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Le mythe de l’intraduisible, par P. Engel (en-attendant-nadeau.fr)

Le mythe de l’intraduisible, par P. Engel (en-attendant-nadeau.fr)

Publié le par Marc Escola

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Le mythe de l’intraduisible, par Pascal Engel

La philosophie, c’est du lourd. Non pas seulement parce que le style de nombre de grands philosophes, comme Aristote, Kant ou Hegel, pour ne nommer qu’eux, est tout sauf léger, mais aussi parce que chacun de leurs mots est supposé être lourd de sens, et s’alourdir encore avec le temps. Plus on remonte aux origines, plus les concepts sont recouverts de significations accumulées comme des mousses sur les vieilles pierres. La traduction du grec au latin, puis du grec à l’arabe, puis de là du latin aux langues européennes, est grosse de toute l’histoire de la philosophie. D’où le paradoxe : plus une tradition se traduit, moins la traduction est aisée. Mais doit-on accepter ce paradoxe ?

Barbara Cassin (dir.), Vocabulaire européen des philosophies : Dictionnaire des intraduisibles. Seuil [2004], 1 532 p., 96,40 €

Trad. anglaise: Emily Apter, Jacques Lezra and Michael Wood (ed.), Dictionary of Untranslatables: A Philosophical Lexicon. Princeton University Press [2015], 1 284 p.

 

Le Vocabulaire des philosophies européennes : Dictionnaire des intraduisibles, publié en 2004, était supposé illustrer ce paradoxe, en offrant un lexique des termes qui, au cours de l’histoire de la philosophie européenne, sont devenus « intraduisibles » d’une langue dans une autre [1]. Ce livre entendait délivrer deux messages principaux. Le premier était que toute philosophie se fait dans une langue donnée, exprimant un cadre de pensée propre et déterminant l’usage des concepts que les philosophes reprennent de leurs prédécesseurs ou forgent eux-mêmes, et que les opérations de traduction d’une langue à l’autre sont surdéterminées par l’épaisseur de ces traditions linguistiques et de pensée. Le second était un message « politique » : toute tentative pour développer un espace conceptuel global, transcendant les langues dans lesquelles la philosophie s’est constituée, est vaine et dangereuse pour la liberté de la pensée. Barbara Cassin, la directrice du volume, était claire sur le fait qu’elle voulait, en se référant aux philosophies européennes, résister à l’uniformisation de la langue de la philosophie par la domination de l’anglais, véhicule d’une pensée globish incarnée selon elle par la philosophie analytique, et réaffirmer contre l’impérialisme anglophone le droit de penser en français, en allemand, en italien et dans les autres langues nationales. […]

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