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Le Devoir de mémoire et les politiques du pardon

Le Devoir de mémoire et les politiques du pardon

Publié le par Stéphane Martelly

CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE

 

En septembre 2001, les États Membres des Nations Unies et les représentants de la «société civile» se réunissaient à Durban, en Afrique du Sud, afin d'adopter une Déclaration et un Programme d'action destinés à renforcer la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance.

La Déclaration de Durban fait le constat de la vulnérabilité croissante des  victimes du racisme colonial (les Africains et la diaspora africaine, les peuples de l'Asie et leurs descendants, les Peuples autochtones), des diverses minorités non territoriales (Roms, gens du voyage, etc.), des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés. Elle recommandait une approche orientée vers les victimes. Elle reconnaissait la notion de discrimination multiple. Elle dénonçait l'antisémitisme, l'islamophobie, la résurgence du nazisme, du néofascisme et des nationalismes violents. Elle pressait au règlement de la question palestinienne.

La Déclaration reconnaît à l'article 14, les effets du colonialisme sur les conditions de vie contemporaines :

Nous reconnaissons que le colonialisme a conduit au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l'intolérance qui y est associée, et que les Africains et les personnes d'ascendance africaine, de même que les personnes d'ascendance asiatique et les peuples autochtones, ont été victimes du colonialisme et continuent à en subir les conséquences.  Nous sommes conscients des souffrances infligées par le colonialisme et affirmons qu'il faut les condamner, quels que soient le lieu et l'époque où elles sont advenues, et empêcher qu'elles ne se reproduisent. Nous regrettons en outre que les effets et la persistance de ces structures et pratiques aient été parmi les facteurs qui ont contribué à des inégalités sociales et économiques persistantes dans de nombreuses régions du monde aujourd'hui.

 

La Déclaration incite aussi la communauté internationale à considérer le devoir de vérité de chacun au sujet du racisme. Ainsi, elle en appelle à la reconnaissance de l'esclavage contemporain comme crime contre l'humanité, au devoir de mémoire envers l'esclavage transatlantique, au droit des peuples à l'autodétermination. Elle encourage les États et les organisations régionales et internationales, le secteur privé, ainsi que la société civile, à combattre le racisme. Ce combat est la responsabilité de tous, mais il constitue le devoir particulier des États démocratiques qui doivent prendre acte des situations nouvelles qui se développent en leur sein.

Des zoos et des foires humaines du 19ème siècle aux formes contemporaines du néoracisme, le colonialisme a suscité violences, guerres de conquêtes, exterminations, traite négrière, déportation, travail forcé, exploitation économique et discriminations systémiques dont les effets structurants se font ressentir encore aujourd'hui, même au sein des sociétés qui s'en croient délivrées. Les revendications issues de cette violence historique peuvent en effet prendre plusieurs formes et nos sociétés sont le témoin d'une demande croissante de justice sociale, dans  le but de contrer les effets destructeurs du colonialisme. Qu'il s'agisse de la redistribution des biens et des ressources dans une perspective de réparation (la question sociale) ou qu'il s'agisse de législations ou d'institutions favorisant le respect de  la différence ou la reconnaissance identitaire (la question identitaire), cette demande ne peut être ignorée.

L'injustice historique subie par certains groupes ou minorités concerne tout autant leur domination économique que leur domination culturelle. Il faut, certes, distinguer les situations à proprement parler post-coloniales, où le caractère trans-historique de la réparation et du pardon concerne des groupes distincts et des situations de guerre civile, qui ne sont pas tributaires d'une expérience coloniale et qui impliquent souvent les membres d'une même société. Cependant, dans tous les cas, les revendications touchent d'abord la réparation symbolique: reconnaissance de la violence infligée et clarification historique de la mémoire des victimes. La mise en place des formes de réparation et de pardon interpelle la société et la responsabilité de l'État. Le rôle que joue le pardon dans le processus de réparation de la mémoire est tout aussi important et demeure un élément délicat auquel on n'a pas encore donné toute sa signification.

Ces revendications se sont répercutées lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, par plusieurs groupes sur la scène internationale. Dire la «Vérité de l'Histoire», se souvenir des crimes et des injustices du passé sont indispensables à la reconnaissance de la dignité des personnes et des groupes. Une prise en compte de la diversité profonde des sociétés contemporaines, réfléchissant l'élargissement de la démocratie, suppose que soit révélée la mémoire traumatique afin de mieux comprendre le présent et préparer l'avenir. C'est en ce sens que l'appel au devoir de mémoire apparaît de plus en plus comme une forme indissociable des politiques du pardon qui s'imposent comme responsabilité politique pour les États démocratiques soucieux de justice.

Le 16 novembre 2001, un colloque intitulé «Défis et enjeux de l'Après-Durban», s'est tenu à l'UQAM. Organisé conjointement par le Centre de recherche sur l'immigration, l'ethnicité et la citoyenneté (CRIEC) et par le Centre d'études sur le droit international et la mondialisation (CEDIM) de l'UQAM, le colloque réunissait des personnes issues des gouvernements, des universités et des organisations communautaires.

Pour faire suite à la réflexion entamée en novembre 2001, les chercheurs et les chercheures du CRIEC et de l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations proposent que l'un des aspects des orientations normatives de Durban soit l'objet d'une seconde rencontre : le devoir de mémoire, la politique du pardon, l'éthique et la responsabilité de l'État.

C'est dans cette perspective que nous organisons le Colloque international «Le devoir de mémoire et les politiques du pardon», axé sur les aspects interdisciplinaires de ces enjeux. Ce colloque vise à proposer une analyse critique des enjeux, à la fois historiques, philosophiques et sociaux, reliés au devoir de mémoire et aux politiques du pardon. Les mesures particulières de réparation (recours utiles, voies du droit, réparations, mesures d'indemnisation et autres mesures à prévoir aux échelons national, régional et international) font partie de l'objet de ce colloque. Privilégiant, sans toutefois exclure l'ensemble des situations universelles qui sont tributaires de cette problématique, les situations post-coloniales qui ont affecté l'expérience dans les Amériques, et particulièrement au Canada et au Québec Peuples autochtones et Afro-descendants , le colloque s'inscrit dans le prolongement de la Déclaration de Durban et des efforts actuels pour contrer le racisme et la discrimination.

 

PROGRAMME  DU COLLOQUE

 

17h00 - 18h00        Accueil et inscriptions

 

18h00 - 18h30        Ouverture

 

18h30 - 19h30       Conférence inaugurale

                 Avec :       Ali Moussa Iye

                                  Chef

                                  Section Histoire et Culture

                                  Division des politiques culturelles et du dialogue interculturel  UNESCO

 

19h30                       Réception

 

 

 

 

 

 

Jeudi 14 octobre 2004

 

8h30                          Inscriptions

    

9h00 - 10h30           Devoir de mémoire et politiques du pardon : enjeux principaux

Présidence :            Daniel Holly

                                   Département de science politique, UQAM, Québec

 

Commentateur :     Georges Leroux

                                   Département de philosophie, UQAM, Québec

 

Conférenciers :

Sandrine Lefranc

Pensée politique et science sociale, Institut d'Études Politiques de Paris, France

Michel Wieviorka

Faculté de sociologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales, France

                   

Régine Robin

Département de sociologie, UQAM, Québec



Période d'échange

 

 

10h30 - 10h45         Pause

 

 

10h45 - 12h15          Mémoire et vérité : Peuples autochtones dans les Amériques I

Présidence:              Alain Beaulieu

                                    Département d'histoire, UQAM, Québec

 

Commentatrice:       Carole Lévesque

                                     Réseau québécois d'échange sur les questions autochtones (DIALOG)

                                     INRS Urbanisation, Culture et Société

                                      Membre du CRIEC, Québec

 

Conférenciers :

Peter Irniq

Commissaire du Nunavut, Gouvernement du Nunavut, Canada

Gail Valaskakis

Aboriginal Healing Foundation, Canada

Roméo Saganash

Directeur des relations avec le Québec, Grand Conseil des Cris, Québec



Période d'échange

 

 

12h15 - 14h00           Repas sur place

 

14h00 - 15h30            Mémoire et vérité : Peuples autochtones dans les Amériques II

Présidence :               Jocelyne Lamoureux

                                      Département de sociologie, UQAM, Québec

 

Commentateur :    Daniel Salée

                                     Scool of Community and Public Affairs, Concordia University

                            Membre du CRIEC, Québec

 

Conférenciers :

Blanca Chancosa Sanchez

Ex. vice-présidente, Confédération des nationalités indigènes d'Équateur (CONAIE)

Leader du mouvement indigène de la Sierra

Sommet des peuples et nationalités autochtones des Amériques, Quito 2004, Équateur

Darlene Johnston

Faculty of Law, University of Toronto, Canada

Sofia Macher

Sociologue

Membre de la Commission Vérité et réconciliation, Pérou



Période d'échange

 

15h30 - 15h45            Pause

 

15h45 - 17h00 

Mémoire et vérité: Afrique, esclavage et personnes d'ascendance africaine dans les Amériques

Présidence :                Jacques Beauchemin

                                       Département de sociologie, UQAM, Québec

Commentateur :         Franklin Midy

                                       Département de sociologie, UQAM, Québec

Conférenciers :

Amadou Lamine Sall

Mémorial de Gorée, Sénégal

 

Laënnec Hurbon

Université Quisqueya, Haïti

Centre d'Études Interdisciplinaires des Faits Religieux

École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris, France

Epsy Campbell Barr

Député, Costa Rica

Presidenta, Alianza de Líderes y Pueblos Afro descendientes de América Latina y el Caribe

Organización Negra Centroamericana, Costa Rica



Période d'échange

 

 

 

 

 

 

Vendredi 15 octobre 2004

 

9h30  -  11h0

Mémoire et vérité: Diasporas et minorités racisées dans les Amériques

Présidence :               Lucie Lamarche

                                      Département de sciences juridiques, UQAM, Québec

                                      Membre du CRIEC

 

Commentateur :         Jean-Claude Icart

                                       Observatoire international sur le racisme et les discriminations (CRIEC), Québec

Conférenciers :

Neil Bissoondath

Faculté des lettres, Université Laval, Québec

Peter Li

Department of Sociology, University of Saskatchewan, Canada



                                

Période d'échange

 

 

11h00 - 11h15           Pause

 

11h15 - 12h45           Mémoire et vérité : Acadie, Argentine, Chili

Présidence :              Joseph Yvon Thériault

                                     Département de sociologie, Université d'Ottawa, Canada

Commentatrice :       Micheline Nadeau-de Sève

                                     Département de science politique, UQAM, Québec

                            Membre du CRIEC

Conférenciers :

Elena de la Aldea

Psychanalyste, Argentine

Chedly Belkhodja

Département de science politique, Université de Moncton, Canada

Alfredo Joignant

Institut de asuntos publicos

Departamento de Ciencia Política, Universidad de Chile, Chili



     

Période d'échange

 

 

12h45 - 14h00           Repas sur place

 

14h00 - 15h00           Mémoire et vérité : Palestine, Algérie et exil contemporain

Présidence :              Thierry Hentsch

                                      Département de science politique, UQAM, Québec

Commentateur :        Rachad Antonius

                                      Département de sociologie, UQAM, Québec

                             Membre du CRIEC

Conférenciers :

Abdelmadjid MerdaciDr. en sociologie, diplôme en histoire

Enseignant-chercheur - Université Mentouri-Constantine, Algérie

Mohamed Berdouzi

Département de Droit public & Science politique

Université Mohamed V Agdal, Rabat, Maroc

Salim Tamari

Institute of Jerusalem Studies, Jerusalem



 

Période d'échange

 

15h30 - 15h45         Pause

15h45 - 17h15        Éthique et responsabilités de l'État

 

Présidence :       

Sami Aoun

 

Département d'histoire et sciences politiques, Université de Sherbrooke, Québec

 

 

Commentateur :  

François Rocher

Centre de recherche sur l'immigration, l'ethnicité et la citoyenneté

Department of Political Science, Carleton University, Canada

  Conférenciers :

Cécile Marotte

Réseau d'intervention auprès des personnes ayant subi la violence organisée, Montréal

Rodolfo Mattarollo

Jefe del Gabinete de Asesores

Secretaria de Derechos Humanos de la Nación, Argentine

Daniel Drache

Robarts Centre for Canadien Studies, York University, Canada

Bacre Waly Ndiaye

Directeur du Bureau de New York

Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, États-Unis

 

Période d'échange

 

 

17h15 - 17h45             Synthèse des travaux

 

17h45 - 18h00             Clôture de la conférence