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Le Récit exemplaire. XXIIIe colloque de la Sator

Le Récit exemplaire. XXIIIe colloque de la Sator

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Madeleine Jeay)

LE RÉCIT EXEMPLAIRE

Colloque de la sator, Belley (Ain), les 16-19 septembre 2009

Il est à la fois urgent et peu prudent d'examiner la question du récit exemplaire au début du XVIIe siècle. Urgent, parce que l'émergence de Jean-Pierre Camus, ce grand producteur de récits systématiquement  rangés dans le tiroir de la littérature « moralisatrice » ou « d'inspiration religieuse », force à reposer la question en dehors des classements invétérés : ne se dit-il pas lui-même en rupture avec cette littérature, et pourtant soucieux de l'instruction de son ami lecteur ? Peu prudent, parce que la position paradoxale de Camus devrait nous donner à penser qu'il inaugure une période  problématique pour le récit exemplaire, et que donc on ne peut décider de l'exemplarité en ce début de classicisme (ou fin de Renaissance ?) sans aller voir avant et après ce qu'il en est.

Même sans entrer dans les cas particuliers, il est clair que le mot « exemplaire » aujourd'hui – mais depuis quand ? - réfère à deux formes de récits, suivant que l'on utilise l'un des deux sens d'exemple : un exemple de vertu n'est en fait pas exemplaire de la même qu'un exemple des crimes de l'humanité. Le premier est une conduite proposée comme guide au lecteur (ou un idéal que le commun des mortels ne peut atteindre : « et sa vie, qui fut assez brève, laissa des exemples de vertu inimitables »), le second exemplaire au sens d'exemplaire d'un livre, le cas singulier qui ne fait que reproduire la règle. Le paradoxe de l'exemplaire n'est dont pas seulement celui de la période de Camus, il est au coeur des sens de « exemple », un de ces mots fourchus comme des langues que la philosophie française a récemment appris à aimer. Un exemple, dans les moeurs, c'est aussi bien le singulier pur que le tout venant. Et le récit exemplaire est l'effort pour généraliser ce singulier, pour en faire le tout venant.

On aura donc à revenir sur la question – pourtant bien examinée récemment- de l'exemplum : le latin médiéval, dans ses titres mêmes, emploie les deux sens : sont exemples les figures exceptionnelles, et au premier chef, bien sûr, le Christ. Mais aussi, tout récit finit par être nommé exemplum, car il est admis que l'enseignement peut se faire de deux manières : par la doctrina pour ceux qui sont capables de la recevoir ; par l'exemplum pour ceux qui ne peuvent et, moins enclins à être guidés par les abstractions de la théorie, doivent passer par les sens et l'imagination. Tout ce qui échappe à la logique, abstraite et générale, et « passe par » le narratif, le cas concret et singulier, est exemplum. On finira, peu avant Camus, à employer exemplum comme synonyme de narré.

Cinquante ans après Camus, il semble que la tradition s'est totalement perdue. En tout cas, le récit se veut tout sauf exemplaire : l'étonnante prétérition de la dernière phrase du récit sur la fin de la vie de Mme de Clèves est en ce sens … exemplaire. Qui songerait à faire de La Princesse de Clèves un roman « moral » ? Mais cent ans auparavant, quel auteur aurait résisté à la tentation hagiographique ? 

Le débat est donc sur les origines, la nature et la disparition (?) du récit exemplaire, en prenant récit au sens strict de texte pris en charge par un narrateur.

Max Vernet

Madeleine Jeay

Les propositions de communications doivent être adressées à Madeleine Jeay : jeaymad@mcmaster.ca