Actualité
Appels à contributions
La représentation du philosophe dans la fiction des Lumières

La représentation du philosophe dans la fiction des Lumières

Publié le par Marielle Macé (Source : Anne Brousteau)

CELUS (Université Marc-Bloch, Strasbourg) – Programme de recherche 2004–2006 : La représentation du philosophe dans la fiction des Lumières(responsable : Pierre Hartmann). Appel à contributions.


À la fameuse question « Qu'est-ce que les Lumières ? » posée par Kant à la fin du siècle qui porte désormais leur nom, on a généralement tenté de répondre sur le versant conceptuel, par le biais de l'investigation philosophique. Le programme de recherche lancé en 2001 par le Centre d'étude des Lumières de l'université de Strasbourg se propose de déporter l'enquête du côté de l'imaginaire, en analysant l'évolution et les métamorphoses de la figure du philosophe dans les textes littéraires de l'époque des Lumières.


À la suite du saint, du chevalier ou du héros, le philosophe est une des figures majeures de notre panthéon culturel. Il est à ce titre l'objet de représentations littéraires multiples et contradictoires. Dès la fin du XVIIe siècle, l'antique figure du philosophe s'enrichit de déterminations nouvelles, qui ont partie liée avec l'émergence de nouveaux savoirs et de pratiques littéraires inédites, concourant ainsi à la redéfinition de ces savoirs comme à celle du très ancien partage entre littérature et philosophie. On remarquera, à ce titre, que l'Encyclopédie distingue deux entrées, « Philosophe » et « Philosophie ».


Cette figure émergente, qui trouvera à se déployer selon une cohérence idéologique explicite dans le texte matriciel de Dumarsais (1743), ne se donne-t-elle pas, par exemple, à saisir dès les Entretiens de Fontenelle et les Caractères de La Bruyère, où le mot « philosophe » se charge de significations nouvelles ? De la fin des temps baroques à l'avènement du romantisme, qui tend à privilégier celle du poète ou de l'artiste, elle a en tous cas trouvé l'occasion de se décliner dans un espace idéologique habité de tensions qui ont contribué à façonner le visage de la modernité. C'est pourquoi il a paru judicieux, plutôt que de traquer les philosophèmes – même si ces derniers pourront être interrogés dans leur traitement spécifique par la fiction – de débusquer les idéologies ou de reconstruire les systèmes de pensée à l'oeuvre dans le texte littéraire en y appréhendant le philosophe comme un personnage en action, saisi dans des logiques narratives auxquelles s'articulent diversement ses représentations.


Les premiers résultats de notre enquête sont maintenant disponibles dans un volume d'actes paru en 2003 aux Presses Universitaires de Strasbourg, sous le titre Le Philosophe sur les planches. L'image du philosophe dans le théâtre des Lumières : 1680-1815. On se propose à présent de poursuivre l'investigation dans le vaste corpus de la fiction narrative, en entendant par là l'ensemble constitué par les romans, nouvelles, contes, dialogues, etc. À côté de quelques grands auteurs ou d'ouvrages majeurs également incontournables, on privilégiera les synthèses prenant en écharpe des genres ou sous-genres littéraires, des périodisations significatives ou des évolutions parlantes. Les aspects génériques et formels de la question pourront ainsi croiser des approches de la caractérisation (femme-philosophe, philosophe mélancolique, anti-philosophe, etc.) et des modes de scénarisation, éventuellement archétypiques, de la figure (le philosophe en prison, la mort du philosophe, le philosophe amoureux, etc.).


Comment le philosophe s'inscrit-il dans la trame du récit, les modes de son discours ? En quoi le traitement de cette figure peut-il apparaître comme tributaire de l'expérimentation romanesque elle-même ? Le Cleveland de Prévost pourrait ici faire office de cas d'espèce : l'inventivité du roman – dont la plasticité générique autorise précisément une sorte d' « épreuve de l'aventure » qui vient contrarier la fermeté philosophique constitutive du discours par lequel se caractérise le héros – n'y est-elle pas, en effet, le moteur d'une destabilisation idéologique de la figure ? Quand, comment, pourquoi celle-ci peut-elle devenir une cible ? On pourrait ainsi se demander si la fiction narrative contribue à la constitution d'un type autour d'une axiologie clairement identifiable (valeurs de la sociabilité, de la bienfaisance, de l'examen rationnel, du courage, etc.) ou, de manière plus retorse, à son brouillage ironique. Cette question recouperait en partie celle des bornes chronologiques de l'enquête : que devient, par exemple, le « philosophe des Lumières » au tournant de la Révolution et dans les premières années du XIXe siècle ? Peut-on repérer des éléments révélateurs d'un épuisement de la figure ? Car si le philosophe sadien préserve hautement – mais non sans opérer des renversements – les attributs d'un magistère, que penser de son traitement distancié, voire burlesque, chez un Louvet ? Le philosophe est-il soluble dans certains topoï ?


La période envisagée est celle des Lumières au sens large (1680-1815), le Directoire, le Consulat et l'Empire étant ici considérés comme des moments de bilans et de réévaluations idéologiques.


La recherche donnera lieu soit à un colloque, soit à une série de journées d'étude. Les actes seront publiés aux Presses Universitaires de Strasbourg, dans la collection des « Travaux du CELUS ». Les propositions seront examinées dans la perspective d'une étude d'ensemble, sous réserve qu'elles correspondent aux problématiques demandées. Elles sont à adresser à l'adresse suivante : Université Marc-Bloch, UFR Lettres, Portique, CELUS (bureau 507), 14 rue René-Descartes, 67084 Strasbourg Cedex, ou par mail : celus@umb.u-strasbg.fr jusqu'au 20 décembre 2004. Contacts : hartmann@umb.u-strasbg.fr ou lotterie@umb.u-strasbg.fr.