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Appels à contributions
La réticence

La réticence

Publié le par Alexandre Gefen (Source : C. Rannoux)

Dans le prolongement de ses travaux sur la résistance des textes (le détail, le détour, l'énigme), le FORELL (EA 1226, MSHS/Poitiers) organise un colloque sur "La réticence" les 20-21-22 mars 2003, à l'île de Ré :


Le passé rhétorique de la réticence, dont les dictionnaires gardent la trace, manifeste l'ambivalence et le caractère accueillant de la notion : "cette figure consiste à passer sous silence, des choses que l'on fait effectivement connaître davantage en les taisant que si on les disait ouvertement" (Bretteville, L'Eloquence de la chaire et du barreau, 1689), "figure de rhétorique, par laquelle on fait une mention légère d'une chose, et on la fait entendre, en disant qu'on veut l'omettre, et qu'on n'en veut point parler" (Furetière, 1690), "La Réticence consiste à s'interrompre et à s'arrêter tout à coup dans le cours d'une phrase, pour faire entendre par le peu qu'on a dit, et avec le secours des circonstances, ce qu'on affecte de supprimer, et même souvent beaucoup au-delà" (Fontanier, Les Figures du discours, 1821). Les frontières de la réticence s'avèrent ainsi perméables à des notions voisines : son territoire s'ouvre à des figures comme la prétérition, l'aposiopèse (voire l'euphémisme ? la litote ? l'ellipse ? l'allusion ? l'ironie ?), autant de proximités qui portent en elles la menace de confusion et de dispersion, mais qui témoignent aussi de la résistance de la notion à la délimitation. Dans les traités de rhétorique, l'énumération de catégories possibles reposant essentiellement sur la recherche de motivations psychologiques ("réticence pathétique", "réticence morale", "suggestions polissonnes", etc. chez H. Morier) est révélatrice d'une difficulté à ancrer la réticence dans les formes langagières avant tout glissement interprétatif.


Or, constitutive du rapport du sujet au langage, au monde, à l'autre, la réticence est un MODE DU DIRE : elle dit qu'elle ne veut pas, ou qu'elle ne peut pas, ou qu'elle ne doit pas dire. Mais elle dit toujours.


Elle oscille entre deux pôles pareillement illusoires : l'horizon du "tout dire" et d'un discours sans accroc (où l'on croise le "mot juste" de la pensée classique, les maximes conversationnelles de la pragmatique ?) et l'horizon du silence absolu (celui auquel tend par exemple "l'écriture blanche" selon R. Barthes, ou un "vouloir se taire" de Mallarmé jusqu'à une certaine poésie contemporaine). Entre les deux émerge la parole réticente relevant du "semi-dire" (J. Authier-Revuz), du dire à côté, à peu près, à demi Ses configurations langagières peuvent se cristalliser en des points privilégiés du discours (rhétorique, énonciatif, syntaxique) ou entrer dans des dispositifs plus étendus, d'ordre macrotextuel.

Les communications s'attacheront aux différents modes d'inscription de la réticence, qu'ils passent par des figures de rhétorique (aposiopèse, prétérition, litotes), des configurations syntaxiques et énonciatives (la modalisation autonymique, la ponctuation, l'approximation), et des modes interprétatifs (ironie, allusion, dialogisme). La réticence pourra aussi être étudiée dans sa résistance aux codes, aux normes, y compris dans le domaine de l'image (cinéma, BD, peinture).

Les propositions de communication (une vingtaine de lignes) devront parvenir avant le 10 octobre 2002 aux organisateurs du colloque :
Liliane.Louvel@mshs.univ-poitiers.fr
Stephane.Bikialo@mshs.univ-poitiers.fr
Catherine.Rannoux@mshs.univ-poitiers.fr