Actualité
Appels à contributions
La représentation de l’indicible dans le monde francophone

La représentation de l’indicible dans le monde francophone

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Nevine El Nossery)

 

La représentation de l’indicible dans le monde francophone

Face à la violence qui, de par sa nature inouïe, semble dépasser le réel et remettre en question la capacité de l’art à rendre compte de l’événement (terme emprunté à Maurice Blanchot, L’Écriture du désastre), toute représentation ne peut être possible que par l’imagination. Les traumatismes survécus, tels que le génocide, la torture, le viol, ou la mutilation, provoquent des lésions psychologiques que l’on ne saurait exprimer sans le recours à l’art. Lorsque certaines expériences ont été très pénibles, l’amnésie ou le mutisme, qui peut durer des années, devient une alternative de survie. Comment, alors, représenter une mémoire de l’épouvante qui a pu se déformer pendant les années de silence ? Dans cette veine, certaines oeuvres s’imposent comme des représentations qui oscillent entre la sphère éthique et esthétique. Le recours à la fictionnalisation de la réalité – aussi bien dans des oeuvres fictives que dans des « témoignages » – fonctionnerait comme un détour possible, comme le note Leïla Sebbar, « … me placer au coeur, au centre, dans la fiction fictionnelle, c’est me placer dans un lieu unitaire, rassembleur des divisions […] pour moi, la fiction c’est la suture qui masque la blessure, l’écart entre les deux rives » (Lettres parisiennes 147). Constituant un refuge contre le réel ou un refus du réel, l’imaginaire s’avère le seul moyen pour appréhender l’inimaginable, représenter l’irreprésentable et surtout pour en rendre compte pour ceux qui ne savent pas, n’écoutent pas ou refusent de le croire, ainsi que pour ceux qui sont contraints au silence.

      En revanche, si l’imagination reste notre seule issue, comment alors représenter la violence sans tomber dans l’euphémisme, l’affabulation, le sensationnel ou le pathos ? Et comment dire la violence hors des idéologies ainsi que des systèmes de représentation qui soutiennent les discours dominants ? Si, comme le précise Robert Antelme « seul l’artifice littéraire peut avoir raison de la nécessaire incrédulité, cela ne porte-t-il pas injure au témoignage en introduisant avec la fiction, attrait et séduction, là où devrait parler la seule ‘vérité’ ? » (cité dans Sarah Kofman, Paroles suffoquées 43).

      Des questions de véracité et de fictionnalité seront ainsi soulevées à travers ce collectif, ébranlant les frontières qui séparent les genres, afin de démontrer que si toute représentation de la violence peut être considérée d’une part comme fictive, elle peut d’autre part s’avérer paradoxalement une version authentique et fiable de ce qui s’est réellement passé. Ce collectif a pour objectif d’explorer la représentation du trauma dans l’art (littérature et art visuel) pour voir comment le médium atteint le public et quelles sont les techniques que l’artiste utilise pour convier ce trauma. A travers le collectif, nous espérons mieux comprendre les rapports entre le factuel et le fictionnel, entre témoigner et raconter, dans une conjoncture où de telles frontières semblent floues.

Voici quelques pistes à explorer, bien que d’autres pourraient s’ajouter pour enrichir la réflexion :

- Jusqu’à quel degré l’art est-il capable de transcender son esthétique, à travers un mode d’expression symbolique qui irait droit à la réalité ? En d’autres termes, comment la volonté de dire la vérité peut-elle s’allier à l’envie de faire de l’art? Comment s’effectue le glissement entre esthétique et témoignage, sans que la question éthique l’emporte sur l’intention esthétique ?

- Comment distinguer entre référents factuel et fictionnel? Y a-t-il un intérêt, voire une urgence à faire cette distinction ?

- Dans quelle mesure une représentation visuelle diffère-t-elle d’une oeuvre écrite dans la représentation du trauma ?

- Quel est le rôle de la mémoire dans l’expression de la violence?

- Comment exprime-t-on le silence, le non-dit et le blanc qui dissimule l’expérience traumatique?

- Le genre (gender) peut-il avoir un impact dans cette représentation? 

- A quel degré la connivence du lecteur/spectateur est-elle sollicitée ? La réception est-elle distincte d’une expression artistique à une autre ? 

Veuillez envoyer un résumé en français ou en anglais de 300 mots avec vos coordonnées et affiliation institutionnelle ainsi qu’une notice bio-bibliographique d’environ 100 mots, avant le 31 juillet 2012 à :

Névine El Nossery elnossery@wisc.edu et Amy Hubbell a.hubbell@uq.edu.au

La version finale de l’article est à soumettre au plus tard le 10 décembre 2012.

                        Le collectif sera publié par Cambridge Scholars Publishing


Representations of the Unspeakable in the Francophone World

When faced with an inconceivable violence that seems to exceed the real and challenge the ability of art to recount the événement “event” (to borrow Maurice Blanchot’s term in L’Ecriture du désastre), sometimes the only possible representation occurs through imagination. Traumas such as genocide, torture, rape or mutilation often provoke psychological lesions that the survivor cannot articulate without turning towards art. For certain experiences that left such indelible marks, the only recourse can be amnesia and silence. How, then, can the memory of terror be represented after years of silence that have potentially deformed it? In this context, some works can be considered as representations that pivot between the ethical and the aesthetic. Fictionalizing reality - in both fiction and “testimonials” - is one possibility, as Leïla Sebbar remarked, “… me placer au coeur, au centre, dans la fiction fictionnelle, c’est me placer dans un lieu unitaire, rassembleur des divisions […] pour moi, la fiction c’est la suture qui masque la blessure, l’écart entre les deux rives” (Lettres parisiennes 147). A refuge from or rejection of reality, the imaginary proves to be the only means of grasping the unimaginable, representing the unrepresentable, and above all, of bearing witness for those who do not know, who do not listen, or refuse to believe, as well as for those who have been silenced.  

However, if imagination is the only way out, how then can violence be represented without falling prey to euphemism, fabulation, the sensational or the pathetic? And how can violence be spoken of outside of ideologies or systems of representation that support dominant discourses? If, as Robert Antelme explains, “seul l’artifice littéraire peut avoir raison de la nécessaire incrédulité, cela ne porte-t-il pas injure au témoignage en introduisant avec la fiction, attrait et séduction, là où devrait parler la seule ‘vérité’?” (cited in Sarah Kofman, Paroles suffoquées 43).

Questions of truth and fictionality will be raised throughout this volume, dismantling the boundaries between genres, in order to demonstrate that if the representation of violence can be considered as fiction, it can paradoxically be an authentic and faithful version of what really happened. This volume seeks to explore the representation of trauma in literary and visual art in order to evaluate how the medium reaches the public and which techniques the artist uses to convey this trauma. In the process, we hope to better understand the relationship between factual and fictional, between testifying and narrating, in a context where such boundaries seem blurred.

The following are possible questions to be explored; others that may enrich the study are equally welcome:

- To what extent can art transcend aesthetics through a symbolic mode of expression that leads straight to reality? In other words, how can the desire to speak the truth embrace the desire to make art? How does the shift between aesthetics and testimony operate without allowing ethics to override the aesthetic intent?

- How can we distinguish between factual and fictional referents? Is there an advantage, or any compelling reason, to make this distinction?

- To what extent does visual representation of trauma differ from a written one?

- What is the role of memory in expressing violence?

- How are the unspoken, the silence and the blanks that conceal traumatic experience articulated?

- Does gender have an impact on this representation?

- To what extent is the reader’s/viewer’s complicity requested? Does reception differ from one artistic form to another?

Please send a 300-word abstract along with your professional affiliation, contact information, and a 100-word bio-bibliography, before July 31, 2012 to:

Névine El Nossery elnossery@wisc.edu and Amy Hubbell a.hubbell@uq.edu.au

         The final version of the article should be submitted by December 10, 2012 at the latest.

                        Cambridge Scholars Publishing will publish the collection of essays