Questions de société
Le mouvement dans les universités, enterré un peu vite. Communiqué de SLU (25/05/09)

Le mouvement dans les universités, enterré un peu vite. Communiqué de SLU (25/05/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Le mouvement dans les universités, enterré un peu vite. Communiqué de SLU, 25 mai 2009

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article2634

Ce n'est qu'un début, le combatcontinue. L'affirmation peut surprendre. Slogan de jadis ? Acharnementthérapeutique désespéré pour redonner vie à un mouvement qui,paraît-il, se conjuguerait désormais au passé ? Pas du tout : ce quis'est passé depuis six mois ne saurait être rayé d'un trait de plume –tout simplement parce que nous n'avons pas obtenu ce que nousdemandions. Quoi qu'il arrive, les universités françaises dans leurmajorité ont montré qu'elles n'étaient pas prêtes à accepter de façonpassive les réformes préparées hâtivement que nos gouvernants entendentleur imposer au nom d'une prétendue « modernité » qui ne consiste qu'àappliquer partout des recettes toutes faites empruntées au monde del'économie. La loi LRU s'est vue délégitimée par ses mesuresd'accompagnement et cela ne saurait être oublié. Tout le monde saitbien aussi que nous avons lutté non pour notre intérêt particulier ounotre feuille de paye, mais pour l'avenir de l'éducation et de larecherche dans ce pays. Face à cela, nous n'avons rencontré quel'insulte et le mépris. S' agit-il véritablement d'une victoire pour legouvernement ?

Certes c'est un fait que, presque partout, lesuniversitaires entreprennent de faire passer des examens de find'année, dans des conditions le plus possible satisfaisantes pour tous.Mais aucune des raisons pour lesquelles ils le font ne signifie, commele prétend le gouvernement suivi par de nombreux médias, que le combatengagé il y a plusieurs mois serait terminé et encore moins que lesmotifs pour lesquels il a été juste de l'engager seraient devenus moinspertinents. Ils le font parce qu'ils y sont contraints par la ministrede l'enseignement supérieur et de la recherche qui a fait le choix dedurcir la confrontation avec la communauté universitaire pour desraisons n'ayant que peu à voir avec le bon fonctionnement desuniversités françaises. Ils le font parce qu'ils se sententresponsables de l'avenir de leurs étudiants, qu'ils se sont engagés àce qu'aucun d'entre eux n'ait à pâtir du mouvement en cours et qu'ilsentendent tenir parole (ils ne sont pas ministres...). Ils le font,enfin, parce qu'il n'était pas question de tomber dans le piège desexamens qui avait été préparé avec un cynisme qui n'a eu d'égale quel'incapacité à ouvrir un dialogue avec la communauté universitairedepuis quatre mois.

Nous venons ici de faire l'expérience de la brutalitéd'une pratique napoléonienne du pouvoir universitaire qui répond parl'envoi des forces de l'ordre et l'utilisation des recteurs comme despréfets en mission à des revendications avancées depuis janvier dernieravec une clarté, une inventivité et une sérénité reconnues de tous. Onse croit revenu avant 1968, cette date symbolique que les actuelsgouvernants aspirent à effacer des mémoires.

Face à cette volonté gouvernementale de faire tairetoute opposition par la force et la contrainte, nous ne pouvons queréaffirmer nos revendications et, surtout, répéter avec autant de calmeque de détermination que nous ne renoncerons pas. Serions-nous tentésde le faire que la pratique quotidienne du pouvoir dans les ministèresde l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de larecherche nous engagerait vite à revenir à la raison. Nous n'envoudrons qu'un exemple.

Au mois de décembre dernier, le président de larépublique avait déclaré – dit-on – qu'il était nécessaire de pratiquerla concertation à une condition : ne tenir aucun compte des avis despersonnes qui se prêtaient à ce jeu-là. Nous en avions eu desillustrations manifestes en quatre mois de conflit mais ce qui vient dese passer ces derniers jours dépasse l'imagination la plus débridée.Pour illustrer leur volonté de dialogue sur le dossier de la formationet du recrutement des enseignants du premier et du second degré, lesministres concernés avaient annoncé, non sans quelque contradictiond'ailleurs, qu'étaient mis en place d'un côté une série de « groupes detravail » avec les syndicats représentatifs mais aussi, de l'autrecôté, pour faire bonne mesure, une commission co-présidée par unprésident d'université et un recteur. Bien sûr, le calendrier imposéétait une nouvelle fois à la hauteur de la précipitation et del'agitation qui règnent dans notre pays depuis deux ans puisque tousles travaux devaient être conclus d'ici au 15 juillet ; bien sûr, on necomprenait pas très bien quelles étaient les missions et lesprérogatives respectives de la fameuse commission et desdits groupes detravail ; mais enfin cela ressemblait encore à un ersatz de négociationpour quiconque voulait bien y croire.

Las, depuis quelques jours les choses sont claires ycompris pour celles et ceux qui prêtaient encore quelque crédit à lavolonté d'écoute des ministres concernés. Alors que les groupes detravail n'ont pas encore achevé leurs réunions et que la commissionprogrammée n'a pas encore été mise en place, sont rendus publics,soumis aux comités techniques paritaires consultatifs et annoncés pourpassage au conseil d'Etat les textes des projets de décrets mettant enplace l'année transitoire et faisant passer en force la logique de la« mastérisation » ministérielle de la formation et des concoursd'enseignants dont on avait annoncé que sa mise en place était reculéed'un an pour permettre de consulter sérieusement (enfin !) celles etceux qui devraient la mettre en oeuvre. Une nouvelle preuve est ainsidonnée de la façon dont le gouvernement en place conçoit le dialogueavec la communauté universitaire et l'autonomie qu'il lui a octroyée.Il est à peu près aussi ridicule de considérer que l'université selonle modèle de la loi LRU est autonome que de prétendre que certains payssont régis par une république simplement parce qu'ils élisent ausuffrage universel un chef d'Etat ou de gouvernement.

Cette autonomie de gestion sous surveillance rectoralea montré ces dernières semaines son vrai visage. Personne ne sauraitdésormais l'oublier. Ce sont la confiance aveugle des universitaires,leur passivité à l'égard des politiques ministérielles qu'on leurimposait qui appartiennent au passé, et non le mouvement qui a sudéchiffrer les effets néfastes de la Loi LRU, des décrets qui l'ontsuivie, les manipulations et les mensonges qui ont répondu à quatremois d'engagement et de réflexions. Il faudra bien un jour l'admettre,quelle que soit la situation des examens dans l'université française aumois de mai 2009 : les universitaires se sont ressaisis de leur missionintellectuelle. Ce n'est pas là une position de droite ou de gauche,simplement une lecture des faits qui se veut politique, c'est-à-dire auservice des citoyens.

25 mai 2009