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La vivacité du théâtre tchèque pendant la période du dégel

La vivacité du théâtre tchèque pendant la période du dégel

Publié le par Marion Moreau (Source : Centre Tchèque)


La vivacité du théâtre tchèque pendant la période du dégel

Conférence de Jana Patočková, théâtrologue de l'Institut du théâtre de Prague

Co-organisée par le  Centre Tchèque et l'AFTS

Comparé à la Pologne ou la Hongrie, le « dégel » du monolithe stalinien s'est manifesté un peu plus tard dans la culture et le théâtre tchèques. Il ne vint que petit à petit, notamment suite à la crise économique du début des années 50, provoquée par les interventions brutales dans la structure de l'industrie et de l'agriculture. Comment peut-on parler de « dégel » ou de « relâchement » sur fond de fin de procès et de campagnes politiques qui continuent de donner le ton dans tous les domaines de la vie sociale ? C'est une expérience récurrente dans les régimes répressifs : à peine leur pression s'assouplit, ne serait-ce qu'un tout petit peu, qu'une énergie d'opposition plus ou moins dissimulée commence à se faire sentir. Si celle-ci est toujours réprimée, elle se relève toujours également. L'ensemble des activités publiques des années 50 et 60 se déroulèrent dans ce type de vagues de « relâchement » et de « resserrement » politique.

Il en fut de même pour la culture théâtrale tchèque, qui vit beaucoup d'énergie créatrice comprimée pendant plusieurs générations – c'est notamment vrai pour la forte génération née dans les années 20 qui détermina la nature du théâtre tchèque à partir de la seconde moitié des années 50. La « vivacité », la créativité forte et pleine d'assurance de la culture théâtrale tchèque des années 60 fut le fruit non seulement de quantité d'artistes de talent, mais aussi le fait d'une libération de toute cette énergie amassée au fil des années.

Un exemple parlant de cette lutte d'émancipation par rapport au service obligatoire au régime : la période que le metteur en scène Krejča connut au Théâtre national (1956-1961), phénomène qui mit véritablement en marche le processus de dégel pour le théâtre tchèque. Ce fut une période de succès artistiques, d'innovations de mise en scène et de scénographie, et de travail actif de choix de programmation, avec de nombreuses pièces nouvelles. Mais tout cela se fit dans un combat incessant contre les forces conservatrices (politiques et artistiques) à l'intérieur du Théâtre national et à l'extérieure, dans la presse et notamment du côté de l'administration (non seulement du côté du Ministère de la culture, mais aussi du côté du Comité central du PCT, instance première de l'Etat d'alors). Il n'était pas possible de gagner ce combat, mais il contribua beaucoup à dynamiser la sphère culturelle. Au milieu des années 60, Krejča pourra fonder son propre théâtre Derrière la porte (Za branou) qui sera un des grands phénomènes de la culture tchèque des années 60.