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Le pathos en action : l'usage des émotions dans le discours

Le pathos en action : l'usage des émotions dans le discours

Publié le par Vincent Ferré (Source : Michael Rinn)

Descriptif
Programme

Plusieurs travaux récents en analyse du discours, en rhétorique, en sémiotique et en philosophie du langage ont souligné l'importance que revêt la gestion des émotions dans le discours, rappelant la pérennité d'un concept élaboré depuis l'Antiquité grecque : le pathos. Défini dans la Rhétorique et dans la Poétique d'Aristote comme un langage-action, le pathos est l'une des techniques d'argumentation destinées à produire la persuasion, cela en émouvant les récepteurs. Les critiques de la raison pratique n'ont cessé de dénoncer la dimension manipulatrice inhérente à l'argumentation par le pathos, constatant son écart fondamental avec le raisonnement formel centré sur la vérité objective. Cependant, interrogeant ce type d'argumentation dans les effets concrets du discours de persuasion, l'analyse du pathos permet de reconnaître la problématique essentielle de la culture sociale, celle qui consiste à favoriser ou, au contraire, à nier la logique singulière d'une identité et d'une différence. Invitant au dialogue entre différents courants de recherche, le colloque tentera de mesurer cette problématique pour nos sociétés contemporaines. La réflexion méthodologique paraît urgente, compte tenu de la montée en puissance des nouveaux discours identitaires, communautaristes, négationnistes et racistes. Empruntant aux passions communes, ces discours persuasifs cherchent à réduire la pluralité des valeurs culturelles nécessaires à la vie en société.

Le programme du colloque portera sur les aspects suivants :

1. L'approche historique du pathos.

Si les théoriciens anciens et modernes lui ont accordé une place importante dans les discours de persuasion, le pathos revêt souvent un rôle secondaire par rapport aux arguments quasi logiques, ces derniers bénéficiant du prestige accordé au raisonnement incontesté auquel ils ressemblent. Or, si nos sociétés contemporaines adhèrent largement à l'idéologie techno-scientifique, l'Histoire récente a démontré qu'elles ne sont pas à l'abri de dérives “passionnelles“. L'expérience des camps de concentration a ainsi montré la nécessité de renouveler la rhétorique, sans toutefois résoudre la question du pathos en action. On pourra reconnaître un autre problème plus conceptuel, celui de la spécificité du pathos par rapport à l'ethos. La tradition rhétorique a proposé des modèles divergents. A cet égard, les recherches récentes sur l'ethos permettront de proposer de nouvelles définitions.

2. Le fonctionnement argumentatif du pathos.

Contrairement à l'usage courant qui se contente souvent d'enregistrer les agitations de l'homme passionné, la logique passionnelle ressemble largement à la mise en forme quasi logique des arguments. On pourra reconnaître deux types de fonctionnement. Le premier consiste à présenter un point de vue subjectif comme un principe général, alors que le second conduit à refuser les conséquences qui s'imposent. Si dans le premier type le pathos manipule le principe en fonction des conséquences recherchées, le second manipule les conséquences pour sauvegarder un principe jugé valable. Aussi faudra-t-il montrer comment la logique passionnelle soulève la problématique d'un déni argumenté, déni qui paraît difficile à contrer par des moyens argumentatifs rationnels lorsque le pathos en action traduit l'adhésion à une croyance idéologique.

3. Les figures pathiques.

Les techniques argumentatives liées au pathos fonctionnant par redéfinition d'une réalité sociale donnée, l'analyse des figures de la véhémence permettra de relever les règles de construction des émotions dans le discours. On pourra articuler la problématique suivante : les passions qui émeuvent le public doivent être des passions communes. La construction pathémique doit donc largement puiser dans les lieux en vigueur. Or centrées sur la négociation de la distance entre les sujets parlants, les figures pathiques articulent ou bien la promesse d'un accord consensuel entraînant apaisement et quiétude, ou bien la menace d'un conflit insoluble provoquant discorde et souffrance. La double dimension éristique et agonique du pathos rappelle le modèle aristotélicien selon lequel les règles de construction du discours pathémique s'appliquent à la fois à l'écriture utilitaire et à l'écriture littéraire. Ainsi, il faudra réfléchir sur la présence de l'esthétique dans le langage d'action. Enfin, comme l'histoire de la rhétorique le montre, l'établissement d'une typologie des figures pathiques ne paraît pas aisé. Néanmoins, cette recherche contribuera à la critique des processus de modélisation des émotions dans le discours.

4. La sémiologie du pathos.

Le pouvoir du pathos en action consiste à mettre en relation l'esprit et le corps, relation dont la problématique a été reconnue par les théoriciens de la rhétorique et de la poétique. La composante thymique marque bien la particularité majeure de ce type d'argument. Empruntant à toutes les sphères de la communication - le verbal, la gestuelle, la mimique et le postural - et touchant les cinq sens, l'usage des émotions modélise un ensemble de codes culturellement déterminés. Il faudra donc procéder à l'analyse des procédures de stéréotypisation du pathos, lesquelles nourrissent l'herméneutique de la véhémence et de l'enthousiasme dans le discours. Dès lors il paraîtra indispensable de proposer les concepts d'une sémiologie du pathos afin de contribuer à la critique renouvelée de la culture sociale.

Comité scientifique :

Marc Bonhomme, Université de Berne, Suisse

Françoise Douay, Université de Provence Aix-Marseille II

Georges Molinié, Université de Paris IV-Sorbonne

Enrico I. Rambaldi, Università degli Studi di Milano, Italie

François Rastier, C.N.R.S.

Comité d'organisation:

Lamira Chetouani, I.U.F.M. de Bretagne

Ioannis Kanellos, Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications de Bretagne (ENSTB)

Ghislaine Lozachmeur, Université de Bretagne Occidentale

Michael Rinn, Université de Bretagne Occidentale

Equipe d'accueil Littératures et Langues EA 950

Avec le soutien du Conseil général du Finistère, du Conseil régional de Bretagne, de la Communauté urbaine de Brest, de l'Université de Bretagne Occidentale, de l'Ecole Doctorale «Lettres, Langues - Société - Gestion» de la Faculté Victor Segalen

Vendredi 23 septembre 2005

9h                    Accueil et présentation du colloque

Président : Michael Rinn, UBO

9h15         Fernand Delarue, Université de Poitiers :  «Pathétique et "grand style" à l'époque romaine (Ier siècle avant et premier siècle après J.-C.).»

 9h45                   Pierre Zoberman, Université de Paris  XIII:   «Un topos pathétique de l'harmonie sociale sous l'Ancien  Régime : l'irrépressible expression de la joie du peuple.»

 10h15                   Françoise Douay, Université de Provence Aix-Marseille I : «Larmes d'Ancien Régime et rires révolutionnaires. Pathos et   justice en France à la fin du XVIIIe siècle.»

 10h45                   Discussion

                   Pause

11h15                   Marc Angenot, Université de McGill, Canada : «Historicité du pathos: ressentiment et idéologie.»

 11h45                   Florence Balique, Université de Versailles :«Miraculeuse communion ? Les dessous du pathos : servitude volontaire contre mirage identitaire.»

 12h15                   Michel Meyer, Université Libre de Bruxelles, Belgique :«Le rôle du pathos en rhétorique et la philosophie des passions.»

 12h45                   Discussion

                   Déjeuner

Président : Ioannis Kanellos, ENSTB

14h00                   Ekkehard Eggs, Universität Hannover, Allemagne :  «Le pathos dans le discours - rhétorique, argumentation,  séduction.»

 14h30                   Raphaël Micheli, Université de Lausanne, Suisse : «La construction argumentative des émotions. L'exemple des débats parlementaires français sur l'abolition de la peine de mort.»

 15h00                   Georges-Elia Sarfati, Université de Clermont-Ferrand :«Propagande et perlocution : remaques sur les effets du sens commun.»

 15h00                   Discussion

                   Pause

 16h00                   Christian Plantin, Université de Lyon II :«Une méthode d'analyse de la dimension verbale des émotions.»

 16h30                   Marc Bonhomme, Université de Berne, Suisse :«Les figures pathiques dans le pamphlet. L'exemple du Discours sur le colonialisme de Césaire.»

 17h00     Emmanuelle Danblon, Université Libre de Bruxelles, Belgique:  «Le pamphlet peut-il s'institutionnaliser ?»

17h30                   Discussion

                   Pause

Présidente : Ghislaine Lozachmeur, UBO

18h00                  Gilles Declerc, Université de Paris III-Sorbonne :  «La monstration du pathos : dramaticité, théâtralité.»

 18h30                   Philippe Mesnard, Haute Ecole de Bruxelles, Belgique :  «L'ambivalence du vide.»

 19h00                  Jean-Paul Dufiet, Università di Trento, Italie :  «La question du pathos dans le théâtre de la Shoah : Jean- Claude Grumberg, Charlotte Delbo, Primo Levi.»

19h30                   Discussion

                   Dîner

Samedi 24 septembre 2005

Présidente : Lamria Chetouani, I.U.F.M. de Bretagne

9h00                   Patrick Charaudeau, Université de Paris 13 :  «Le pathos dans les stratégies discursives du discours politique».

 9h30                   Aurélie Lagadec, Université de Bretagne Occidentale :«Les attentats du 11 septembre 2001. Les limites du pathos entre éthique et esthétique. »

10h00                   Louis Panier, Université de Lyon II :«La mort de Yasser ARAFAT. Une émotion représentée,transmise, produite à travers quelques "Unes" de presse».

 10h30     Ioannis Kanellos, Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications de Bretagne, en collaboration avec Véronique Bralé, ENSTB/FT R&D, Valérie Maffiolo, FT R&D et Thierry Moudenc, FT R&D. : «Emotion et genres de locution : Causes, solutions actuelles et perpectives dans la reconstitution automatique d'une parole      expressive à partir des textes écrits.»

11h00                   Discussion

                   Pause

11h30                    Ruth Amossy, Université de Tel Aviv : «Passion et raison dans l'ethos rhetorique.»

 12h00                   Georges Molinié, Université de Paris IV-Sorbonne :   «Les choses sont pathétiques.»

 12h30                  François Rastier, C.N.R.S. : «Croc de boucher et rose mystique : le pathos sur l'extermination, de Steiner à Agamben.»

 13h00                   Michael Rinn, Université de Bretagne Occidentale : «Réfutations négationnistes. Pour une sémiologie des discours de la haine.»

 13h30                   Discussion

                   Buffet de clôture