CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE
En septembre 2001, les États Membres des Nations Unies et les représentants de la «société civile» se réunissaient à Durban, en Afrique du Sud, afin d'adopter une Déclaration et un Programme d'action destinés à renforcer la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance.
La Déclaration de Durban fait le constat de la vulnérabilité croissante des victimes du racisme colonial (les Africains et la diaspora africaine, les peuples de l'Asie et leurs descendants, les Peuples autochtones), des diverses minorités non territoriales (Roms, gens du voyage, etc.), des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés. Elle recommandait une approche orientée vers les victimes. Elle reconnaissait la notion de discrimination multiple. Elle dénonçait l'antisémitisme, l'islamophobie, la résurgence du nazisme, du néofascisme et des nationalismes violents. Elle pressait au règlement de la question palestinienne.
La Déclaration reconnaît à l'article 14, les effets du colonialisme sur les conditions de vie contemporaines :
Nous reconnaissons que le colonialisme a conduit au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l'intolérance qui y est associée, et que les Africains et les personnes d'ascendance africaine, de même que les personnes d'ascendance asiatique et les peuples autochtones, ont été victimes du colonialisme et continuent à en subir les conséquences. Nous sommes conscients des souffrances infligées par le colonialisme et affirmons qu'il faut les condamner, quels que soient le lieu et l'époque où elles sont advenues, et empêcher qu'elles ne se reproduisent. Nous regrettons en outre que les effets et la persistance de ces structures et pratiques aient été parmi les facteurs qui ont contribué à des inégalités sociales et économiques persistantes dans de nombreuses régions du monde aujourd'hui.
La Déclaration incite aussi la communauté internationale à considérer le devoir de vérité de chacun au sujet du racisme. Ainsi, elle en appelle à la reconnaissance de l'esclavage contemporain comme crime contre l'humanité, au devoir de mémoire envers l'esclavage transatlantique, au droit des peuples à l'autodétermination. Elle encourage les États et les organisations régionales et internationales, le secteur privé, ainsi que la société civile, à combattre le racisme. Ce combat est la responsabilité de tous, mais il constitue le devoir particulier des États démocratiques qui doivent prendre acte des situations nouvelles qui se développent en leur sein.
Des zoos et des foires humaines du 19ème siècle aux formes contemporaines du néoracisme, le colonialisme a suscité violences, guerres de conquêtes, exterminations, traite négrière, déportation, travail forcé, exploitation économique et discriminations systémiques dont les effets structurants se font ressentir encore aujourd'hui, même au sein des sociétés qui s'en croient délivrées. Les revendications issues de cette violence historique peuvent en effet prendre plusieurs formes et nos sociétés sont le témoin d'une demande croissante de justice sociale, dans le but de contrer les effets destructeurs du colonialisme. Qu'il s'agisse de la redistribution des biens et des ressources dans une perspective de réparation (la question sociale) ou qu'il s'agisse de législations ou d'institutions favorisant le respect de la différence ou la reconnaissance identitaire (la question identitaire), cette demande ne peut être ignorée.
L'injustice historique subie par certains groupes ou minorités concerne tout autant leur domination économique que leur domination culturelle. Il faut, certes, distinguer les situations à proprement parler post-coloniales, où le caractère trans-historique de la réparation et du pardon concerne des groupes distincts et des situations de guerre civile, qui ne sont pas tributaires d'une expérience coloniale et qui impliquent souvent les membres d'une même société. Cependant, dans tous les cas, les revendications touchent d'abord la réparation symbolique: reconnaissance de la violence infligée et clarification historique de la mémoire des victimes. La mise en place des formes de réparation et de pardon interpelle la société et la responsabilité de l'État. Le rôle que joue le pardon dans le processus de réparation de la mémoire est tout aussi important et demeure un élément délicat auquel on n'a pas encore donné toute sa signification.
Ces revendications se sont répercutées lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, par plusieurs groupes sur la scène internationale. Dire la «Vérité de l'Histoire», se souvenir des crimes et des injustices du passé sont indispensables à la reconnaissance de la dignité des personnes et des groupes. Une prise en compte de la diversité profonde des sociétés contemporaines, réfléchissant l'élargissement de la démocratie, suppose que soit révélée la mémoire traumatique afin de mieux comprendre le présent et préparer l'avenir. C'est en ce sens que l'appel au devoir de mémoire apparaît de plus en plus comme une forme indissociable des politiques du pardon qui s'imposent comme responsabilité politique pour les États démocratiques soucieux de justice.
Le 16 novembre 2001, un colloque intitulé «Défis et enjeux de l'Après-Durban», s'est tenu à l'UQAM. Organisé conjointement par le Centre de recherche sur l'immigration, l'ethnicité et la citoyenneté (CRIEC) et par le Centre d'études sur le droit international et la mondialisation (CEDIM) de l'UQAM, le colloque réunissait des personnes issues des gouvernements, des universités et des organisations communautaires.
Pour faire suite à la réflexion entamée en novembre 2001, les chercheurs et les chercheures du CRIEC et de l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations proposent que l'un des aspects des orientations normatives de Durban soit l'objet d'une seconde rencontre : le devoir de mémoire, la politique du pardon, l'éthique et la responsabilité de l'État.
C'est dans cette perspective que nous organisons le Colloque international «Le devoir de mémoire et les politiques du pardon», axé sur les aspects interdisciplinaires de ces enjeux. Ce colloque vise à proposer une analyse critique des enjeux, à la fois historiques, philosophiques et sociaux, reliés au devoir de mémoire et aux politiques du pardon. Les mesures particulières de réparation (recours utiles, voies du droit, réparations, mesures d'indemnisation et autres mesures à prévoir aux échelons national, régional et international) font partie de l'objet de ce colloque. Privilégiant, sans toutefois exclure l'ensemble des situations universelles qui sont tributaires de cette problématique, les situations post-coloniales qui ont affecté l'expérience dans les Amériques, et particulièrement au Canada et au Québec Peuples autochtones et Afro-descendants , le colloque s'inscrit dans le prolongement de la Déclaration de Durban et des efforts actuels pour contrer le racisme et la discrimination.
PROGRAMME DU COLLOQUE
17h00 - 18h00 Accueil et inscriptions
18h00 - 18h30 Ouverture
18h30 - 19h30 Conférence inaugurale
Avec : Ali Moussa Iye
Chef
Section Histoire et Culture
Division des politiques culturelles et du dialogue interculturel UNESCO
19h30 Réception
Jeudi 14 octobre 2004
8h30 Inscriptions
9h00 - 10h30 Devoir de mémoire et politiques du pardon : enjeux principaux
Présidence : Daniel Holly
Département de science politique, UQAM, Québec
Commentateur : Georges Leroux
Département de philosophie, UQAM, Québec
Conférenciers :
Sandrine Lefranc
Pensée politique et science sociale, Institut d'Études Politiques de Paris, France
Michel Wieviorka
Faculté de sociologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales, France
Régine Robin
Département de sociologie, UQAM, Québec
Période d'échange
10h30 - 10h45 Pause
10h45 - 12h15 Mémoire et vérité : Peuples autochtones dans les Amériques I
Présidence: Alain Beaulieu
Département d'histoire, UQAM, Québec
Commentatrice: Carole Lévesque
Réseau québécois d'échange sur les questions autochtones (DIALOG)
INRS Urbanisation, Culture et Société
Membre du CRIEC, Québec
Conférenciers :
Peter Irniq
Commissaire du Nunavut, Gouvernement du Nunavut, Canada
Gail Valaskakis
Aboriginal Healing Foundation, Canada
Roméo Saganash
Directeur des relations avec le Québec, Grand Conseil des Cris, Québec
Période d'échange
12h15 - 14h00 Repas sur place
14h00 - 15h30 Mémoire et vérité : Peuples autochtones dans les Amériques II
Présidence : Jocelyne Lamoureux
Département de sociologie, UQAM, Québec
Commentateur : Daniel Salée
Scool of Community and Public Affairs, Concordia University
Membre du CRIEC, Québec
Conférenciers :
Blanca Chancosa Sanchez
Ex. vice-présidente, Confédération des nationalités indigènes d'Équateur (CONAIE)
Leader du mouvement indigène de la Sierra
Sommet des peuples et nationalités autochtones des Amériques, Quito 2004, Équateur
Darlene Johnston
Faculty of Law, University of Toronto, Canada
Sofia Macher
Sociologue
Membre de la Commission Vérité et réconciliation, Pérou
Période d'échange
15h30 - 15h45 Pause
15h45 - 17h00
Mémoire et vérité: Afrique, esclavage et personnes d'ascendance africaine dans les Amériques
Présidence : Jacques Beauchemin
Département de sociologie, UQAM, Québec
Commentateur : Franklin Midy
Département de sociologie, UQAM, Québec
Conférenciers :
Amadou Lamine Sall
Mémorial de Gorée, Sénégal
Laënnec Hurbon
Université Quisqueya, Haïti
Centre d'Études Interdisciplinaires des Faits Religieux
École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris, France
Epsy Campbell Barr
Député, Costa Rica
Presidenta, Alianza de Líderes y Pueblos Afro descendientes de América Latina y el Caribe
Organización Negra Centroamericana, Costa Rica
Période d'échange
Vendredi 15 octobre 2004
9h30 - 11h0
Mémoire et vérité: Diasporas et minorités racisées dans les Amériques
Présidence : Lucie Lamarche
Département de sciences juridiques, UQAM, Québec
Membre du CRIEC
Commentateur : Jean-Claude Icart
Observatoire international sur le racisme et les discriminations (CRIEC), Québec
Conférenciers :
Neil Bissoondath
Faculté des lettres, Université Laval, Québec
Peter Li
Department of Sociology, University of Saskatchewan, Canada
Période d'échange
11h00 - 11h15 Pause
11h15 - 12h45 Mémoire et vérité : Acadie, Argentine, Chili
Présidence : Joseph Yvon Thériault
Département de sociologie, Université d'Ottawa, Canada
Commentatrice : Micheline Nadeau-de Sève
Département de science politique, UQAM, Québec
Membre du CRIEC
Conférenciers :
Elena de la Aldea
Psychanalyste, Argentine
Chedly Belkhodja
Département de science politique, Université de Moncton, Canada
Alfredo Joignant
Institut de asuntos publicos
Departamento de Ciencia Política, Universidad de Chile, Chili
Période d'échange
12h45 - 14h00 Repas sur place
14h00 - 15h00 Mémoire et vérité : Palestine, Algérie et exil contemporain
Présidence : Thierry Hentsch
Département de science politique, UQAM, Québec
Commentateur : Rachad Antonius
Département de sociologie, UQAM, Québec
Membre du CRIEC
Conférenciers :
Abdelmadjid MerdaciDr. en sociologie, diplôme en histoire
Enseignant-chercheur - Université Mentouri-Constantine, Algérie
Mohamed Berdouzi
Département de Droit public & Science politique
Université Mohamed V Agdal, Rabat, Maroc
Salim Tamari
Institute of Jerusalem Studies, Jerusalem
Période d'échange
15h30 - 15h45 Pause
15h45 - 17h15 Éthique et responsabilités de l'État
Présidence :
Sami Aoun
Département d'histoire et sciences politiques, Université de Sherbrooke, Québec
Commentateur :
François Rocher
Centre de recherche sur l'immigration, l'ethnicité et la citoyenneté
Department of Political Science, Carleton University, Canada
Conférenciers :
Cécile Marotte
Réseau d'intervention auprès des personnes ayant subi la violence organisée, Montréal
Rodolfo Mattarollo
Jefe del Gabinete de Asesores
Secretaria de Derechos Humanos de la Nación, Argentine
Daniel Drache
Robarts Centre for Canadien Studies, York University, Canada
Bacre Waly Ndiaye
Directeur du Bureau de New York
Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, États-Unis
Période d'échange
17h15 - 17h45 Synthèse des travaux
17h45 - 18h00 Clôture de la conférence