Questions de société

"La réforme de Bologne a 10 ans. Exemple parfait d'une stratégie imposée d'en haut", par A. Burger, chercheur en éducation, Zurich (Horizons et débats, 06/12/09)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

Voir aussi: Education is not for sale: un mouvement international


La« réforme de Bologne » inspirée des Etats-Unis a 10 ans - par AlfredBurger, chercheur en éducation, Zurich - Horizons et débats, 6 décembre2009

 Exemple parfait d'une stratégie imposée d'en haut

http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=1896

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article3226

Des dizaines de milliers d'étudiants ont manifesté la dernièresemaine d'octobre à Vienne et dans d'autres villes contre la réforme deBologne. L'objet de ces manifestations était notamment l'introductionde frais d'inscription et d'un numerus clausus ainsi que la suppressionde postes d'enseignants. Les manifestants demandaient le retrait desfilières bachelor (licence) et master (maîtrise) et la réintroductionde cursus à caractère plus scientifique. Ailleurs en Europe également,l'insatisfaction augmente : les professeurs d'université se plaignentd'un énorme surcroît de travail, d'un manque de temps à consacrer auxétudiants et d'un excès de bureaucratie.

Les promesses et la réalité

La Déclaration de Bologne du 19 mai 1999 était assortie de grandespromesses. On prétendait qu'elle permettrait une plus grandeperméabilité des universités et des cursus, une plus grande mobilitédes étudiants et qu'elle favoriserait les échanges scientifiques entreles universités européennes. Pour augmenter la compétitivité desétablissements et les chances des diplômés sur le marché de l'emploi,on imposa à toutes les universités un système de diplômes unique àtrois niveaux (LMD : licence, maîtrise, doctorat) et de crédits (ECTS :European Credit Transfer System/Système européen de transfert etd'accumulation de crédits) transférables d'une université à l'autre quidevaient apporter la transparence, l'efficacité, la mobilité, laflexibilité et la compétitivité.

Cette réforme a complètement bouleversé les divers systèmeseuropéens qui avaient évolué au cours des siècles et les a alignés surle système américain, entreprise qui aurait dû rencontrer de nombreuxobstacles en raison de l'histoire des structures universitaires enEurope. Mais ce ne fut pas le cas. Le système de Bologne a été mis enapplication au cours des dix dernières années sans débat démocratique,sans légitimité juridique et contre l'avis de la plupart desprofesseurs. Les promesses n'ont guère été tenues, elles se sontrévélées être, comme c'est toujours le cas, des paroles en l'airdestinées à dissimuler une stratégie prévue de longue date. Il en estrésulté un désert universitaire standardisé et imposé d'en haut typiquede l'économie dirigée.

Comment cela a-t-il été possible ?

Stratégies classiques

Dès le début des années 1950, on a cherché à aligner les universitésallemandes sur les américaines mais des mouvements de gauche ont réussià empêcher cela dans les années qui ont suivi. 30 ans après, face àl'apparente réussite de l'économie américaine, l'opinion européenneétait très bien disposée. [1]A l'époque, peu de personnes savaient que ces « succès » reposaient surune montagne de dettes et ne représentaient pas une véritable réussiteéconomique. Aussi nombreux furent ceux qui jugèrent le moment venu delancer une réforme : représentants néolibéraux de l'OMC et de la Banquemondiale, multinationales, administrateurs d'universités qui louchaientdepuis longtemps vers le modèle américain (notamment Helga Novotny,ancien professeur d'économie à l'EPFZ et vice-présidente du Conseileuropéen de la recherche). Le capitalisme européen fondé sur lesthéories de Milton Friedmann conquérait le monde entier avec desslogans tels que globalisation, dérégulation, privatisations,efficacité accrue, etc. et abandonnait de plus en plus les structuresde l'économie sociale de marché en Allemagne et dans d'autres Etatseuropéens. Quasiment tous les partis européens, et notamment la gauche,montèrent avec enthousiasme dans le train de la globalisation.

[1]cf. Wuggening, Ulf, in : Schultheis, Franz et al. (Hrsg.), HumboldtsAlbtraum. Der Bologna-Prozess und seine Folgen, Konstanz, 2008, pp. 123sqq.

Lire la SUITE.