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Les astres dans les discours postcoloniaux

Les astres dans les discours postcoloniaux

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Alain Cyr Pangop)
Argumentaire

Les astres en tant que constituants du cosmos, ont toujours interféré dans les itinéraires individuels et collectifs. Autant dans les textes sacrés que dans les textes profanes, les astres apparaissent toujours comme des entités avec lesquelles les humains doivent composer pour comprendre leur être au monde. On n’a qu’à recenser les livres et pages « horoscope » qui meublent la presse quotidienne de tous les pays du monde entier pour mesurer l’attachement que les lecteurs ont aux astres. Par-delà les études d’astrologie classique ou d’astronomie antique, l’évolution de la création  littéraire et artistique dévoile toujours une référence constante aux astres, objets d’heurs et de malheurs, partagés entre leurres et lueurs.

De tous les astres, c’est le soleil qui semble inspirer le plus d’artistes, qu’ils soient musiciens ou écrivains. Le soleil, au sens premier du terme, est une étoile de 1 392 000 km de diamètre. C’est l’étoile la plus proche de la terre, dont elle est distante d’environ 150 millions de kilomètres. Qu’on se souvienne des chansons de Nana Mouskouri ou de Michel Sardou, de Nguéa La Route ou de Guilou, pour ne citer que ces quatre là.  Qu’on se souvienne aussi de ces auteurs qui en ont fait soit le titre de leurs œuvres, soit l’élément clé de leurs textes. Evoquons le recueil de poèmes d’Aimé Césaire, Soleil cou coupé (1948), Compère Général Soleil (1961) de Jacques Stephen Alexis,  Les soleils des indépendances (1969) d’Ahmadou Kourouma, Soleils neufs de Maxime N’debeka (1969), L’isolé soleil (1981) de Daniel Maximin, C’est le soleil qui m’a brûlée (1988) de Calixthe Beyala, Trop de soleil tue l’amour (1999) de Mongo Beti,

La lune dans un seau tout rouge (1989), une des nouvelles de Francis Bebey, L’étoile de Noudi, dramatique télévisuelle de Gervais Mendo Ze, Au seuil d’un nouveau cri (1963), roman de Bertène Juminer, Romancero aux étoiles (1960), nouvelle du même auteur, signalent à suffisance la présence prégnante des astres dans la communication, les œuvres d’art et la littérature. On ne saurait, de ce point de vue, passer sous silence les titres implicitement bâtis autour d’un astre quelconque, lorsqu’il s’agit de parler des développements récents du postcolonialisme. Un titre comme Sortir de la grande nuit (2010) d’Achille Mbembe renvoie tacitement à la nécessité du jour (autant la lune et les étoiles sont des astres nocturnes, autant le soleil est un astre diurne), c’est-à-dire du soleil considéré à la lecture de cet essai comme une allégorie postcoloniale. Il en est de même de Jacmel au crépuscule (1981) de Jean Métellus qui valorise un temps précis où un astre s’éclipse pour céder place à un autre. Enfin, La forêt illuminée (1988) de Mendo Ze et Au cœur de la nuit de Joseph Conrad obéissent à la même logique.

Le constat est clair, les astres sont bien présents dans les littératures d’Afrique et des Antilles. Ils investissent plusieurs genres littéraires : roman, théâtre, poésie nouvelle etc. Toutes ces publications métaphorisent diverses situations où les astres partagent les destins de personnages à la fois fictionnels et non-fictionnels, et signalent ipso facto, l’ampleur d’un tel champ d’investigation.

On le voit, la fortune du mot est considérable et mérite qu’on s’y attarde, d’où l’objet de cet appel dont le dessein est d’investiguer sur l’irruption et l’inflation du phénomène dans les discours postcoloniaux. Un élément astral peut être un mot d’essence métaphorique ou un élément mythologique. Le recours à ces mots dans les textes entraîne automatiquement des modifications, voire des altérations plus ou moins considérables. Si ces déformations sont susceptibles de générer des ambiguïtés, elles n’en sont pas moins productrices de sens. Théophile Gautier parlait de la consolation des arts. Qui sait si à travers le mythe du soleil, de la lune ou des étoiles, nous pourrions envisager demain avec moins d’angoisse et plus de sérénité ?

D’ailleurs, un colloque intitulé « Astres et désastres » a eu lieu et les actes publiés en 2004 (Revue Ponti/Ponts no 4, Actes du colloque « Astres et désastres », 2004,622 p, ISBN : 88-323-40480-1). Centré sur les langues, littératures et civilisations des pays francophones, il se focalise sur les intersections possibles entre astres et désastres. Ainsi, les astres sont confinés aux désastres que les uns et les autres vivent dans la société contemporaine. En somme, les astres des uns rendent inévitables les désastres des autres, et la simplicité apparente du titre du colloque en est ainsi enrichie. Ce qui semblait une simple formule devient un mode de connaissance. Bien plus, il ressort des contributions de ce colloque que les désastres priment sur les astres, occultant par le fait même, les occurrences perceptibles à fleur de textes. Les articles sur L’insolation de Rachid Boudjedra, Nedjma de Kateb Yacine, Le ventre de l’Atlantique de Fatou Diome, les étoiles et le soleil relevés dans la poésie de Tahar Ben Jelloun, ne suffisent pas à rétablir l’équilibre. Bien que Boudjedra « développe toutes les pistes narratives que le motif du soleil lui offre », il n’en reste pas moins que les analystes retournent aux désastres avec « les violences subies et les détournements de sens ».

      Pour dépasser cette approche qui pourrait paraître réductionniste, nous envisageons de nous limiter au seul vocable « Astres », pour signifier qu’on peut y voir d’autres formes d’influence, et de rapporter le sujet à tous les types de discours en situation postcoloniale. Dans notre perspective, il est question d’inverser cette tendance en ramenant les astres au premier plan et en les mettant sur orbite ; d’où une approche pluridisciplinaire qui inclurait anthropologues,  littéraires, astrologues, astro-physiciens, astronomes, historiens, géographes, linguistes, politologues, culturologues, etc.

Quelques pistes de réflexion

  • Comment nomme-t-on les astres dans les cultures du Sud?
  • Quels sont les mythes étiologiques se ramenant aux astres? Y a-t-il une perception différentielle des astres en fonction des aires culturelles? Y a-t-il une perception africaniste, orientaliste ou occidentaliste des astres ?
  • Quelle est la place des astres au sein des dynamiques traditionnelles et historiques des pays anciennement colonisés? Quelle historiographie des astres dans différents champs culturels ?
  • Dans la « Galaxie francophone », les relations historiques entre la métropole et les anciennes colonies  sont-elles conditionnées astralement?
  • Est-on sûr d’être encore en postcolonialisme actuellement,  étant entendu que la Chine gagne du terrain au détriment des anciennes puissances ? Ne fait-on pas face à des identités vacillantes, et par conséquent astrologiques ?
  • Si les astres évoquent plus souvent le chaos que le cosmos, cela pourrait générer un nouvel ordre. Quelle perception astro-physique d’un tel phénomène?
  • Quels sont les différents modèles astrologiques dans les pratiques médiatiques?
  • Comme l’œuvre esthétique ne s’isole point de l’environnement duquel elle est issue, quelles  ramifications des astres avec les différentes aires culturelles?
  •  Les astres sont-ils présentés dans leur pureté  dans  les discours politiques? Ou sont-ils associés à d’autres éléments de la nature? A quelle fin?
  • Quel est l’astre le plus sollicité par les écrivains et pourquoi? Comment les astres sont-ils sémiotisés au sein des textes littéraires? Quelle est leur valeur littéraire, leur place dans la construction du récit dramatique ou poétique?
  • La dimension actantielle des astres influence-t-elle le destin des personnages? Les astres ont-ils un poids dans les récits? Et comment font-ils sens?
  • Quel type de personnages relève de la catégorie astrale dans les textes littéraires postcoloniaux?
  • Quel modèle d’esthétisme susceptible de nous permettre de transcender les contingences de l’existence? La perception des astres est-elle la même d’un genre à un autre ?
  •  Quelle forme de perception des astres liée à la cosmogonie des auteurs? Peut-on dégager une écriture astrale à partir des écrivains du sud?
  • L’origine culturelle détermine-elle la perception des astres?
  • L’analyse diachronique de la production littéraire sur les astres est-elle productrice de sens?
  • Les contes, les épopées sont des activités vespérales qui sollicitent plus la lune, les étoiles, les temps nocturnes : quelle place occupent les astres en littérature orale des différentes aires culturelles africaines ?
  • Quelle  réception  des œuvres qui parlent des astres ?
  • A priori, le sujet concerne plus les poètes parce que, dit-on, ils sont utopiques, lunatiques et ayant la tête dans les nuages. Que dire des auteurs qui débordent ce cadre poétique pour l’étendre à d’autres genres littéraires?
  • Les poètes célèbrent la nuit comme le moment idéal de création alors que les essayistes (cf. Achille Mbembe) demandent d’en sortir. Que peut inspirer une telle distanciation ?
  • Les astres sont-ils un fardeau ou une source de libération ?

 

Contact

 

Chronogramme
  • Délai de proposition (titre, résumé, nom, affiliation, contact) : 30 juin 2013
  • Délai réponse du comité de lecture : 15 juillet 2013
  • Délai réception des articles : 1er septembre 2013
  • Publication du collectif chez L’Harmattan/CLE : 20 novembre 2013

 

Protocole de présentation
  • Les textes pourront avoir une extension de 15 à 20 pages maximum, en interligne 1,5, format word, corps 12.
  • Les contributions devront avoir la structure suivante :

. Titre, corps gras 14, suivi du nom de l’auteur, affiliation et adresse mail.

. Un résumé en français et en anglais d’une dizaine de lignes, tout au plus, suivi de mots clés.

. Le texte devra être structuré en parties numérotées 1, 1.1, 1.2…

. Les citations seront incorporées au texte. Ex. Comme le dit Maximin (1961 : 14).

. Pour les précisions, aller en notes infrapaginales.

. Les références bibliographiques présentées par ordre alphabétique selon l’exemple suivant : Pangop, Alain (2009), Rire des crises postcoloniales. Le discours intermédiatique du théâtre comique populaire et la fictionnalisation de la politique linguistique au Cameroun, Berlin/New-York/ Viennes/ Münter, LIT VERLAG.