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Le Mépris (Łódź & Lyon 2)

Le Mépris (Łódź & Lyon 2)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Magdalena Koźluk )

Le Mépris

Colloque international organisé dans le cadre des échanges

entre l’Université de Łódźet l’Université Lumière Lyon 2,

Łódź, du 18 au 20 octobre 2018

 

« Celui qui méprise son prochain commet un péché » (Pr 14 :21).

1649. Descartes publie son traité novateur de philosophie morale. Dans Les Passions de l’âme, il considère que le mépris et l’estime, mouvements de l’âme particuliers et opposés, sont des espèces de l’admiration, tenue elle-même pour être une passion primitive, c’est-à-dire fondamentale. « La Passion du Mépris, écrit-il, est une inclination qu’a l’âme, à considérer la bassesse et la petitesse de ce qu’elle méprise » (art. 149). Ce concept va être, quelques années plus tard, illustré de dessins correspondant à diverses passions. Charles Le Brun, auteur de ces dessins, dresse entre autres cette esquisse de tête que l’on voit sur la gauche et qui est accompagnée d’un commentaire fort instructif : « Le mépris. Les mouvements du mépris sont vifs et marqués ; le front se ride ; le sourcil se fronce, s’abaisse du côté du nez, et s’élève beaucoup de l’autre côté ; l’œil fort ouvert, et la prunelle au milieu ; les narines élevées se retirent du côté des yeux et font des plis aux joues ; la bouche se ferme, ses extré-mités s’abaissent, et la lèvre de dessous excède celle de dessus »[1]. Cette description presque clinique du mépris visible sur la figure d’un homme offre un bel exemple d’écriture ekphrastique et permet de nous plonger dans le climat de notre colloque, que nous organisons 55 ans après la sortie du fameux film de Jean-Luc Godard.

Depuis un bon moment la critique universitaire s’intéresse beaucoup au problème des émotions et des sentiments. Parmi eux certains sont privilégiés, comme l’amour passionnel, la colère, la nostalgie ou la mélancolie. Le mépris, par contre, ne semble pas avoir tout particulièrement retenu l’attention des chercheurs. En nous inscrivant dans ce vaste courant de critique pathophile, nous nous proposons de réfléchir, pendant notre colloque, à ce sentiment spécifique et protéiforme. Pour cerner davantage le thème de notre recherche, nous voudrions préciser d’abord que nous distinguons entre dédain et mépris. Le premier suppose le désintérêt conjugué au sentiment de supériorité que l’on manifeste vis à vis d’une chose ou d’un individu qui possèdent en soi une valeur positive mais auxquels on refuse de la reconnaître en situation donnée. Le mépris, en revanche, constitue un acte de dévalorisation – de soi, d’une chose, d’un individu ou d’une communauté – : quand on témoigne du mépris, on donne à voir ou à savoir qu’on porte sur l’objet en question un jugement dépréciatif indépendamment de la valeur réelle de cet objet. Dans un premier temps, c’est autour du mépris que nous aimerions concentrer notre débat : sur le mépris de soi vécu en situation de crise spirituelle ou recommandé au chrétien pour qu’il trouve l’amour de Dieu dans sa plénitude, et sur le mépris dans les relations interpersonnelles ou interhumaines quand un individu en rabaisse un autre en exerçant sur lui une espèce de violence discriminatoire.

Dans un deuxième temps, nous voudrions aussi vous inviter à la réflexion sur le mépris perçu comme synonyme du dédain. Cette acception du terme se laisse découvrir quand on parle du mépris de la mort, du mépris des grandeurs, des richesses ou des louanges, mais aussi du mépris du monde qui implique le sentiment de la vanité de toute chose. Elle a l’avantage de mettre en évidence le parti pris subjectif de l’individu contestant pour des raisons variables l’axiologie en vigueur à l’époque où il vit, et le geste de discrédit qu’on observe chez lui la rapproche de l’acception précédente. Puisque cette perspective fait intervenir des présupposés idéologiques ou religieux, il sera opportun aussi d’examiner comment la sémantique et la sémiologie du mépris évoluent au cours des siècles en absorbant les nouveaux acquis de la civilisation, voire, à l’époque moderne, en empruntant la voie de la laïcisation.

En nous adressant à ceux qui travaillent sur la littérature, le théatre, le film et la peinture, et éventuellement aux spécialistes d’autres disciplines scientifiques (philosophes, historiens, historiens de la médecine...), nous proposons donc d’étudier les représentations du mépris, ses causes et effets, ainsi que les sens qu’il acquiert dans l’économie de l’œuvre ; et en particulier, nous suggérons quelques axes de réflexion, la liste étant loin d’être exhaustive :

– étude du mépris : en médecine ancienne, en morale, en philosophie ;

– psychologie du mépris : art de l’analyser, en littérature ;

– formes du mépris : abaissement, déshonneur, disgrâce, etc.

– manifestations psychophysiques : mimique, gestes, mouvements du corps ;

– manifestations sociales, surtout en littérature postcoloniale ;

– manifestations verbales : sarcasme, affront, etc.

– représentations iconographiques, allégoriques, emblématiques, filmiques ;

– moyens d’expression : procédés descriptifs et narratifs, figures de style ;

– rhétorique du mépris : genre épidictique ;

– émotions contiguës au mépris : haine, orgueil, présomption, etc.

Nous attendons les projets de vos communications (titre et résumé d’environ 1000 signes espaces comprises, accompagnés d’une brève notice bio-bibliographique) jusqu’au 31 mars 2018 ; ils sont à envoyer à Magdalena Koźluk (magdakozluk@yahoo.fr) et Witold Konstanty Pietrzak (wkpietrzak@wp.pl). Vos projets seront examinés par le comité scientifique dont les décisions vous seront communiquées fin avril 2018.

Frais d’inscription : 450 PLN (approximativement 110 euros).

Langue des communications : français.

 

 

Secrétaire du colloque :                                                    Organisateur du colloque :

Magdalena Koźluk                                                               Witold Konstanty Pietrzak

 

 

Comité scientifique :

Martine Boyer Weinmann

Michèle Clément

Delphine Gleizes

Marylène Possamaï

Denis Reynaud

Anita Staroń

 

[1] Ch. Le Brun, Les Expressions des passions de l’âme, représentées en plusieurs testes gravées d’après les dessins de feu M. Le Brun, Paris, Jean Audran, 1727, Planche XV.