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La ville et son imaginaire (Boulogne-sur-Mer)

La ville et son imaginaire (Boulogne-sur-Mer)

Publié le par Marc Escola (Source : Till Kuhnle)

La ville et son imaginaire

Colloque international et pluridisciplinaire

du 16 au 18 novembre à Boulogne-sur-Mer

Selon Claude Lévi-Strauss, la ville est comparable « à une symphonie ou à un poème ; ce sont des ob­jets de même nature. Plus précieuse peut-être encore, la ville se situe au confluent de la nature et de l’artifice », autrement dit, elle est « la chose humaine par excellence » (Tristes tropiques). La ville marque un changement dans l’organisation des relations entre les hommes. D’une part, elle se situe dans la continuation des communautés primitives censées protéger leurs membres, d’autre part, de par sa complexité croissante, elle permet, à l’instar de la polis antique, le libre échange entre les individus.

C’est avec l’Apocalypse, rédigée en grec, qu’une ville apparaît comme lieu de salut. La Jérusalem céleste marque l’aboutissement de l’Histoire sainte qui a commencé avec l’histoire d’Adam et Ève chassés du Paradis. À l’issue de l’époque féodale, c’est la ville qui devient le pivot de nouvelles formes d’organisation sociale et notamment économique, même si l’individu qui suit l’appel voulant que « Stadtluft macht frei » (la vie citadine est libératrice) se heurte d’abord aux structures rigides des corporations.  Mais le bourgeois entrepreneur deviendra l’acteur d’une nouvelle économie. Marx et Engels pensent de la bourgeoisie qu’elle « a créé d’énormes cités ; elle a prodigieu-sement augmenté les chiffres de population des villes par rapport à la campagne, et, par-là, elle a arraché une partie importante de la population à l’abrutissement de la vie des champs ». Dans le même temps, la ville remplace la cour comme centre principal de la culture. C’est notamment depuis les États-villes de la Renaissance que se manifeste cette nouvelle alliance du pouvoir et de la culture appelée civilisation et placée sous le signe de l’économie de marché. Soumises au culte de la nouveauté conditionnée par l’accélération des transports, les villes modernes sont des carrefours dans le processus de mondialisation. Cependant, la concentration des forces créatrices à l’intérieur de leurs murs, le développement d’une nouvelle gouvernance, le besoin de nourrir une population croissante, mais surtout l’ambition et la rapacité transforment certaines villes en berceaux d’empires, puis d’empires coloniaux se soumettant les peuples du monde.

Richard Sennett (Flesh and Stone) compare la ville à un corps gigantesque. Or, devenues le terrain des conflits sociaux engendrés par le nouveau dieu nommé argent, nombre de métropoles, puis de mégalopoles ressemblent de plus en plus à un corps malade, voire moribond. Victor Hugo (Les Misérables) voit émerger les forces subversives des égouts. Haussmann répond à cette menace en créant de grands boulevards. La ville de la Belle époque anticipe une politique de gentrification qui caractérisera l’espace urbain du XXIe siècle. Mais cette vie foisonnante s’avère rongée par la vanité et la corruption. Chez Zola, la capitale du XIXe siècle laisse transparaître à travers le corps de Nana l’image apocalyptique de Babylone, la grande prostituée.

Les utopies des XVIIIe et XIXe siècles cherchent à restructurer la vie de l’humanité en partant de l’espace urbain. Dans le même temps, la ville est devenue un nouveau lieu d’aventure, le lieu de tous les possibles – un espace autre, une hétérotopie. L’agora, espace de rencontres, attire les artistes – qui ne se contentent pas des galeries et salles d’exposition mais englobent l’univers urbain à leurs œuvres par la production de graffitis ou la pratique du street art. La ville invite aussi à des jeux ou des sports qui lui sont propres, le skateboard ou l’escalade des immeubles.

Exposée à la fois à l’éphémère et aux saturations, la modernité intramuros est toujours menacée d’entropie. Les cités voient émerger des espaces incontrôlables dont les lois sont plus cruelles que celles de la physis. Ces espaces urbains se substituent à la jungle, mais ces enfers produits par l’Homme sont artificiels et tendent à devenir un jour aussi une menace écologique.

Malgré tout cela demeure l’image d’une ville symphonique éternisée par le grand film muet de Walter Ruttmann, Berlin, eine Symphonie der Großstadt.

Dans l’esprit de pluridisciplinarité, nous invitons littéraires, civilisationnistes, linguistes, historiens, historiens d’art, musicolo- gues, juristes, théologiens, philosophes, scientifiques… à présenter  une  proposition  (titre  provisoire,  résumé,  laboratoire de rattachement, CV succinct) d’ici le 14 mars 2017 à : till.kuhnle@unilim.fr

Organisation: HLLI (EA 4030, ULCO) et EHIC (EA 1087, Université de Limoges

Direction: Jacqueline Bel et Till Kuhnle