Questions de société
La Société des Agrégés sur la réforme des lycées, la mastérisation des concours, le statut des enseignants chercheurs

La Société des Agrégés sur la réforme des lycées, la mastérisation des concours, le statut des enseignants chercheurs

Publié le par Sophie Rabau

SOCIÉTÉ DES AGRÉGÉS DEL'UNIVERSITÉ 25, rue Descartes75005 PARIS

Téléphone01.46.33.00.79 Télécopie01.43.26.53.17

LE PRÉSIDENT

Jean-MichelLÉOST

JML/ER08-489

COMMUNIQUÉDE PRESSE DU 1er DÉCEMBRE 2008

Réuniondu Comité du 30 novembre 2008

M. Jean-Michel LÉOST, Président dela Société des agrégés, a fait à la Presse la déclaration suivante :

Le Comiténational de la Société des agrégés de l'Université s'est réuni le dimanche 30novembre 2008 au lycée Henri IV.

Ses travaux ontporté sur les dossiers d'actualité, notamment la réforme du lycée, lerecrutement des futurs professeurs, la révision du statut desenseignants-chercheurs et l'affectation des agrégés.

Le Comité aadopté des voeux mis en annexe de ce communiqué. Il demande instamment auMinistre de l'Éducation nationale de ne pas cautionner la destruction du lycéerépublicain et, en conséquence, de suspendre la réforme du lycée. Il demandeégalement que la réforme du recrutement des professeurs soit suspendue, quesoit menée une réflexion sérieuse sur la « mastérisation », ainsi quesur ses conséquences, et que soit rétablie la fonction première des concours derecrutement, qui est de sélectionner les plus compétents dans la discipline.

Ces voeux sontadressés aujourd'hui aux autorités politiques (Président de la République,Premier Ministre, Ministre de l'Éducation nationale, Ministre de l'Enseignementsupérieur et de la Recherche) et aux représentants de la Nation (présidents desgroupes parlementaires et des Commissions des Affaires culturelles del'Assemblée nationale et du Sénat).

ANNEXE :

VOeUX DU COMITÉ NATIONAL

DE LA SOCIÉTÉ DES AGRÉGÉS DE L'UNIVERSITÉ

- 30 NOVEMBRE 2008 -

LA RÉFORME DU LYCÉE

Le Comité de laSociété des agrégés de l'Université, réuni le dimanche 30 novembre 2008,condamne la réforme du lycée et les mesures annoncées pour la classe de secondedans le discours prononcé par le Ministre devant la Presse, le 21 octobre,ainsi que dans l'information publiée le 22 octobre sur le site du Ministère. Ilestime, en effet, que cette réforme ne traduit pas la volonté d'augmenter leniveau des connaissances des élèves, ni d'accroître leur capacité de réflexion,mais qu'elle répond en partie aux exigences budgétaires de la RGPP (Révisiongénérale des politiques publiques). Il est, d'autre part, paradoxal, aprèsavoir recentré les programmes de l'école primaire sur les fondamentaux,d'engager une réforme du lycée, sans avoir d'abord réfléchi aux défaillances ducollège ni chercher à y remédier efficacement.

Le Comité estimeque l'organisation de la nouvelle seconde aurait de nombreux effets négatifs.Elle susciterait la concurrence entre les disciplines, avec un risque dedémagogie ; elle transformerait l'élève en usager consommateur ; ellecréerait, dans certains établissements, des parcours d'initiés ou soumisaux effets de la mode. En réduisant les horaires disciplinaires, elle donneraità l'élève un enseignement minimal et strictement utilitaire et l'empêcheraitd'avoir accès à tout le savoir dont il est capable, permettant aux plusfavorisés de trouver ailleurs, par d'autres moyens, la culture que le lycée neleur apporte pas. C'est la porte ouverte aux entreprises privées d'enseignementou de cours particuliers bénéficiant d'un financement public.

De plus, lanouvelle structure du lycée, l'organisation modulaire des enseignementscomplémentaires en seconde, qui sera sans doute généralisée à tous lesenseignements dans le cycle terminal, ainsi que la semestrialisation, rendrontplus difficile l'organisation des emplois du temps pour les élèves et auront,pour les professeurs, des répercussions évidentes sur leur mission et sur lesconditions de leur service ; enfin, elles mettront à terme en cause lebaccalauréat national.

Le Comité estime enfin, à en juger par lesréactions suscitées par les orientations de la réforme, que cette dernièreconforte les conceptions pédagogistes de l'enseignement.

D'une façongénérale, le Comité juge que la réforme du lycée accentuera les inégalitésentre les établissements et entre les élèves.

Le Comité neréclame pas le statu quo pour lelycée mais il estime que ce ne sont ni les prétendues « attentes » dela société qui doivent en fixer les modifications ni des considérationsbudgétaires. S'il est du devoir de l'État de veiller au bon usage de l'argentpublic, c'est aussi son devoir absolu d'organiser, sur tout le territoirenational, un enseignement qui favorise l'accès de chacun à tout le savoir dontil est capable.

Selon le Comité,cette réforme va à l'encontre d'une conception républicaine de l'enseignementqui doit se donner pour objectif prioritaire de préparer les élèves à être descitoyens libres et éclairés, en leur permettant de se forger un esprit critiquefondé sur une culture générale solide et en leur donnant les connaissances etles méthodes qui leur permettront de choisir une profession. Il demande instamment au Ministre de l'Éducationnationale de ne pas cautionner la destruction du lycée républicain et, enconséquence, de suspendre cette réforme.

LE RECRUTEMENT DES FUTURSPROFESSEURS

Ence qui concerne les masters

Le Comité de laSociété des agrégés de l'Université estime que l'introduction des masters dansle recrutement des professeurs ne répond pas à des objectifs scientifiques. Lesmasters d'enseignement, quelle qu'en soit la part disciplinaire, ne sauraientprésenter les mêmes garanties que des masters disciplinaires, orientés vers larecherche. De plus, les premiers seront différents d'une académie à l'autre,voire d'une université à l'autre. En outre, « le niveau d'exigencedisciplinaire » pour le CAPES est « celui de la licence », cequi constitue une baisse de niveau considérable par rapport au recrutementactuel.

Enfin, cetteréforme créerait une catégorie abondante de titulaires d'un masterd'enseignement, non reçus aux concours, dans laquelle les Recteurs ou les chefsd'établissement pourraient puiser pour recruter des contractuels, catégorie quideviendrait d'autant plus nombreuse que le nombre de postes offerts auxconcours diminue. Ce phénomène pourrait conduire à la régionalisation desconcours eux-mêmes et, à terme, à la disparition des concours de recrutement.Il réduirait l'exercice de l'enseignement à un métier occasionnel et précaire,et permettrait à l'État de se soustraire à son devoir constitutionneld'organiser l'enseignement sur tout le territoire national.

Ence qui concerne l'agrégation

Le Comité seréjouit que « les épreuves et programmes des concours de l'agrégation[soient] maintenus en l'état » et que l'agrégation « recrute desprofesseurs qui sont appelés à enseigner en priorité dans les classes d'examendu lycée, les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), les sections detechniciens supérieurs (STS) et le premier cycle de l'université ».

Il s'interrogecependant sur le sens de l'expression enpriorité, qui ne deviendrait effective qu'à partir du moment où les agrégésaccéderaient réellement par priorité à ces postes.

Considérant,d'autre part, qu'il n'est pas possible de préparer simultanément etefficacement l'agrégation et un master 2 disciplinaire et de recherche pouvantconduire à des études doctorales, le Comité demande à nouveau que le mastersoit requis pour s'inscrire à l'agrégation et qu'en conséquence les candidatsbénéficient d'une année complète de préparation au concours.

Le Comité dénoncevivement l'infléchissement d'une des épreuves orales de l'agrégation« dans le sens d'une épreuve orale prenant la forme d'un exercicepédagogique proposée pour les nouveaux concours de recrutement deprofesseurs », ainsi que l'ajout d'une « épreuve d'entretien avec lejury » censée « vérifier les connaissances du candidat relatives auxvaleurs et aux exigences du service public, au système éducatif et à sesinstitutions et de manière plus générale à son aptitude à exercer le métier deprofesseur ». Il estime que les épreuves scientifiques des concours,notamment la « leçon d'agrégation », permettent déjà aux jurys de vérifierles capacités pédagogiques des candidats et que la connaissance du systèmeéducatif ou des valeurs du service public, si elle est nécessaire à l'exercicede la profession, ne saurait constituer un critère de sélection au même titreque les connaissances disciplinaires. De plus, ces nouvelles épreuves sontincompatibles avec une évaluation objective et favorisent le formatageidéologique et l'arbitraire.

Ence qui concerne le CAPES

Le Comitécondamne vivement les modifications apportées aux épreuves des concours, quiles dénaturent totalement.

En effet, lavolonté d'uniformiser le nombre des épreuves pour tous les CAPES, en dépit deleurs spécificités, la réduction du nombre d'épreuves dans plusieurs concourset, parmi ces épreuves, la réduction des épreuves purement disciplinaires, lalimitation de la durée de préparation à quelques mois conduirontinéluctablement à une diminution des exigences scientifiques et faciliteront lamise en place de la bivalence. En outre, la volonté d'« assurer laprépondérance des coefficients des épreuves d'admission dont la finalité seradorénavant de permettre de choisir les candidats les plus aptes à la fonctiond'enseignant […] sur des critères d'ordre pédagogique et didactique ainsi quede connaissance du futur milieu d'exercice » diminue la valeur desconnaissances disciplinaires qui sont pourtant le fondement essentiel de lacompétence professionnelle. Le Comité demande que l'évaluation des compétencesscientifiques ait une part primordiale dans les épreuves du concours, à l'écritcomme à l'oral, et que le master exigé pour la titularisation, s'il doitsubsister, soit disciplinaire.

Quant à laformation pratique, elle doit se situer après le concours, sous la forme d'unservice en responsabilité réduit, supervisé par des professeurs chevronnés.

Conclusion

Le Comité estime que les ministères concernés, en mettanten oeuvre cette réforme, confondent abusivement un examen, licence ou master,avec un concours. Il demande que la réforme du recrutement des professeurs soitsuspendue, que soit menée une réflexion sérieuse sur la« mastérisation », ainsi que sur ses conséquences, et que soitrétablie la fonction première des concours de recrutement, qui est desélectionner les plus compétents dans ladiscipline. À cette fin, il demande le retour, pour le CAPES, à desépreuves strictement disciplinaires, le maintien, pour l'agrégation, desépreuves orales actuelles et la suppression, pour tous les concours, del'épreuve d'entretien avec le jury.

LA RÉVISION DU STATUT DESENSEIGNANTS-CHERCHEURS

Le Comité de laSociété des agrégés de l'Université, réuni le dimanche 30 novembre 2008, aexaminé le projet de décret « modifiant le décret n° 84-431 du 6 juin 1984fixant les dispositions statutaires communes applicables auxenseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeursdes universités et du corps des maîtres de conférences et portant diversesdispositions relatives aux enseignants-chercheurs », projet intégrant desmesures prévues dans le Chantier« carrières », présenté par le Ministre de l'Enseignementsupérieur et de la Recherche.

Le Comitéapprouve certaines mesures comme l'équivalence entre les travaux pratiques etles travaux dirigés ou comme l'accélération des carrières et l'augmentation despromotions (hors-classe des maîtres deconférences, première classe des professeurs des universités, classeexceptionnelle).

Il dénonce enrevanche vivement la modulation des services, les modalités d'évaluation desuniversitaires et les pouvoirs excessifs attribués aux Présidents desuniversités.

Ence qui concerne la modulation des services

Le Comitérappelle qu'il est favorable aux allégements de service attribués pourfaciliter la recherche, mais il condamne les modalités d'attribution desservices et de leur répartition entre enseignement et recherche. C'est en effetle Président de l'Université qui arrête les décisions individuelles de service,après consultation du directeur de la composante ou de l'unité de rechercheconcerné. Ce service pourra comporter un nombre d'heures d'enseignementinférieur ou supérieur au nombre d'heures de référence en fonction de laqualité de recherche et de leur évaluation par le CNU. Le Comité estime que cesdispositions accroissent les risques d'arbitraire, d'autant plus que, selon leprojet de décret, le potentiel global d'enseignement ne pourra être dégradé, cequi signifie que si certains font moins d'enseignement, d'autres serontnécessairement contraints à en faire davantage au détriment de la recherche.

Selon le Comité,la possibilité d'un recours local, introduite par un amendement au projet, encas de conflit entre l'université et un enseignant-chercheur, n'apporte pas unegarantie suffisante contre l'arbitraire.

Ence qui concerne l'évaluation des enseignants-chercheurs

Le Comité estimeque, si le projet de décret introduit la règle d'une évaluation, tous lesquatre ans, de tous les enseignants-chercheurs, les modalités de cetteévaluation sont inacceptables : un « rapport d'activité » serasans doute transmis au CNU, qui examinera les dossiers individuels, mais le CNUse bornera à classer les candidats et c'est le Conseil d'administration, enformation restreinte, qui fera les propositions d'avancement, ses propositionsdevant être entérinées par le président de l'Université. La distinction entreles promotions locales et les promotions nationales disparaît au profit depromotions exclusivement locales, le classement par le CNU reste consultatif etles pouvoirs locaux du conseil d'administration et du président sont renforcés.

Le Comité estimeque ce projet de décret renforce le pouvoir des présidents sans apporter auxuniversitaires les garanties nécessaires, qu'il développera les effetsnuisibles du localisme et du clientélisme et qu'il portera atteinte àl'enseignement et à la recherche.

En cequi concerne le rôle du CNU

Le Comité estimeque le travail du CNU sera considérablement alourdi, mais que les décisionsessentielles lui échapperont au profit des instances locales. Il jugeparticulièrement discriminatoire que, dans le recrutement desenseignants-chercheurs, le simple fait de venir d'un État étranger donne ledroit d'être dispensé de la règle normale d'habilitation par le CNU, ce quipeut soustraire le recrutement à toute garantie scientifique.

Le Comitéconstate que ce projet de décret se situe dans le prolongement de la loirelative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), dont la Sociétédes agrégés avait dénoncé les dangers. Il mandate le Bureau pour rappeler auMinistre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche qu'en dégradant lestatut des enseignants chercheurs, il met en danger l'université, ainsi quepour obtenir, puisque le projet de décret a été adopté par le Conseil supérieurde la fonction publique, des garantiesdans les arrêtés d'application.

L'AFFECTATIONDES AGRÉGÉS EN LYCÉE

Le Comité de la Société des Agrégés de l'Université, réunile 30 novembre 2008, se félicite que le ministère de l'Éducation Nationale aitpris conscience de la nécessité d'affecter impérativement les agrégés en CPGEou dans les lycées, comme cela peut apparaître à la lecture du paragrapheIII.1.1.5, p. 37, de la note de service sur le mouvement 2009 adressée auxRecteurs (BO spécial n°7 du 6 novembre 2008) : « Les professeursagrégés assurent prioritairement leur service dans les classes préparatoiresaux grandes écoles et dans les classes de lycées. Vous veillerez à ne procéderà de nouvelles affectations d'agrégés en collège qu'à titre très exceptionnel.Vous définirez donc des bonifications significatives pour affecter lesprofesseurs agrégés en lycées dans le cadre du mouvementintra-académique ».

Le Ministère del'Éducation nationale reconnaît ainsi la place spécifique des agrégés dansl'enseignement secondaire et supérieur, légitimée par le très haut niveaud'exigence disciplinaire de leur concours de recrutement.

Le Comité estimeque la consigne d'affectation donnée aux recteurs par cette note de service nesouffre aucune ambiguïté et qu'il ne devrait pas y avoir d'agrégé affecté encollège contre son gré au titre du mouvement 2009.

Il invite les recteurs à traduire cette nouvelle dispositiondans leur note de service sur le mouvement intra-académique en fixant la« bonification agrégé » à 401 points tout en autorisant pour lesseuls agrégés la prise en compte des différents éléments constitutifs du barème(paragraphe I.2.1 de la circulaire ministérielle) sur tous leurs types de voeux,y compris ceux portant exclusivement sur des lycées généraux et technologiques.Cette disposition extrêmement aisée à mettre en place est la seule quirésoudrait de façon définitive le problème de l'affectation des agrégés tout entenant compte des situations individuelles (bonifications TZR ou APV, etc.) etfamiliales (conjoint, enfants).