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Léon Bloy dans l'histoire

Léon Bloy dans l'histoire

Publié le par Université de Lausanne (Source : Benoît Mérand)

Léon Bloy dans l’histoire

Colloque à l’occasion du centenaire de la mort de l’écrivain, organisé par l’Institut catholique de Rennes, les 13 et 14 octobre 2017

Sous la direction de Samuel Lair et Benoît Mérand

Appel à communication

« Je ne suis pas un contemporain »[1] aimait à proclamer Léon Bloy, dans une saillie qui a posteriori suscite la perplexité : car il n’est pas sûr qu’on puisse jamais s’émanciper de son temps sans l’avoir fait sien tout d’abord ; et la critique d’une époque, fût-elle sans retour, est toujours, aussi, une façon d’y prendre sa part. Mais, cent ans après la mort de l’écrivain, la formule soulève une autre question, complémentaire : ne l’est-il pas devenu ? – n’est-il pas devenu notre contemporain, auteur d’une œuvre que la postérité retient, ou redécouvre ? De fait, a pu écrire Marie-Claire Bancquart, Léon Bloy « n’écrivait pas pour ses contemporains »[2]. « Toute grandeur, avait d’ailleurs prévenu l’écrivain, est exilée au fond de l’Histoire. »[3]

Ces deux aspects d’une œuvre intempestive dans le contexte de sa publication et néanmoins promise à une fortune ultérieure (cela jusqu’à nos jours où son héritage est parfois revendiqué) structureront et délimiteront l’approche de ce colloque, d’abord organisé en hommage à la mémoire de l’écrivain, à l’occasion du centenaire de sa mort.

« Léon Bloy dans l’histoire », c’est premièrement l’étude de l’auteur situé dans l’époque qui l’a vu naître et grandir, comme « enfant du siècle » à son corps défendant,  mais aussi comme « signe des temps » contradictoire, ayant pu opposer à la vénération conjointe du progrès et de l’argent les deux valeurs, anachroniques et paradoxales, qui éclairent son univers romanesque : le « désespoir » et la « pauvreté ». Mais « Léon Bloy dans l’histoire », c’est encore « Léon Bloy et l’histoire », étude d’un essayiste et diariste qui, à rebours du positivisme dominant les travaux des historiens de la fin du XIXe siècle, s’est voulu l’herméneute des figures et des événements passés, contemporains ou à venir ; et c’est donc aussi, enfin, en cohérence avec cela, Léon Bloy hors l’histoire, ou au-delà de l’histoire, étude d’un penseur providentialiste ayant soustrait sa vision aux contingences de la temporalité pour la replacer dans une perspective surnaturelle, suivant laquelle, disait-il, « le temps […] n’est rien »[4].

Une telle approche devrait conduire, par ailleurs, à faire le point sur la situation de l’écrivain dans une histoire plus spécifiquement littéraire, et à se pencher sur les liens, parfois épidermiques, parfois viscéraux, qui l’ont uni à ses contemporains, confrères de plume. Proches ou non de ses idées, ceux-ci ont pu porter sur lui un regard dévoilant une complexité que les figures laissées par l’auteur (du « mendiant ingrat » à l’« invendable » en passant par l’« entrepreneur de démolitions ») ne laissent peut-être pas assez voir. Léon Bloy lui-même considéra ses pairs avec une acuité qui le révèle aussi : de Hello à Rachilde ou Huysmans, de Verlaine à Villiers de l’Isle-Adam, en passant par Mallarmé et Barbey d’Aurevilly. Cet axe d’étude pourra être élargi aux relations également compliquées de Léon Bloy avec l’univers de la presse.                  

Enfin, dans l’ordre des questions relatives à la réception, le colloque abordera celle de la postérité, mettant en évidence ce que l’histoire a retenu de Léon Bloy, ce qu’elle retient de lui encore, ou désormais. Car Léon Bloy a aussi écrit, sinon pour la postérité, au moins pour une postérité, en tous les cas en vue d’une fécondité à venir : « Dieu exige-t-il que je devienne encore le parrain d’une multitude, se demandait-il en 1914, que la France du XXe siècle devienne ma filleule et que j’endure pour cela des tourments incomparables ? »[5] Dans cet ordre de faits, on pense au travail profond que son exemple impulsa à la spiritualité de Jacques et de Raïssa Maritain (dont il fut, de fait, le parrain de baptême), manière d’influence séminale qui donna sens et plénitude à la conversion catholique du couple, et détermina par là même, au-delà, l’orientation d’une œuvre philosophique parmi les plus importantes du siècle. Le témoignage de Georges Bernanos revendiquant le patronage de Léon Bloy quelques années plus tard est également éloquent, et Sous le soleil de Satan, paru en 1926, atteste de son côté une influence sur la forme et la finalité du roman que ce colloque pourra également approfondir. En marge de ces cas connus, il faudrait pouvoir étudier des échos demeurés plus discrets dans la critique universitaire, tels que celui rencontré outre-Manche chez Graham Greene, ou encore outre-Atlantique, dans cette « Amérique du Sud » qui, selon Bernanos encore, a nourri en son temps « un culte pour Léon Bloy »[6] (ce que la connaissance de l’auteur dont a récemment témoigné le pape François confirme peut-être). D’une façon générale, il s’agira de montrer ce que l’homme, ses idées et surtout son œuvre ont infusé et diffusé jusqu’à aujourd’hui, chez des personnalités aussi diverses que des intellectuels, des artistes ou des hommes d’Église, et sur des sujets allant de la religion à la création littéraire, en passant par la pensée historique, théologique, ou encore économique et sociale.

En ce sens, ce colloque sera ouvert à d’autres disciplines qu’à la littérature. Les historiens pourront apporter leur concours en mettant l’homme et son œuvre en lien avec le contexte de production comme de réception. Ils pourront également proposer un commentaire critique de l’œuvre dite « historique » de Léon Bloy. D’un autre côté, une approche théologique pourra mettre en lumière les influences comme la singularité d’une pensée religieuse qui s’est parfois révélée aussi hétérodoxe que « fanatique », ainsi que l’a qualifiée Péguy[7]. Des spécialistes de spiritualité pourront, quant à eux, montrer à quels courants se rattache l’écrivain sur ce plan. L’histoire des idées comme l’histoire de l’art seront elles-mêmes des disciplines bienvenues pour situer l’auteur dans ces deux domaines, et montrer son éventuelle postérité. Mais la partie la plus importante reviendra à l’évidence aux chercheurs en littérature française et comparée, qui pourront se pencher sur des questions d’ordre historique comme esthétique et stylistique, afin de situer également l’écriture de Léon Bloy, et mettre en évidence aussi bien les traditions auxquelles elle se rattache que ses aspects résolument modernes. Enfin, le colloque pourra accueillir des travaux non universitaires, émanant par exemple de critiques ou d’écrivains, qui pourront indiquer la trace laissée par Léon Bloy dans la littérature actuelle, ou encore témoigner de l’influence qu’il a pu avoir dans leur propre travail.

Les propositions de communication sont à adresser avant le 1er février 2017, à M. Samuel LAIR (samuellair@sfr.fr) ou M. Benoît MÉRAND (b.merand@icrennes.org ou Institut catholique de Rennes, Département de Lettres modernes et Communication, rue Blaise Pascal, campus de Ker Lann, 35 170 BRUZ).

[1] BLOY Léon, cité par René MARTINEAU, dans Léon Bloy. Souvenirs d’un ami, Paris, Librairie de France, 1924, p. 92.

[2] BANCQUART Marie-Claire, Les Écrivains et l’histoire, d’après Maurice Barrès, Léon Bloy, Anatole France, Charles Péguy, Paris, Nizet, 1966, p. 211.

[3] BLOY Léon, Au Seuil de l’apocalypse, « conclusion », dans ID., Journal, tome II, Laffont, 1999, coll. « Bouquins », p. 497.

[4] ID., Lettre à Marguerite LEVESQUE, reproduite dans ibid., 12 mai 1913, p. 347.

[5] ID., Lettre à Pierre TERMIER, reproduite dans ibid., 28 octobre 1914, p. 433.

[6] BERNANOS Georges, « Dans l’amitié de Léon Bloy », dans ID., Essais et écrits de combat, tome II, Gallimard, 1995, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1230.

[7] Voir propos rapporté par Raïssa MARITAIN, dans Les Grandes Amitiés, Parole et Silence, 2000, p. 136.