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La rhétorique dans les mondes grecs, syriaques et arabes

La rhétorique dans les mondes grecs, syriaques et arabes

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Frédérique Woerther)

RHÉTORIQUE LITTÉRAIRE ET RHÉTORIQUE PHILOSOPHIQUE DANS LES MONDES GREC, SYRIAQUE ET ARABE
IFPO-Beyrouth / Orient-Institut in Beirut / Université
Saint-Joseph, 3-4 juillet 2006
Colloque organisé par Frédérique Woerther, IFPO (Damas)

En distinguant la rhétorique de la philosophie (Gorgias), puis en décrivant l'usage proprement philosophique, c'est-à-dire politique, que l'on peut faire de la rhétorique (dans le Phèdre, le Politique, les Lois), Platon scella définitivement l'opposition entre la rhétorique « philosophique », réduite au rang de vassale de la philosophie, et la rhétorique « littéraire », représentée – dans la majorité des cas – par des ouvrages à l'orientation plus pratique, aux visées plus didactiques, qui se contentent de décrire des usages et fournir des préceptes sur l'art de bien parler. La tradition arabe connaît elle aussi cette dichotomie : à côté de la rhétorique de tradition philosophique, constituée par la série des commentaires (Farabi, Avicenne, Averroès…) sur la Rhétorique d'Aristote – traité inclus, en Orient, dans l'Organon –, on trouve en effet la balagha.
Mais cette division entre rhétorique philosophique et rhétorique littéraire est-elle aussi imperméable ?
Rassemblant des spécialistes de la rhétorique grecque classique et post-classique, des branches syriaques et arabe de la transmission de la Rhétorique d'Aristote, mais aussi de la balāġa, nous voudrions questionner ici les rapports qu'ont pu entretenir, en Grèce et dans la tradition arabe, la rhétorique philosophique et la rhétorique littéraire. Les deux rhétoriques ont-elles simplement coexisté, situation se traduisant par une répartition claire et distincte des tâches dévolues à chacune d'elles ? Ont-elles évolué séparément ? Se sont-elles confrontées l'une à l'autre dans les deux aires culturelles ? Et sous quelle(s) forme(s) ? Se sont-elles mutuellement influencées, enrichies ? Se sont-elles adaptées parallèlement à des contextes sociaux, politiques identiques ? Cette problématique pourra aussi être abordée dans une perspective comparatiste : la distinction, pour les Grecs et pour les Arabes, entre les deux rhétoriques est-elle semblable ?


PROGRAMME

LUNDI 3 JUILLET 2006
9:30-10:00
Allocution de F. Sanagustin, Directeur scientifique de l'IFPO

MATINÉE
Université Saint-Joseph
Président de séance : M. Aouad, CNRS (UPR 76)

- 1. La rhétorique grecque : traditions platonicienne et aristotélicienne -
10:00-10:30 Harvey Yunis, Rice University : « Argument, Dialectic, and the Art of Rhetoric in Plato's Phaedrus »

Plato is the prime example in the ancient Greek world of both philosophical and literary rhetoric. After presenting a brief overview of the philosophical purposes and rhetorical methods of his literary dialogues, I will focus
on the Phaedrus, the dialogue in which Plato outlines what a true art of rhetoric would consist in. In particular I will focus on dialectic, which Plato includes as an essential component of rhetorical art (259e-267e). Most
students of Plato have argued that because of the close association of dialectic and philosophy in Plato, by including dialectic Plato intends to turn rhetoric into philosophy. I will argue, rather, that in the Phaedrus
Plato is genuinely concerned with making rhetoric into an art. He wants to understand both how arguments should be produced (heuresis) and how they should be arranged (diathesis, later known as taxis) (236a, 264bc). In the discursive, second half of the dialogue Socrates claims that rhetorical persuasion depends, in part, on demonstration. He then argues that demonstration – that is, demonstration in rhetorical, not philosophical argument – comes about artistically by means of dialectic. (Plato has Socrates allude to the fact that demonstration in philosophical argument depends on dialectic too, but that fact is not pertinent to the argument on rhetorical demonstration.) Socrates presents dialectic as the means of discovering material for rhetorical definition and demonstration. I will conclude with a look at dialectic and argument as the common ground between rhetoric and philosophy in Aristotle and later ancient Greek theorists.

10:30-10:45 Discussion

10:45-11:00 Pause

11:00-11:30 Pierre Chiron, Université de Paris 12-Val de Marne : « La Rhétorique d'Aristote et la littérature »

L'application du concept de « littérarité » aux productions antiques n'a rien d'évident. S'il y a une continuité nette, quoique problématique elle aussi, entre la Poétique et la théorie littéraire moderne (qui se pare volontiers,
d'ailleurs, du nom de Poétique), le problème est plus complexe encore avec la Rhétorique. Ce que l'on peut dire sans risque, c'est que l'ouvrage comporte des jugements critiques, des prescriptions et des doctrines, notamment stylistiques, qui anticipent sur une approche littéraire de la production des textes. Notre objectif sera d'examiner quelques pans importants de ce matériau (asteia, période…) afin de discriminer ce qui en eux est entièrement et fonctionnellement soumis au travail de persuasion des indices d'une véritable « littérarité » (conscience du signifiant, gratuité de l'esthétique, originalité irréductible des productions de référence…).
11:30-11:45 Discussion

11:45-12:15 Frédérique Woerther, IFPO Damas : « La rhétorique, entre dialectique et politique : Aristote,Hermagoras et Farabi »

Aristote définit la rhétorique comme le « pendant » de la dialectique, dont elle partage à la fois le statut de méthode et la caractéristique de n'avoir aucun objet défini. Mais la rhétorique est également présentée comme une branche de la politique, non seulement parce que l'orateur requiert des connaissances dans le domaine des caractères, des vertus et des passions – connaissances nécessaires à la fabrication des deux moyens de persuasion techniques que sont l'èthos et le pathos – mais aussi parce que le discours oratoire dont Aristote analyse les conditions de production dans la Rhétorique est celui que l'orateur adresse à ses auditeurs dans le cadre de la cité Athénienne, selon les trois genres de discours (épidictique, judiciaire, délibératif).
Il s'agira ici d'analyser la façon dont cette matrice définitionnelle a été interprétée dans la tradition occidentale avec Hermagoras (2e s. av. J.-C.) et dans le monde oriental avec Farabi (9e-10e s. ap. J.-C.). On tâchera notamment d'éclairer, à partir du contexte philosophique, historique, culturel et scolaire propre à chacun des deux héritiers d'Aristote, le sens qu'il faut prêter à cette valeur « politique » de la rhétorique dont ils se font l'un et l'autre l'écho ainsi que la signification du caractère logique de la rhétorique que seul Farabi mentionne dans ses commentaires à la Rhétorique d'Aristote.

12:15-12:30 Discussion

APRÈS-MIDI

Université Saint-Joseph
Président de séance : P. Chiron, Université de Paris 12

- 2. La rhétorique syriaque -

14:00-14:30 John Watt, Cardiff University : « Philosophical and Literary Rhetoric in Syriac »

The importance of the Syrians in the transmission of Greek philosophy to the Near East and the Arabic world has long been recognised, but it has generally been assumed that the Syrians had little taste for the literary culture of antiquity. Syriac engagement with philosophical rhetoric can therefore be expected on account of their interest in the Aristotelian corpus, but not many scholars have looked to Syriac literature when tracing the history of literary rhetoric. In fact, however, both spheres are represented within the writings of the Syrians. A Syriac translation of Aristotle's Rhetoric (and also of the Poetics) existed from  early ‘Abbasid times; the version itself is lost, but it was the basis of an extensive Syriac commentary by Bar Hebraeus (ob. 1286 AD), who also greatly admired the Aristotelian commentaries of Ibn Sīna. On the literary side it has become clear that some Syriac writers stood closer to the literary culture of the Greeks than has been assumed heretofore. There is extant a large Syriac treatise on rhetoric by Antony of Tagrit (an author of uncertain date, but certainly from the ‘Abbasid period). This treatise was well known to Bar Hebraeus, who indicated that it should be read before the Aristotelian Organon in the Syriac seminaries. Bar Hebraeus therefore appears to treat it as a sort of literary-grammatical propaedeia to the philosophical paedeia (which of course included Aristotle's Rhetoric). To some extent this accords with the content of Antony's treatise, but the treatise also exhibits elements of philosophical rhetoric, while Bar Hebraeus's commentary in turn exhibits aspects of the literary. This paper will discuss some of these interactions in the works of these two authors.

14:30-14:45 Discussion

- 3. La rhétorique arabe de tradition philosophique :

3.1. Farabi et Averroès –

14:45-15:15 M. Aouad, CNRS (UPR 76): « La rhétorique d'origine aristotélicienne et l'art de l'éloquence (‘ilm al-balagha) : le cas de Farabi »

Dans ses traités de rhétorique de tradition aristotélicienne, Farabi évoque plus ou moins explicitement des thèmes abordés par le ‘ilm al-balagha (science de l'éloquence de tradition essentiellement arabe). L'identification exacte de ces passages n'est pas toujours aisée d'autant plus qu'on les rencontre surtout dans les Didascalia in Rhetoricam Aristotelis ex glosa Alpharabii, introduction, conservée en latin mais perdue en arabe, du Grand Commentaire de Farabi à la Rhétorique d'Aristote.
J'essaierai d'établir un inventaire de ces occurrences et de cerner, à partir de celui-ci, la position du Second Maître à l'égard du ‘ilm al-balagha.

15:15-15:30 Discussion

15:30-15:45 Pause

15:45-16:15 Ch. E. Butterworth, Maryland University : « Le rôle de la rhétorique dans le Sommaire de la Logique d'Aristote écrit par Averroès »

Dans le Sommaire (ou Courts Commentaires) de la Logique d'Aristote, Averroès présente un résumé assez curieux de l'art de la rhétorique. M. Aouad a intelligemment montré qu'Averroès ne présentait un sommaire que du premier livre de la Rhétorique. Dans cette présentation, nous tâcherons de montrer quel était le but de cette limitation et pour quelles raisons scientifiques et politiques Averroès aurait décidé de ne pas étendre son commentaire aux autres livres de la Rhétorique.

16:15-16:30 Discussion

16:30 Fin de la première journée

MARDI 4 JUILLET 2006

MATINÉE

Université Saint-Joseph
Président de séance : W. Heinrichs, Harvard University

- 3. La rhétorique arabe de tradition philosophique :

3.2. La métaphore -
9:30-10:00 Ziyad Saleh al-Zu'bi, Yarmouk University, Jordanie : « Aristotelian metaphora and its transformations in Averroes Rhetoric commentary »

Three core terms frequent in the Arabic commentaries to the Aristotelian Rhetoric, they are muhakat (Mimesis), tahyyil (Image Evocation) and tagyyir (Metaphora). The first and second terms attracted the concern western
and Arab scholars, The term tagyir, as far as its Arabic conception is concerned, received no serious studies in order to reveal the Aristotelian origins of the term formations, and to display its transformations at the time
of its beginning penetrated through translation and philosophical explanations, and then used, in the Arabic culture.

This paper, therefore, aims at dealing with this term tagyir (Metaphora) as it appears in the commentary of Ibn Rushd to the Aristotelian Rhetoric. The paper attempts to set aside the transmutations that took place concerning the conception of this term, or the term itself, and the way Ibn Rushd connected between the term and rhetorical forms in the Arabic literature.
The job, that Ibn Rushd tackled, represents a model of the changes that hit terms and conceptions as they move from one culture to another.

10:00-10:15 Discussion

10:15-10:45 Yusouf Abou al-Udous, Yarmouk University, Jordanie : « The philosophical approach to Metaphor »

This paper deals with the metaphor from the philosophicalpoint of view. Many philosophers presented a broad concept about dealing with metaphor, and they regarded it as a mean to represent or express the hidden hings. From those philosophers are: Aristotle, Quintilian, Cicero, Bede, St. Thomas Aquinas, Thomas Hobbes, John Locke, Hegel, Kant, Nietzsche, Paul Henle, Searl, Aldrich, Hester...
So, what it must be mentioned here is that some Muslim philosophers talked about the metaphor and discussed its role and concept. So based upon that we can realize that from those prominent philosophers were Farabi, Ibn Sina and Ibn Rushd.
Philosophers discussed many issues related to metaphor, from these are:

- the use of metaphor, so some of them recognized or considered it as an ornemental type of language, and can be summarized or concised by using some expressions without loosing its similarity or indication - the function of language, whether it was perceptual or affectional
- the difference between the poetical and scientific language
- the value and importance of metaphor
- the difference between ordinary speech and metaphor.

10:45-11:00 Discussion

11:00-11:15 Pause

- 4. L'éloquence arabe (‘ilm al-balagha) :

4.1. Al-Jahiz –

11:15-11:45 J. Dichy, ICAR (CNRS)-Université de Lyon 2 : « Du paradoxe de ‘la main de Dieu' à la notion jahizienne de bayân : les sources interprétatives de la rhétorique arabe médiévale »

Cette communication reprend en l'enrichissant une réflexion, qui remonte aux années 1970, sur ce qui fonde la rhétorique arabe. J'ai à plusieurs reprises, dès cette
époque, mais plus récemment dans mes enseignements à l'université Lyon 2, exposé oralement le résultat d'une recherche sur les textes les plus anciens de la rhétorique arabe (notamment l'oeuvre d'Al-Jahiz et le commentaire coranique d'al-Farra'). Ces textes suggéraient une conjecture, selon laquelle l'interprétation des versets « anthropomorphiques » du Coran, et d'une manière générale, les problèmes de relation entre sens propre (ou littéral) et sens figuré (ou interprétatif) seraient situés aux fondements du rhétorique dans la culture arabe médiévale.
(Les débuts de l'exégèse hébraïque en langue arabe, et notamment au IIe/VIIIe s./IIe/IXe, les discussions autour des Qaraïtes littéralistes, et l'oeuvre de Sa‘diyya Ga‘ôn al-Fayyûmî, viennent par ailleurs renforcer cette
conjecture.)
Les versets « anthropomorphiques » du Coran posent un problème de double sens : le « trône » ou « la main de Dieu » doivent-ils être pris au sens propre ou au sens figuré ?
Ou encore, dans l'un et/ou l'autre, selon le point de vue ? Ce double sens constitue un paradoxe : à première vue, rien ne semble autoriser une limitation des attributs que Dieu se donnerait lui-même. Mais si l'on prend avec le langage la distance que la relation des mu‘tazilites au texte sacré autorise, le paradoxe se trouve levé au moyen d'un déplacement du problème vers la manière dont les humains conçoivent et formulent les choses divines (Dieu en son Unicité, tawḥid, se trouvant dès lors situé au-delà de toute atteinte). Plus tard – notamment à partir du IVe/Xe siècle – apparaîtra l'idée d'une double institution (wad‘) de la langue, « propre » (fil-haqiq) ou « figurée »(fil-majaz).
Les mu‘tazilites, dont Henri Corbin disait qu'ils avaient eu le mérite de poser la plupart des grandes questions théologico-philosophiques qui agiteront les sciences islamiques médiévales, refusaient toute interprétation littérale de ces versets. Ce refus, sous-tendu par tout un appareil doctrinal, entraînait la nécessité de prendre en compte une interprétation figurée. (Ibn Qutayba, peu soupçonnable de sympathies mu‘tazilites, adoptera la même attitude, qu'il fondera pour sa part sur l'évidence.)
La perspective mu‘tazilite, clairement perceptible dans l'oeuvre de Jahiz (notamment dans le célèbre al-Bayan wa-t-tabyin, mais également en plusieurs passages du Hayawan), inscrit les grands concepts du rhétorique dans la notion plus large de bayan (qui inclut l'interprétation du « langage du monde », nisba). Je montrerai que cette notion fonde véritablement ce qu'on pourrait appeler une « rhétorique de l'interprétation » (l'expression est dans al-Tawhidi, Imta‘), dont le cheminement surgit très fortement de la résolution mu‘tazilite du paradoxe de « la main de Dieu ». Les développements qu'entraîne chez Jahiz cette perspective interprétative seront ici soulignés, d'une manière qui viendra à la fois renforcer la conjecture ci-dessus, et montrer comment s'opère le passage du rhétorique à la rhétorique en tant que branche des sciences médiévales arabes du langage.

11:45-12:00 Discussion

12:00-12:30 Lale Behzadi, Göttingen Universität / Orient

Institut Beirut : « Al-Jahiz and the Epistemological Dimension of his Theory of Language »

Amr b. Bahr Al-Jahiz (160/776-255/868) is one of the earliest Arab scholars (if not the first) who dealt with several aspects of the communication process beyond the rating of poetry. To analyse interaction – be it between human beings or between God and man – Al-Jahiz in the first place was interested in the modes of understanding: the actions and points at which transmitter and receiver try to meet each other, the exchange of signs and signals, the possibility and consequence of decoding. Now, Al-Jahiz of course deals with linguistic phenomena, not only as one topic among others, but as a central pillar of his science. In his final work Kitab al-bayan wal-tabyin, and also in several essays and in the Kitab al-hayawan, he focuses on the heart of human life: how do human beings come in contact with each other? And how do they make use of the greatest gift given them by their creator – the faculty of speech, or the communication through several kinds of signs?
Al-Jahiz goes far beyond traditional balaga; he not only wants to set up the criteria for beautiful and faultless speech, but goes into the rules of communication. For him, theories about linguistic phenomena are not reduced to poets and rhetoricians, but throw light upon every human expression.

12:30-12:45 Discussion

APRÈS-MIDI

Orient-Institut in Beirut

Président de séance : M. Kropp, Orient-Institut, Beirut
- 4. L'éloquence arabe (‘ilm al-balagha) :

4.2. Questions générales –

14:15-14:45
W. Heinrichs, Harvard University : « Indigenous Rhetorical Nomenclature in Arabic »

Classical Arabic rhetoric, « 'ilm al-balagha » (« the science of eloquence »), has a more or less standardized, homogenized, terminology to identify and classify
rhetorical figures. But it draws on different traditions.  First, we have to distinguish between the literary, creative, and the exegetical, interpretive, tradition (the philosophical-logical tradition did not play a role). But within the literary tradition, there is one set of terms that refers specifically to ornate prose and which has not yet received the attention it deserves. There are attestations of this rhetorical nomenclature, narrowly defined, in the following three works: Qudama b. Ja'far (d. 948), Jawahir al-alfāz (« The Gems of Words »), al-Khuwarizmi (d. 997), Mafatih al-‘ulum (« The Keys to the Sciences »), and al-Yazdadi (exact date not known, 11th century), Kamal-al-balagha (« The Perfection of Eloquence »). The paper will attempt to describe the relationship of these three texts to each other as well as to the literary-theoretical tradition in general. The coinage of
a specifically rhetorical terminology may be explained by the well-developed « ornatus » of early declamatory literature, i.e, the « khutba ». Some examples will be analyzed.

14:45-15:00 Discussion

15:00-15:30 Djamel Kouloughli, CNRS : « Quelques observations sur le ‘vrai et le faux' en rhétorique arabe (balagha) »

L'opposition conceptuelle du « vrai » et du « faux » joue un rôle important dans l'organisation conceptuelle de la rhétorique arabe puisqu'elle sous-tend la structuration typologique binaire des énoncés en constatifs (khabar) et performatifs (‘insha'). Cette opposition apparaît tôt dans les sciences arabes du langage : on la trouve déjà en filigrane dans le Kitāb de Sibawayhi et dans le Adab al-katib d'Ibn Qutayba). Il n'y a guère de doute qu'elle est d'origine grecque, et même spécifiquement aristotélicienne, les premières traductions de la Poétique du Premier Maître à partir de sources syriaques ayant précédé de peu ses premières utilisations par les linguistes arabes.
Mais il paraît important d'observer que l'importation de cette opposition conceptuelle a fait subir aux termes originels grecs qui l'exprimaient une inflexion très singulière. Ainsi, pour rendre la notion de « vrai », ce
n'est pas le terme haqq, dont le Coran fait usage pour rendre la « vérité » (par exemple Coran 2 :176), qui est utilisé, non plus que son cognat « haqiqa », plus familiers aux philosophes arabes, mais le terme « sidq » qui signifie proprement « sincérité » et renvoie donc aux intentions du locuteur plutôt qu'au rapport dudit au réel. De même, c'est le terme « kathib », littéralement « mensonge », dont on voit qu'il appartient au même registre que sidq, qui est utilisé pour rendre la notion de « faux ».
Cela dit, dans le courant conceptuel dominant en rhétorique arabe, les définitions du « vrai » et du « faux » reprennent assez platement l'idée de la correspondance ou non du dit avec la réalité « al-mutabaqa li-l-waqi ». Mais d'autres définitions plus subtiles ont été proposées, notamment par les penseurs mu'tazilites, définitions qui parfois font éclater l'opposition binaire « vrai/faux » en un système plus complexe…
C'est à quelques aspects de cette discussion que nous voudrions consacrer cette communication.

15:30-15:45 Discussion

15:45-16:00 Pause

16:00-16:30 Pierre Larcher, Université de Provence-IREMAM (UMR 6568, CNRS) : « Mais qu'est-ce donc que la balagha ? »

La traduction usuelle de balagha par « rhétorique » peut être la meilleure ou la pire des choses. La pire, si l'on projette sur la balagha ce qu'est étymologiquement la rhétorique et fut pendant des siècles – un art oratoire –
ou ce qu'elle est finalement devenue – la rhétorique restreinte aux figures. La meilleure, si c'est l'occasion d'une comparaison et d'une confrontation. Au demeurant, une telle comparaison est nécessaire dans l'espace musulman classique, où coexistent deux discours « rhétoriques » : l'un, la khataba, est « l'une des sciences logiques », l'autre, la balagha, est « une des sciences de la langue arabe » (en adoptant la terminologie de Ibn Khaldûn). La Logique (mantiq) étant une partie de la falsafa, le premier se désigne donc comme une rhétorique « philosophique ».
Est-ce à dire que l'autre, la balagha, se désigne comme une rhétorique « littéraire » ? L'objet de la présente communication est de montrer qu'au fil du temps la balagha sera de mieux en mieux intégrée au corps des disciplines théologico-juridiques en islam, se comportant, par rapport à elles, comme un véritable ars ancillaris. Nous soulignerons en particulier son rôle dans deux domaines : celui, bien connu, en théologie, où elle alimente le dogme du i‘jâz al-Qur'an ; celui, moins connu, en droit, où elle constitue l'armature de l'herméneutique juridique.

16:30 Fin de la seconde journée. Conclusions par M. Aouad (CNRS, UPR 76).