Essai
Nouvelle parution
Le sens du récit

Le sens du récit

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Decitre - Vigilibris)

ajout février 2007: ouvrage en attente de rédacteur pour compte-rendu dans la revue Acta Fabula 


Marie-Pascale Huglo
Le sens du récit. Pour une approche esthétique de la narrativité contemporaine

 Presses universitaires du Septentrion
Collection "Perspectives"
 Villeneuve-d'Ascq, décembre 2006
Isbn: 2-85939-976-3
 Ean 13 : 9782859399764
  18,00 €

Présentation de l'éditeur:

Comment aborder le récit contemporain ? La variété de ses structures formelles et ses jeux d'intertextualité sont désormais bien connus, mais la sensibilité perceptive inhérente aux façons de raconter demeure peu étudiée. Or, chaque récit déploie, de manière diffuse, un univers discursif et perceptif pétri d'imaginaires et de mémoires collectives qui mérite considération. Le sens s'y noue au sensible qui le fonde. D'où la nécessaire approche esthétique revendiquée par cet essai.
Dans l'univers contemporain, les sens sont certes sollicités par la variété du monde, mais aussi par les cultures livresques et audio-visuelles, entre genres anciens et nouveaux médias : quelles conséquences ces nouveaux modes de perception ont-ils sur la façon de raconter ? Comment, pour nous qui la lisons, la littérature s'en trouve-t-elle transformée ?
Les études critiques ici rassemblées démêlent ainsi l'intrication du sens, de la perception sensible et de la mémoire culturelle chez des écrivains aussi divers que Michel Leiris, Louis-René des Forêts, Witold Gombrowicz, Emmanuel Carrère, Jean-Philippe Toussaint, Lydie Salvayre, Antoine Volodine ou Nathalie Sarraute. Elles ouvrent la voie à une approche renouvelée de la narrativité contemporaine.

Marie-Pascale Huglo, professeur de littérature contemporaine à l'Université de Montréal. Auteur de Métamorphoses de l'insignifiant. Essai sur l'anecdote dans la modernité (Montréal, Balzac-le Griot, 1997), membre du comité de rédaction de la revue Protée et des Cahiers littéraires Contre-jour, elle a dirigé, avec Sarah Rocheville, l'ouvrage collectif : Raconter ? les enjeux de la voix narrative dans récit contemporain(Paris, L'Harmattan, 2004).

Premières lignes:

La scène qui s'ouvre en littérature, c'est d'abord celle d'une histoire qui, au moins le temps d'un livre (si tant est que «la magie» opère), nous entraîne dans un monde raconté auquel nous croyons, auquel nous voulons croire. Le récit déploie, dans son petit cercle, un espace-temps distinct du nôtre au sein duquel des personnages agissent, pensent, s'émeuvent, vivent et meurent. C'est cette découpe qui me retient, cette capacité propre aux histoires à se détacher de la parole commune du sein de cette parole, à tracer des seuils, à tresser des noeuds de sens qui se découpent en eux-mêmes, par eux-mêmes, de l'échange incessant des discours. Bien distinct de ce que l'on appelle parfois la vraie vie, le monde ouvert dans et par le récit vient investir notre «réalité» à titre de mémoire virtuelle ou de possible interprétation. La fable de­vient mémoire, laquelle médiatise à son tour la perception et la compréhension de notre vie.
Cette scène-là, nous la connaissons bien. Elle recouvre l'événementialité que le récit projette comme un ensemble cohérent. L'évidence avec laquelle une histoire s'impose oblitère ce qui, véritablement, la projette comme une unité à la fois objective (les événements racontés apparaissent comme une découpe autonome littéralement «placée devant nous») et virtuelle (l'unité en question doit, pour apparaître, passer par le processus, toujours singulier, d'une lecture susceptible d'actualiser son objet). Le mouvement paradoxal qui replie le récit apparemment constitué dans le processus toujours à recommencer de son objectivation met déjà en relief la complexité de ce qui lui permet d'apparaître simplement comme tel : la scène narrative ne se donne à voir que dans le procès d'une lecture ; l'achèvement vers lequel tend le récit (même s'il est «ouvert») ne peut advenir que dans l'inachèvement de son actualisation. Et dans cette tension entre scène et procès, le procès tend à disparaître pour que la scène narrative se détache et s'impose