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Le roman migrant au Québec et en Scandinavie : performativité, conflits signifiants et créolisation

Le roman migrant au Québec et en Scandinavie : performativité, conflits signifiants et créolisation

Publié le par Marion Moreau (Source : Svante Lindberg)

APPEL À COMMUNICATIONS

Le roman migrant contemporain au Québec et en Scandinavie : performativité, conflits signifiants et créolisation

Colloque international
Université Åbo Akademi, Turku, Finlande, le 23-24 septembre, 2011

Ce colloque se veut un lieu de rencontre de chercheurs en littérature de deux domaines distincts : la recherche sur la littérature québécoise et la recherche sur le roman contemporain scandinave et finlandais. Nous voulons créer un dialogue à travers les frontières culturelles et linguistiques sur le thème de la migration, compris au sens large, dans le roman contemporain.

Dans la recherche littéraire au Québec et dans les études scandinaves, le sujet de la littérature immigrante et migrante est un champ de recherche important depuis quelques décennies. Cette recherche a souvent porté sur la migration dans un sens concret, c'est-à-dire la rencontre du sujet (im)migrant avec le nouveau pays, l'acculturation, la nostalgie de l'ancien pays, la distanciation par rapport à celui-ci, etc. La question de la réception de la littérature migrante a aussi été étudiée.

Au Québec, un élargissement de la notion de migration a eu lieu dans le discours littéraire. Outre l'intérêt pour l'immigrant comme le représentant d'une altérité culturelle, on s'intéresse au mouvement entre culture minoritaire et culture majoritaire, par exemple le rapport entre la population amérindienne et la population d'origine française. De plus, les écrivains québécois « de souche » ont été marqués, eux aussi, par la thématique migrante, sujet qu'ils traitent dans leurs textes sous forme, par exemple, d'un discours sur la migration existentielle ou sociale. Encore d'autres se demandent si c'est du tout pertinent de parler de migration dans la littérature aujourd'hui. Après le poststructuralisme, toute expression identitaire n'est-elle pas conditionnée par le mouvement ? Ici le roman La Québécoite (1983) de Régine Robin, qui traite l'impossibilité de l'appartenance culturelle, est un texte-clé.

En Scandinavie, les notions de littérature immigrante et migrante ont été pratiquées différemment dans les pays. Tandis que des auteurs comme Theodor Kallifatides, Jonas Hassen Khemiri et Fateme Behros ont personnifié le genre en Suède (où la notion de littérature immigrante surgit déjà dans les années 1970), ce type de littérature s'est fait moins fortement connaître dans les autres pays. On commence à parler de littérature immigrante en Norvège dans les années 1980 et au Danemark dans les années 1990. Le roman migrant scandinave a été analysé par Lars Wendelius, Wolfgang Behschnitt et Ingeborg Kongslien, entre autres. Des questions de littérature minoritaire et migrante vues d'une perspective nordique ont été étudiées, par exemple, par Satu Gröndahl. Si les Amérindiens représentent une expression culturelle « autre » au sein du Québéc, l'on pourrait mentionner la place minoritaire des Sâme, des Inuits et des Finlandais de langue suédoise au sein des pays nordiques.

Un trait commun de la recherche sur la littérature migrante est l'intérêt pour la rencontre dynamique. Il s'agit de la rencontre entre la subjectivité et l'expression d'une vérité collective ainsi que de la rencontre entre la subjectivité et l'altérité dynamique. Déjà en 1979 est paru La condition postmoderne de Jean-François Lyotard où le contact entre l'énonciateur et différentes formes de connaissances est mis au centre. Benedict Anderson a montré l'arbitraire dans les croyances collectives dans Imagined communities (1991) et, dans The Location of Culture, Homi Bhabha (1994) souligne l'importance de l'énonciation pour la compréhension de l'expression culturelle dynamique telle que celle-ci se fait dans la pratique. La notion d'identité narrative de Paul Ricoeur montre l'importance de la narration et souligne l'interaction entre l'identité stable (la mêmeté) et l'identité dynamique (l'ipséité) dans un même individu et explore la rencontre entre ce type d'identité d'un côté, et l'altérité, elle aussi clivée et dynamique, de l'autre.

La notion de roman migrant est souvent problématique. C'est ainsi parce que plusieurs auteurs ne veulent pas se laisser désigner comme romanciers migrants. C'est également ainsi parce que, dans une perspective plus large, il se verra difficile de regarder ces auteurs comme un groupe isolé se trouvant en dehors du canon littéraire du pays où ils vivent. C'est pour centrer l'attention sur ce qui se passe après la migration que Simon Harel, entre autres, préfère le terme écriture postexilique au lieu d'écriture migrante.

Nous comprendrons la notion de roman migrant dans un sens large : il peut s'agir de la migration d'un pays vers un autre, des expériences de la deuxième génération d'immigrants, du mouvement d'une culture vers une autre dans le cadre d'un même État-nation, de différents types de migration existentielle, de l'usage que font des auteurs dans la culture majoritaire de la thématique migrante, etc. Quel est le témoignage des textes rédigés dans la langue du pays d'arrivée de la performativité, du conflit passionnel ainsi que de la fusion des cultures ?

Le point de départ sera que le roman donne une image vraie du monde et que le caractère fragmenté de cette image ne diminue pas son taux de vérité. Inspirés par des théoriciens comme Homi Bhabha, Simon Harel (Les passages obligés de l'écriture migrante) et Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau (L'intraitable beauté du monde: adresse à Barack Obama), nous invitons à des lectures du roman migrant tel que nous venons de le définir et tel qu'il s'écrit pendant la première décennie du nouveau millénnaire au Québec et en Scandinavie. Nous voulons centrer la discussion sur un monde se caractérisant par la post-migration et la simultanéité des expressions afin d'étudier ses conflits signifiants.

Nous souhaitons recevoir des suggestions de présentations entrant sous une ou plusieurs des rubriques suivantes :

La performativité. Quels types d'actes performatifs (linguistique, ethnique, sexuel, etc.) sont mis au centre dans le roman contemporain ? Quels en sont les effets ?

Le conflit signifiant. Est-ce que l'assimilation de l'(im)migrant dans la culture majoritaire est une vision utopique ? Faudrait-il plutôt étudier les conflits tels qu'ils se manifestent dans la vie quotidienne ? S'il y a un retour du conflit passionnel, comme le dit Simon Harel, comment ce conflit se manifeste-t-il au niveau textuel ?

La créolisation. Selon Édouard Glissant, le monde se créolise. Cela veut dire, entre autres, que le local fera partie du global, s'y mêlera et le changera. Quels exemples en voit-on dans le roman contemporain ?

Quelques questions possibles :

- Si la culture majoritaire peut être vue comme l'effet d'une vision idéalisée de la communauté, comment s'expriment les rapports entre les représentants de cette culture et la culture minoritaire dans le roman ?

- La présence de la performativité culturelle, linguistique ou sexuelle dans le texte littéraire est symptomatique de l'interaction des expressions multiples. S'agit-il là de la recherche de l'authenticité ou quelle est la signification profonde de cette performativité ? Quel est le rôle de l'identité rhizomatique dans les textes ? Assiste-t-on, en effet, à l'épuisement de l'identité ?

- Sherry Simon (2006) a lancé la notion de translation dans la discussion sur la rencontre des cultures. Cette notion comporte, entre autres, l'attitude vis-à-vis de l'autre culture et l'interprétation de celle-ci. C'est un phénomène qui se manifeste tout en gardant la distance de cette culture. Quel est le rôle de la « traduction culturelle » au niveau textuel du roman contemporain ?

- Si, depuis plusieurs années, l'étude thématique de la littérature migrante est un phénomène établi, un autre aspect serait la fonction politique et socio-économique de cette littérature. Est-ce pour ainsi dire politiquement correct de lire des textes écrits par des écrivains immigrants ? Ce genre de roman remplit-il des vides commerciaux sur le marché des livres ? Quel sont les liens entre le succès de la littérature migrante et les forces politique et économique dans une société donnée ?

- Comment le rapport avec le lieu (géographique, poétique, subjectif, etc.) se manifeste-t-il dans le roman migrant contemporain ? Comment s'exprime l'habitabilité ? Comment le roman contemporain exprime-t-il la dislocation et les métamorphoses de la conception du lieu ?

- Peut-on parler d'altérité dans le roman contemporain ou est-ce que la notion d'altérité culturelle est dépassée ? Quels types d'altérité se manifestent dans les textes : culturelle, ethnique, dialogique, éthique... ?

- Le Québec et la Scandinavie sont des régions pluriculturelles, postindustrielles et « nordiques ». Quelles différences et quelles ressemblances peut-on noter entre la littérature du Québec, jeune pays d'immigration au Canada et celle de Scandinavie, pays des anciennes monarchies nationales ? Et comment les textes finlandais écrits en suédois ou en finnois, et qui sont issus d'un ancien peuple vivant dans une jeune république, diffèrent-ils des autres ? La question de la « nordicité » est-elle pertinente dans ce contexte ? Si oui, comment se définit-elle ?

Conférenciers pléniers : Satu Gröndahl (Uppsala), Simon Harel (Montréal), Ingeborg Kongslien (Oslo), Régine Robin (Montréal).

Des propositions de communications en français, suédois, danois, norvégien et anglais sont acceptées. Durée des communications : 20 minutes + 10 minutes pour discussion et questions.
Les propositions (environ 250 mots) sont à envoyer à mqs@abo.fi au plus tard le 15 avril 2011.

Site Web : www.abo.fi/mqs