII, 2007. – Cahiers OctaveMirbeau, n°14, 2007. – Le Petit Chose, n° 96,2007. – Bulletin of the Emile Zola Society,nos35-36, 2007. – Claude Schvalberg, Lacritique d'art à Paris. –Vincent Duclert et alii, Le colonel Mayer. Le Parlement et l'affaire Dreyfus.

Présentation de thèse

Bibliographie (par DavidBaguley)

Chronique. Éphéméride.Le 150e anniversaire de la naissance d'A.Bruneau. – Une exposition de G. Crépin (par Jean-SébastienMacke). – Une édition japonaise des oeuvres de Zola (parKosei Ogura).

Les Cahiers naturalistes sont en dépôt au Musée de Médan et à la librairie Joseph Gibert (bd Saint-Michel) 75005 Paris.

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Une lectrice de fabula propose une note de lecture à propos de ce livre :

Les Cahiers naturalistes de l'année 2008, comme le directeur de cette revue Alain Pagès le signale dans son introduction, commémore le centenaire de la panthéonisation d'Émile Zola le 4 juin 1908, en l'honneur de ses efforts pour la révision du procès de l'Affaire Dreyfus. Ce numéro est incontestablement mieux bâti que le numéro de l'année 2003 dédié au centenaire de la mort de Zola, recentrant les différentes contributions autour de l'engagement de Zola dans l'Affaire et sur l'arrière-plan politique en France de cette époque.
Ce numéro se compose des trois parties, contenant pour chacune six articles : la première partie développe une réflexion historique autour de l'Affaire Dreyfus ; la deuxième partie est consacrée à la critique littéraire ; et la troisième étudie les rapports que l'Affaire Dreyfus et la musique de l'époque ont pu entretenir. Il ne faut pas manquer d'y ajouter quatre documents inédits. Nous ne retiendrons qu'une partie des articles pour mettre mieux en avant le thème de cette livraison : « Émile Zola, de l'Affaire au Panthéon ».

Parmi les articles de la première partie, l'article de Gwendoline Gebet, intitulé « Urbain Gohier, polémiste de la panthéonisation » présente la réflexion la plus étroite avec le thème de ce volume. Gw. Gebet revient — pour en préciser l'importance ¬— sur l'existence d'un individu, s'opposant au transfert des cendres de Zola, lorsque celui-ci a été décidé en 1906 par Clémenceau : Urbain Gohier, homme de lettres, auteur d'articles dans La Revue blanche ou L'Aurore. En même temps antisémite et antimilitariste, quoiqu'il était plutôt le second que le premier, il s'est lancé dans le combat dreyfusard. Pourtant, il a été repris plus tard par une aversion contre les juifs, et a fini par rejoindre Drumont. Bien qu'il ait la même opinion que Zola sur l'innocence de Dreyfus, Gohier accuse violemment Zola d'écriture pornographique. Selon lui, si Zola s'est engagé dans l'Affaire, c'est en grande partie par intérêt financier, au regard de l'argent que lui reversait le Syndicat juif (Zola au Panthéon, 1907). À ce propos, Fernand Labori, l'avocat de Zola, a pris sa défense en soulignant que son client avait, avec l'Affaire, beaucoup plus perdu qu'il n'avait gagné. Joseph Reinach, un des révisionnistes fervents, voit dans la jalousie de Gohier contre Zola une conséquence de leur gloire respective : l'un devenu l'admiration d'un pays lorsque l'autre disparaissait de la scène principale de l'Histoire, bien qu'il fût l'un des précurseurs du soutien dreyfusard. L'important dans cet article est de nous rappeler l'existence du personnage qui a joué un rôle considérable, caché derrière les personnages éclatants comme Zola et Reinach.

Regardons ensuite la troisième partie intitulée « Alfred Bruneau » qui rassemble les trois études sur le monde musical à l'époque de l'Affaire Dreyfus et les trois allocutions prononcées lors du pèlerinage à Médan le 7 octobre 2007, dont les deux concernent Alfred Bruneau, compositeur et collaborateur de Zola.
Il nous faudrait prêter attention surtout à l'article de Claire Vlach-Magnard : « L'Affaire Dreyfus et la musique ». L'auteur, petite fille du musicien dreyfusard Albéric Magnard (1865-1914), porte le regard sur la façon d'engagement variée des artistes selon le genre d'art.
    D'après Vlach-Magnard, les hommes de lettres jouent le rôle notamment important, favorable ou défavorable à Dreyfus, comme Zola l'a fait ; les artistes plastiques, comme les peintres et les sculpteurs, manifestent au moins leurs positions. Toutefois, par comparaison aux artistes des autres genres, les musiciens se taisent sur leur opinion : il existe très peu de signatures des musiciens dans les listes de pétition soit du camp antidreyfusard (la Ligue de la Patrie Française), soit du camp dreyfusard (la Ligue des Droits de l'Homme). Le conflit entre Alfred Bruneau, dreyfusard, et Vincent d'Indy, antidreyfusard, se fait remarquer dans le silence des autres musiciens.
    Dans une telle ambiance, on peut repérer tout de même la geste politique d'Albéric Magnard. Dès la publication de « J'accuse » dans L'Aurore, il adresse une lettre d'admiration à Zola le 13 janvier 1898. Dans son Hymne à la Justice dédié à Émile Gallé en 1902, le musicien exprime sa fervente croyance au triomphe de la vérité et de la justice. Or, l'auteur de l'article formule une hypothèse intéressante comme suit : non seulement dans l'Hymne à la Justice, mais déjà dans sa pièce d'opéra Guercoeur(1897-1900), en représentant le peuple en démagogie qui massacre le héros, Magnard fait la satire de la violente réaction antisémite de la masse au moment de l'Affaire. L'auteur pousse son analyse plus loin : si Magnard s'est engagé ainsi dans l'Affaire, parmi les autres musiciens taciturne, c'est parce que la vie de son père, journaliste du Figaro, lui exerce une influence considérable. Le père, Francis Magnard, en se sacrifiant à déceler les conséquences de la scandale de Panama, finit sa vie en calomnies. Albéric, en ayant vu son père injustement accusé, avait probablement l'intention de le venger dans cette pièce d'opéra.
    Au contraire de Magnard, la mémoire de jeunesse malheureuse sous l'Occupation allemande a rendu Vincent d'Indy nationaliste, néanmoins il restait toujours ami avec Magnard. À part le conflit entre Bruneau et d'Indy, le domaine musical de cette période garde l'ambiance étrangement apolitique. Une telle tendance disparaîtra pourtant au cours de la Première Guerre Mondiale ; les musiciens de la nouvelle génération commenceront à créer les oeuvres engageantes et idéologiques. L'auteur de cet article conclut que ce caractère apolitique du monde musical était de l'esprit du temps.

À propos de l'esprit du temps, très heuristique est le document inédit en collaboration d'Agnès Sandras-Fraysse et de Maria Virgilio Cambraia Lopes, intitulé « Hommage ou indifférence? Zola vu par Rafael Boralo Pinheiro ». Suivi par les deux documents inédits sur l'interview de Zola et sur Jean Rostand, membre d'Association de Zola, ce document en question montre la réception de Zola au Portugal à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, en mettant sous nos yeux les caricatures. Le caricaturiste portugais, Pinheiro, bien que lui en personne fût nourri par la tradition romantique, il rendait hommage au talent de Zola. Comme Pinheiro dessinait des images pleines de satire du cortège des écrivains portugais, l'importance de Zola et son naturalisme ont opéré une grande influence sur la littérature portugaise de cette époque, en tant que modèle à suivre (ex. : Eça de Queirós). De même, la position de Zola dans l'Affaire Dreyfus paraît être reçue plus favorable au Portugal : car on trouve une caricature de Manuel Gustavo Bordalo Pinheiro, fils de Rafael, qui marque la déception profonde contre la France : le pays qui a possédé jusque-là une civilisation supérieure à imiter, mais qui finit par condamner injustement l'initiateur de sa propre culture - Zola. Ce document présente ainsi le regard porté de l'extérieur à la fois sur la France déchirée par l'Affaire Dreyfus et sur Zola en tant que représentant du pays.

Nous examinons à la fin la deuxième partie qui recueille des études littéraires : « L'imaginaire naturaliste : rêves et utopies ». À ce propos, dans le numéro de 2002 des Cahiers naturalistes, un chapitre s'était consacré aux études littéraires autour du Rêve (le 16e roman des Rougon-Macquart). À la différence de ce « rêve » que l'on fait en état de sommeil, il s'agit du « rêve » en tant que « l'idéal » ou « l'utopie » dans le présent numéro. Ce thème vise à prêter l'attention sur l'idéologie politique résonnant dans les oeuvres zoliennes. Dès lors il serait possible de repérer une étude de Gilbert D. Chatin intitulé « Le cauchemar de la Vérité, ou le rêve du revenant », étant donné qu'il traite le dernier roman achevé de Zola, Vérité. L'inspiration de ce roman dérive de l'expérience douloureuse que Zola a vécue lui-même pendant le procès autour de l'Affaire Dreyfus.
L'histoire débute par la découverte du cadavre violé et étranglé de Zéphirin, garçon juif, mais catholique d'éducation. Simon, enseignant juif, est accusé de meurtre par suite des manoeuvres de l'Église. C'est donc Marc, le héros de ce roman, qui va courir pour prouver l'innocence de Simon malgré la pression de l'École catholique, exactement de la même sorte que Zola a couru pendant l'Affaire Dreyfus. Dans ce roman, le combat pour la justice ne se déroule pas donc dans le cadre de l'Armée Française, mais dans le domaine de la pédagogie – combat entre l'éducation laïque et l'éducation religieuse.
Or, il faut noter que cet article a bien profité du thème « rêve » pour en diviser aux deux pôles, « cauchemar » et « utopie ». L'auteur de cet article signale que ce roman peut se lire comme une sorte de précurseur de roman policier, qui deviendra à la mode des années 1930 - 1940. Néanmoins, un des différents aspects de Vérité à celui de roman policier est que Marc fait sa quête poussé par le besoin instinctif de savoir la vérité, non comme le détective du roman policier qui la fait par la curiosité intellectuelle. Une telle obsession de la vérité propre à Marc est présentée comme un facteur héréditaire qui fait aspirer à la logique rationnelle, à l'opposé des autres personnages qui renient la logique, empêchés par l'effroi religieux : cet effroi est inscrit dans l'hérédité du peuple de génération en génération, comme Zola l'appelle « tare ancienne ». Par ailleurs, ce que l'on comprend par le terme « cauchemar » - l'état onirique - et ce que revendique le naturalisme zolien - l'imitation du réel - , paraissent deux choses incompatibles. Mais c'est précisément cette obsession de la raison, ce désir d'envisager la réalité qui empêche Marc de comprendre l'irrationalisme superstitieux du peuple. Et le conflit de ces deux hérédités irréconciliables amène Marc à percevoir le monde hors de la raison, comme si c'est un cauchemar. Certainement, cet état cauchemardesque doit être tout à fait le même que celui qui a tourmenté Zola au cours de son propre procès. 
La dichotomie entre l'image positive de l'« utopie » et celle-ci négative du « cauchemar » pourrait être retracée aussi dans la perspective temporelle : « futur » et « présent/passé ». Dans Vérité, Zola décrit comme un « cauchemar » le présent insupportable et incompréhensible provenant de l'héritage du passé, alors que l'« utopie » est constamment accentuée en tant que le monde rêvé à venir. Ce n'est qu'après quelque temps de son procès que Zola s'est mis à écrire Vérité comme s'il se réveillait. La mise en écriture de son expérience cauchemardesque donne la forme à son utopie. Ainsi, l'analyse par le motif de « cauchemar » permet de remettre à jour la naissance de l'idéologie utopique dans la fiction zolienne.
Pour conclure, ce numéro des Cahiers naturalistes, à l'aide de l'axe principal – Zola, l'Affaire Dreyfus et panthéonisation – ouvre la nouvelle voie à la compréhension du lien organique entre la littérature et l'histoire. Ajoutons un dernier mot : le thème « Zola au Panthéon » sera encore une fois repris dans le numéro de 2009.

Midori Nakamura