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Le français et les langues africaines aux lendemains des indépendances en Afrique francophone : bilan et perspectives (Maroua, Cameroun)

Le français et les langues africaines aux lendemains des indépendances en Afrique francophone : bilan et perspectives (Maroua, Cameroun)

Publié le par Marc Escola (Source : Département de Français/FLSH/Université de Maroua)

                Journée d'études, 16 mai 2016 à l'Université de Maroua

  2010 est l’année du cinquantenaire de l’indépendance de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. À cette occasion, Makhily Gassima a rassemblé dans un ouvrage collectif[1] de 634 pages les articles de 28 auteurs différents qui s’interrogent sur le sens de cette indépendance. Comme le mentionne l’avant-propos, « 50 ans après, quelle indépendance pour l’Afrique ? ». Il s’agit de réflexions fortement personnelles, analytiques et critiques, une trentaine d’intellectuels d’Afrique et de la diaspora se prononcent « librement », chacun à sa manière, sous l’angle de son choix, sur le bilan de ces cinquante années de liberté réelle ou illusoire, de construction ou de déconstruction, voire de destruction du continent.

Cependant, le présent appel à communication s’intéresse prioritairement aux questions linguistiques depuis la période postcoloniale. En effet, la question des langues d’enseignement s’est posée dès les indépendances, et même avant dans des cercles d’intellectuels dénonçant un enseignement qui symbolisait la domination coloniale. Une courte note de J.-P. Makouta-Mboukou (1973) est consacrée à ce problème. L’auteur, africain, ayant rappelé que les préoccupations de l’administration coloniale concernant l’enseignement du français portaient sur l’efficacité des méthodes mises en œuvre. Aujourd’hui, la question se pose en ces termes : faut-il continuer à enseigner la langue française au détriment des langues nationales ? La question est abrupte, sans détour. Elle est en résonance avec le contexte politique des indépendances et appelle deux types de réponses que J.-P. Makouta-Mbouka expose très clairement. Les nationalistes africains disent un peu partout “à bas la langue française !” Car la langue française, c’est l’agent de l’impérialisme français ; c’est l’agent de l’aliénation par excellence ! Il faut lui substituer une ou plusieurs langues africaines. Des Français d’ailleurs se mettent de la partie. Ils poussent les Africains à assurer, dès maintenant, l’enseignement africain en langues africaines. Pèsent-ils les conséquences d’une telle décision ? Y a-t-il aujourd’hui une seule République francophone qui soit prête à assumer une telle responsabilité sans sacrifier des générations d’enfants ? Et d’ajouter : « Fort heureusement une telle décision n’a jamais été prise. Car les hommes politiques africains savent qu’il y a dans ces déclarations des nationalistes, ou dans ces avis des conseillers français, plus de démagogie que de réalisme ».

L’argumentation se poursuit : Comment, dans ces mosaïques de langues aussi différentes les unes des autres, est-il possible de donner l’enseignement des connaissances modernes en langues africaines ? Comment choisir cette langue ? Il est vrai qu’il y a, en Afrique noire, des groupes de pays caractérisés par une certaine unité linguistique : l’Afrique de l’Est où domine le swahili, ou les pays de l’Afrique occidentale avec les langues comme le wolof, le hausa, le peul, etc. Mais qu’est-ce à côté des pays francophones où il y a plus de deux cents langues dans un seul comme au Cameroun ? Le choix d’une langue africaine pour remplacer le français ne prépare-t-il pas, dans ces conditions, à la guerre civile ? Pour prévenir ce danger, ne vaut-il pas mieux maintenir la langue française qui a l’avantage d’être enseignée depuis des années, et de n’appartenir à aucune des tribus qui composent telle République noire ou telle autre ? Les termes du débat sont clairement posés. Ils sont toujours d’actualité dans leur dimension politique.

De nombreux États africains ont été confrontés à ce problème crucial, pour la raison principale que la langue héritée de la colonisation reste le sésame de l’accès à la réussite économique et au pouvoir. La génération qui succéda au régime colonial, le plus souvent en se glissant dans ses habits, était issue soit des écoles, soit de l’armée, les deux voies d’acquisition des habitus de la modernité.

 Depuis plus de cinquante ans, le lien entre langue et pouvoir ne s’est pas démenti ; la question de la langue d’enseignement reste ouverte et toujours brûlante. C’est un serpent de mer et la quadrature du cercle. Les expériences se sont multipliées ici et là. La question des langues d’enseignement, éminemment politique, a donné lieu à une réponse plurielle  qui se décline selon les axes ci-après :

                - français, ciment d’unité nationale en Afrique francophone ;

                -français et politiques linguistiques en Afrique ;

                - français en contact avec les langues nationales ;

                - français et langues nationales en complémentarité fonctionnelle ;

                - français et langues africaines en fonctionnements diglossiques ;

                - français langue véhiculaire et vernaculaire ;

                -francisation exclusive et phénomène d’étiolement des langues africaines ;

                -expérience didactique : français et langues nationales en cohabitation dans les systèmes              d’enseignement ;

                - français, véhicule des valeurs et des cultures africaines ;

                - études des cas des grandes langues véhiculaires (wolof au Sénégal, sangho en RCA, swahili         ou lingala en RDC, le hausa, le peul, le berbère, etc…) ;

                - analyse du discours littéraire « africanisé », « domestiqué » par les écrivains du continent ;

- français, écriture(s), culture(s) et identité(s) ;

- francais et langues africaines en rapport avec la Stylistique, Rhétorique/argumentation, la pragmatique et la sémantique ;

- français et la linguistique du discours ;

-les représentations sociolinguistiques ;

                - Etc…

 

Modalités de soumission

 Les auteurs devront soumettre aux coordinateurs, avant le 15 janvier 2016, leurs propositions d’article en 4000 signes maximum. Les réponses leur seront données au plus tard le 15 février 2016, après délibération du Comité scientifique. Les contributeurs retenus auront des détails sur la tenue de la journée d’étude et la rédaction de leur article. L’ouvrage collectif sera publié en fin 2016.

Comité scientifique :

- Pr Echu George, FALSH/Université de Yaoundé I ;

- Pr Biloa Edmond, FALSH/Université de Yaoundé I ;

- Pr Noumssi Gérard Marie, FALSH/Université de Yaoundé I ;

- Pr Pare Daouda, FALSH/Université de Ngaoundéré ;

- Pr Dili Palaï Clément, FLSH/Université de Maroua ;

- Pr Dassi Etienne, FALSH/Université de Yaoundé I ;

- Pr Bidja’a Zachée Kody, ENS/Université de Yaoundé I ;

- Pr Nzesse Ladislas, FLSH/Université de Dschang ;

- Pr Apuge Micheal, ENS/Université de Maroua ;

- Dr Zouyane Gilbert, FALSH/Université de Ngaoundéré ;

- Dr Adam Mahamat, ENS/Université de Maroua ;

- Dr Balga Jean Paul, FLSH/Université de Maroua ;

- Dr Baïmada Zigla, FLSH/Université de Maroua ;

- Dr Meutem Kamtchueng Lozzi Martial, FLSH/Université de Maroua

- Dr Ebongue Augustin Emmanuel, FALSH/Université de Buea ;

-Dr Marcelline Teyabe, FLSH/Université de Maroua ;

- Dr Venant Eloundou, FALSH/Université de Yaoundé I ;

Coordinateurs du dossier

-Jean Paul BALGA (balgajean@yahoo.fr) et David Abaïkaye (abaikayedavid@yahoo.fr) /FLSH/Université de Maroua –Cameroun

Bibliographie

Deblé, I. (1993), «Les élèves dans la ville», Afrique contemporaine, n° 168, octobre-décembre, p. 147-154.

Deblé, I. (1994), «Différenciations ou uniformisations?», Afrique contemporaine, n° 172, octobre-décembre, p. 9-30.

Dumont, R. (1962), L’Afrique noire est mal partie, Paris, Seuil.

Makouta-Mboukou, J.-P. (1973), «Enseignement du français et langues africaines», Afrique contemporaine, n° 74, juillet-août, p. 9-11.

Orivel, F. (1994), « Éléments de diagnostic», Afrique contemporaine, n° 172, octobre-décembre, p. 33-50.

Roger, C. (1973), « L’enseignement supérieur dans les états africains francophones au sud du Sahara et dans l’océan Indien», Afrique contemporaine, n° 74, juillet-août, p. 31-33.

Severino, J.-M., Ray, O. (2010), Le Temps de l’Afrique, Paris, Odile Jacob.

 

[1] Un demi-siècle d’aventure ambiguë.