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Appels à contributions
La relation épistolaire

La relation épistolaire

Publié le par Marc Escola (Source : EA 3069-CELEC Université J. Monnet Saint-Etienne)

Appel à contribution / Call for Papers

 

Colloque international du CELEC/EA 3069 de Saint-Etienne (France)

(dans le cadre du contrat scientifique 2016-2021 sur “La Relation”)

 

17-18 novembre 2016

 

La relation épistolaire

 

Dès l’Antiquité, les plus anciens ouvrages épistolaires s’imposent en genre propre, sous la forme de recueils de lettres réelles ou fictives à des destinataires réels ou fictifs, sans que le lecteur puisse du reste situer clairement la frontière entre réalité et fiction (voir le De rerum natura de Lucrèce ou les Lettres à Lucillius de Sénèque le Jeune). Au fil des siècles, le genre se développe dans la plupart des « littératures » européennes, latu senso. Citons ce que les Espagnols considèrent comme leur premier roman épistolaire, Processos de cartas de amores que entre dos amantes pasaron (1548, puis 1563) de Juan de Segura, ou les missives introductives des nouvelles de Bandello, pour le XVIe siècle italien. Mais c’est au XVIIe siècle que le genre épistolaire gagne en engouement (et le Don Quichotte cervantin n’est y pas pour rien, de même qu’on goût marqué pour la mise en abyme qui trouve, dans l’expression liltéraire, une des traduction de l’enchâssement architectural baroque) pour atteindre l’apogée de son succès au siècle suivant. On sait, par exemple, que les Lettres persanes de Montesquieu doivent beaucoup à ce qui peut être tenu pour le premier roman épistolaire moderne, le Corriero svaligiato de Ferrante Pallavicino. Et à Scarron (avec son Epître chagrine), aux grands textes que sont l’Astrée d’Honoré d’Urfé (1607-27), Artamène ou le Grand Cyrus de Mme de Scudéry (1649-53) ou la redevenue célèvre Princesse de Cléves de Mme de La Fayette (1678),  Les Lettres portugaises (1669), A post with a Packet of Mad letters (1669) de Nicolas Breton ou à la correspondance de la marquise de Sévigné à sa fille, à ceux-ci et à tant d’autres, donc, succèderont quelques décennies plus tard, parmi de nombreux ouvrages, la Nouvelle Héloïse (1761) de Rousseau, Clarissa, or, the History of a Young Lady (1748) de Samuel Richardson, Les souffrances du jeune Werther de Goethe (1774, puis 1787), les correspondances des grands philosophes des Lumières (Voltaire et Diderot en tête). Le XIXe siècle, moins prolifique il est vrai, verra tout de même se prolonger la saison du genre avec, par exemple, le premier roman de Dostoïevski, Les pauvres gens (1844), ou le seul roman épistolaire de Balzac, ces Mémoires de deux jeunes mariées (1841) que Jean Rousset cite comme modèle technique du genre, avec la Nouvelle Héloïse et les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, dans son essai Forme et signification (José Corti, 1966, chap. IV. On peut aussi, bien sûr, penser à la place si particulière de La Lettre volée dans le roman éponyme d’Edgar Allan Poe (1844) et, pour faire le grand saut jusqu’à nous, à cet avatar très contemporain du genre que sont les English Passengers de Matthew Kneale (2000). Le succès et la variété des formes assumées par la « lettre » — isolée, incluse dans un récit, associée à d’autres selon des modalités de classement diverses, à vocation moralisante ou simple truchement littéraire dans une intrigue amoureuse, mais aussi la lettre « informative » (d’ambassade, de compte rendu de guerre, etc.) —, nous invite à explorer la grande multiplicité des relations qu’elles établissent : entre leur auteur (réel ou présumé) et leur destinataire, entre elles et leur contexte quand elles sont enchâssées, entre leur auteur et le lecteur-voyeur qu’elles nous font devenir, et ainsi de suite.

La question de la relation épistolaire pourra être abordée dans la perspective de la civilisation lorsqu’il s’agit de la communication entre personnages historiques (relation intersubjective : qui écrit ? à qui ? dans quel contexte et dans quel but ? quels enseignements peut-on tirer de l’analyse des lettres ? etc. ) ou de la littérature quand on étudie des personnages de fiction (l’écriture épistolaire et ses caractéristiques, la lettre comme genre ou la lettre intégrée à un texte d’un autre genre – roman ou théâtre – et ses relations avec le contexte, etc.). L’accent pourra être mis les lettres d’artistes comme les Lettres d’Italie (Briefe aus Italien) du peintre Julius Schnorr von Carolsfeld ainsi que sur les correspondances entre personnalités ou artistes : Francisco de Quevedo et Juste Lipse, Stefan Zweig et Freud, Stefan Zweig et Romain Rolland. L’étude pourra aussi être consacrée aux relations et aux correspondances « historiques » : par exemple à l’écriture de la dépêche diplomatique, des relations d’ambassadeurs (les nombreuses Relazioni degli ambasciatori veneti al senato…), qui « mêlent le compte-rendu informatif et le récit de ce compte rendu, c’est-à-dire sa mise en forme, sa dispositio » et avec quelle « narrativité spécifique » (pour citer Michel de Certeau, L’écriture de l’histoire, Gallimard, 1975).

 

Les propositions de contribution (15 à 20 lignes) doivent être envoyées à

anne.martineau@univ-st-etienne.fr

et agnes.morini@univ-st-etienne.fr

le 26 février 2016 au plus tard.

Les projets seront examinés par notre comité de lecture avant fin mars et les réponses retournées aussitôt.