Le style de la science
6 mai 2014 (14h-18h, Bibliothèque Jacques Seebacher)
Si style et sciences semblent aujourd’hui peu compatibles, cette scission apparente est plus récente qu’on ne pourrait le penser. Ce n’est qu’au xixe siècle, lorsque les sciences humaines émergent et que la littérature acquiert son autonomie, se différenciant nettement de la langue commune, que le style est revendiqué comme une spécificité proprement littéraire. Qu’est-ce que le style ? Cette notion pourtant fondamentale dans un certain nombre de disciplines (stylistique, littérature, histoire de l’art) reste difficile à définir. D’origine rhétorique — comme la littérature —, elle connaît une extension à la fois très large (il s’applique aussi bien aux modes de vie qu’à des œuvres d’art) et très restreinte lorsqu’il s’agit de textes. De nos jours, l’on songe plutôt au « style d’auteur » lorsque cette expression est employée à propos d’une production littéraire. Après avoir connu un recul, comme la stylistique, dont il est l’objet principal, le style revient sur le devant de la scène depuis quelques années, à travers des définitions polémiques — les réflexions récentes sur le style peinent à s’accorder sur une définition commune. En outre, selon Anne Herschberg Pierrot, « On ne parle plus guère de style en littérature. […] Le style n’est pas, semble-t-il, l’enjeu de la stylistique littéraire, tandis que dans les arts, le style est étudié à l’écart d’une stylistique. » (2005, p. 3). Ainsi, non seulement cette notion résiste aux tentatives de définition, mais, dans les disciplines où elle est pourtant censée occuper une place centrale, certains critiques s’en détournent. Bien plus, si nous élargissons notre réflexion au-delà de la littérature, de la stylistique et de l’histoire de l’art, la question se complique encore. Comment définir le style d’un point de vue interdisciplinaire ? Qu’est-ce que le style non seulement pour la littérature et les arts, mais aussi en mathématiques, en physique etc. ? Comment appréhender cette notion après l’émergence des sciences humaines et la rupture entre langue littéraire et langue commune ? De quels outils disposons-nous pour analyser le style (des écrits scientifiques, mais aussi des démonstrations par exemple) du xviiie siècle à nos jours ? Ces interrogations, nous le verrons, ne revêtent pas les mêmes enjeux d’un siècle à l’autre, parfois d’une décennie à l’autre. Nous varierons donc les points d’entrée pour mener cette enquête sur les styles de la science, en nous fondant sur des périodes clés (pour commencer le xixe siècle et les années 1920), sur des disciplines précises (qu’est-ce que le style en stylistique ou littérature ? en histoire ? en mathématiques ? en histoire des sciences ? en psychanalyse ?), sur des auteurs (Michelet, Lacan, etc.).
Ce projet interroge la structuration des savoirs et des cultures, les modalités langagières de leur élaboration et de leur transmission, leur dimension patrimoniale. Ces enjeux n’impliquent pas seulement la question de la transmission mais aussi le rapport à la langue, aux identités (culturelles, nationales, individuelles). Il s’agit en définitive de penser l’histoire pour mieux penser le contemporain, à partir d’une notion entièrement transversale : on parle aussi bien de style littéraire ou artistique, que de style en mathématiques ou de style de vie.
Une première demi-journée d’étude aura lieu le mardi 6 mai, de 14h à 18h en bibliothèque Jacques Seebacher (Université Paris Diderot, 16 rue Marguerite Duras, bât. A des Grands Moulins, 2e étage), afin de proposer un état de l’art et d’inaugurer ce projet de recherche interdisciplinaire.
14h-15h : David Rabouin (SPHERE, Université Paris Diderot), « Du style en histoire et philosophie des sciences : état des lieux ».
15h-16h : Stéphanie Smadja (CERILAC, Université Paris Diderot), « Style, stylistique et littérature : une notion controversée ».
16h-16h15 : Pause
16h15-17h30 : Table ronde : Michèle Aquien (LIS, Université Paris XII Val de Marne), Nadine de Courtenay (SPHERE, Université Paris Diderot), Céline Flécheux (CERILAC, Université Paris Diderot), Paule Petitier (CERILAC, Université Paris Diderot).
17h30-18h : Réflexions sur la mise en place du projet.