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Appels à contributions
Le Malaise existentiel dans le roman français de l'extrême contemporain

Le Malaise existentiel dans le roman français de l'extrême contemporain

Publié le par Marielle Macé (Source : Murielle Lucie Clément)

APPEL À CONTRIBUTION


Colloque 20-21 octobre 2008

Université d'Amsterdam

Communiqué:


Nous souhaitons inscrire cette rencontre sous un thème qui fournisse une ligne directrice à nos travaux. Subséquemment, nous vous invitons à nous faire part dès maintenant de vos propositions de contributions sur :


Le malaise existentiel dans le roman français

de l'extrême contemporain


Date limite d'envoi des propositions : 1 avril 2008


L'oeuvre de Gilles Lipovetsky a profondément marqué l'interprétation de la modernité. Dans L'ère du vide (1983), il posait les jalons de ce qui devait s'imposer comme le « paradigme individualiste ». Depuis, il n'a cessé d'explorer les multiples facettes de cet individu contemporain: le règne inédit de la mode, les métamorphoses de l'éthique, mais aussi la nouvelle économie des sexes, l'explosion du luxe et les mutations de la société de consommation. Dans Les Temps hypermodernes (2004), Gilles Lipovetsky revient sur son itinéraire intellectuel, mais il apporte aussi un élément supplémentaire à son interprétation de la « seconde révolution moderne »: le postmoderne a fait son temps; nous sommes passes à l'âge « hypermoderne ». Selon Lipovetsky l'important est de bien saisir que c'est la logique même de l'individualisme et de la désagrégation des structures traditionnelles de normalisation qui produit des phénomènes aussi opposés que le contrôle sur soi et l'aboulie individuelle, le surinvestissement prométhéen et le manque de volonté total. Plus de responsabilisation de soi d'un côté, plus de dérèglement de l'autre. L'essence de l'individualisme est bien le paradoxe. Face à la déstructuration des contrôles sociaux, les individus, en contexte post disciplinaire, ont le choix de s'assumer ou non, de s'autocontrôler ou de se laisser aller. Pour ce colloque, nous nous intéressons majoritairement à la deuxième catégorie : les gens qui ne participent pas mais se réfugient en retraite solitaire, privés de repères. Lipovetsky note à leur propos :


Dans ce contexte, ce qui doit nous inquiéter le plus, ce n'est ni la désensualisation ni la “dictature” du plaisir mais la fragilisation des personnalités. La culture hypermoderne se caractérise par l'affaiblissement du pouvoir régulateur des institutions collectives et l'autonomisation corrélative des acteurs vis-à-vis des impositions de groupes, que ce soient la famille, la religion, les partis politiques, les cultures de classes. Par quoi l'individu apparaît de plus en plus décloisonné et mobile, fluide et socialement indépendant. Mais cette volatilité signifie beaucoup plus déstabilisation du Moi qu'affirmation triomphante d'un sujet maître de lui-même. En témoigne la marée montante des symptômes psychosomatiques et des troubles compulsifs, des dépressions, anxiétés et tentatives de suicide pour ne rien dire du sentiment croissant d'insuffisance et de dépréciation de soi. Vulnérabilité psychologique qui tient moins, comme on le dit trop, au poids exténuant des normes de la performance, à l'intensification des pressions s'abattant sur les personnes qu'à l'éclatement des anciens systèmes de défense et d'encadrement des individus. Rappelons seulement que la flambée des anxiétés et des dépressions a précédé le triomphe de la culture entrepreneuriale et du néolibéralisme. Ce ne sont pas tant les pressions de la culture de performance qui rendent compte du phénomène que la formidable poussée de l'individualisation, le déclin de la puissance organisationnelle du collectif sur les sujets. Livré à lui seul, désencadré, l'individu se trouve dépossédé des schèmes sociaux structurants qui le dotaient de forces intérieures lui permettant de faire face aux malheurs de l'existence. À la dérégulation institutionnelle généralisée correspondent les perturbations de l'humeur, la désorganisation croissante des personnalités, la multiplication des troubles psychologiques et des discours de plainte. C'est l'individualisation extrême de nos sociétés qui, ayant affaibli les résistances du « dedans », sous-tend la spirale des troubles et des déséquilibres subjectifs. L'époque ultramoderne voit ainsi se développer la puissance technicienne sur l'espace-temps mais décliner les forces intérieures de l'individu. Moins les normes collectives nous commandent dans le détail, plus l'individu se montre tendanciellement faible et déstabilisé. Plus l'individu est socialement mobile, plus apparaissent des manifestations d'épuisement et des “pannes” subjectives ; plus on veut vivre libre et intensément, plus s'accroissent les expressions de la peine à ivre. (Gilles Lipovetsky, Les Temps hypermodernes, Livre de Poche, 2004, pp. 81-82).


On assisterait donc actuellement à une inquiétante fragilisation et déstabilisation émotionnelle des individus, livrés à eux-mêmes et, de ce fait, moins armés pour supporter les troubles de l'existence. Lorsqu'on parle de solitude, c'est plutôt d'isolement dont il s'agit. La solitude est inhérente à la condition humaine. Une part de notre être restera toujours inexprimable, incommunicable ce qu'il faut assumer. Alors que l'isolement – même si nous employons le mot solitude dans le même sens – est l'état d'une personne qui cesse d'être reliée à ses semblables, ou qui a le sentiment de ne pas l'être – ce qui revient au même. La solitude est une question difficile à cerner. Elle est diverse dans ses manifestations. Pour certains, elle se traduit par un sentiment d'ennui ; pour d'autres, par un état anxieux. En accord avec Lipovetsky, on parlera souvent de « malaise existentiel ».


De toute évidence, notre siècle a dérivé très loin de Marc-Antoine Girard de Saint-Amant (1594-1661) lorsqu'il écrivait – presque un hommage à la solitude –


Ô ! que j'aime la solitude !

Que ces lieux sacrés à la nuit,

Éloignés du monde et du bruit,

Plaisent à mon inquiétude !

Mon Dieu! Que mes yeux sont contents

De voir ces bois qui se trouvèrent

À la nativité du temps,

Et que tous les Siècles révèrent,

Être encore aussi beaux et verts,

Qu'aux premiers jours de l'Univers ! […]


Quoi qu'il en soit, pour la plupart d'entre nous, la solitude est un vrai problème. C'est pour cette raison qu'au lieu de l'accepter telle qu'elle est, beaucoup cherchent à la rompre le plus vite possible. De quelle manière le tentent les héros du roman de l'extrême contemporain est une des pistes possibles à suivre car il y a de nombreuses façons de faire face à la solitude.

Certains d'entre eux poussés par le manque d'estime de soi cherchent le remède en dehors d'eux-mêmes. Parmi eux se trouveront les intoxiqués (du tabac et de l'alcool par exemple), les pervers sexuels, les drogués du jeu, les cinéphiles assidus et autres gros consommateurs de radio et télévision, les personnes asociales qui attendent qu'on s'occupe d'elles, les personnes manquant cruellement de créativité, toutes celles qui veulent constamment se faire des amis, de façon générale toutes les personnes souffrant d'un malaise existentiel bien défini.

Pour une deuxième catégorie, la satisfaction du moment présent est l'ultime ressource. Ces individus acceptent la solitude plus qu'ils ne tentent de la rompre. Ils profitent du moment et développent leur créativité dans l'estime de soi. Par une activité bénévole, ou bien ils décident de profiter de la nature si généreuse, de faire du jardinage, de faire de la cuisine ou du bricolage, de ne rien faire quand ils en ont envie, de méditer, d'écrire un livre, une chanson, de s'occuper d'eux, de leur voiture, de leur moustache, de faire la critique d'un film ou d'un spectacle vu récemment, de découvrir les restaurants de leur ville, d'apprendre à jouer d'un instrument de musique, d'apprendre une langue étrangère. Pour ces personnes, la solitude est un précieux trésor. Souffrent-elles du malaise existentiel au même titre que les autres. Leur solitude est-elle comparable ?

Ce sont ces pistes (liste non exhaustive) que nous aimerions voir investir au cours de ce colloque.


* Les propositions de communication de 400-500 mots devront parvenir avant le 1er avril 2008 par courrier électronique en document attaché Word simultanément aux adresses e.mail de Murielle Lucie Clément et Sabine van Wesemael (un exemplaire à chaque adresse SVP).

* Les interventions se feront sur la base de 20 minutes suivies de 10 minutes réservées aux questions.

* Les participants recevront le 30 juin au plus tard notification de leur participation.


Murielle Lucie Clément : mlclement2@mac.com

Sabine van Wesemael : S.M.E.vanWesemael@uva.nl


Université d'Amsterdam (UVA)

Faculté des Sciences Humaines

Département des langues romanes

Franse Taal en Letterkunde

Spuistraat 134

1012 VT Amsterdam

Pays-Bas