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La position néoréaliste

La position néoréaliste

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Sylvie Dubois et Romain Lefèbvre)

Journée d'étude, 12 mars 2015, Université Lille 3

Dans l’histoire des arts, le cinéma a souvent été perçu comme le moyen d’expression qui approchait de la reproduction du réel la plus fidèle qui soit. L’image cinématographique a de ce fait entraîné un trouble dans notre rapport à ce réel. Il est ainsi possible de considérer que le cinéma opère, vis-à-vis du réel, un double mouvement d’authentification - l’image comme empreinte et preuve- et de mise à distance et en doute – l’image comme une réalité propre qui concurrence le réel dans l’esprit du spectateur.

À l’heure où les théories réalistes du cinéma ont été profondément questionnées, il semble pertinent de revenir sur un mouvement cinématographique sur lequel ont pu s’appuyer des penseurs comme Bazin ou Kracauer. Chacun fait, à sa manière, du néoréalisme un courant qui rapprocherait le cinéma de sa spécificité, renonçant aux artifices et à la création imaginaire, pour faire advenir le réel à l’écran. Bazin semble parfois penser que l’accroissement du réel sur l’écran s’accompagne d’une disparition du cinéma comme art. Nous voudrions pour notre part mettre l’accent sur la distance nécessairement maintenue, et décelable, entre l’image et le réel, et non pas sur l’assimilation de l’une à l’autre. Admettre que le sentiment d’un « plus de réel » peut signifier « davantage de cinéma », c’est permettre de considérer les théories réalistes comme l’indice d’un trouble et se donner les moyens de les retourner, au profit d’une productivité de l’image (en termes de réalité et d’effets subjectifs).

Si le néoréalisme, en rejetant les figures spectaculaires, semble se soumettre davantage au réel, il ouvre aussi au cinéma un champ auparavant relativement préservé, celui de l’action et de la durée quotidiennes, faisant aussi progresser le cinéma au sein du réel. Il convient, sans lui accorder d’emblée le pouvoir de montrer « les faits », de problématiser le rapport du néoréalisme au réel, et de mener une interrogation nécessaire sur la médiation des images et sur les effets que pouvait avoir ce nouveau spectacle, « spectacle du quotidien » (Zavattini), chez le spectateur de cinéma.

Afin de problématiser cette relation du néoréalisme au réel, nous proposons trois grands axes :

1/ Etudes des stratégies de mise en images

- A quels procédés ou figures esthétiques le cinéma néoréaliste recourt-il ? Quelle conception du personnage et de l’action le néoréalisme développe-t-il ?  Il s’agit d’étudier le choix et l’assemblage des faits et des situations, en tentant d’y cerner la place qu’y occupe l’intentionnalité du réalisateur, ou l’influence qu’il y exerce. Il pourrait être intéressant de pointer le thème récurrent de la solitude de l’être humain, ou du double rapport de l’individu à d’autres individus et à la société prise dans son ensemble.

- Peut-on identifier des déplacements de l’esthétique et des personnages dans d’autres cinémas ?

2/ Inscription historique du néoréalisme

- Le néoréalisme ne peut se concevoir indépendamment de son contexte. Une manière de se poser la question du préfixe « néo » est de se demander si le néoréalisme constitue une rupture ou une relance. Le néoréalisme signe-t-il le retour de problèmes déjà rencontrés par le cinéma, fait-il advenir une nouveauté radicale ? La visée néoréaliste de mettre son spectateur en contact avec la réalité du monde dans lequel il vit n’indique-t-elle pas une perte irrémédiable ?

- Quelle est l’histoire du réalisme ou du sentiment de réel avant et après le néoréalisme ? L’étude du néoréalisme peut servir à produire une histoire du sentiment de réel, de son évolution, peut-être faite d’alternances, de montées et de déclins, à travers les âges du cinéma. Comment, historiquement, articuler l’approche du réel mise en place dans le néoréalisme avec celle de courants ultérieurs qui interrogeront moins le réel que l’image, ou se feront les témoins d’une « perte de réel », d’une confusion entre vie et spectacle ?

3 / Etude du spectateur néoréaliste

- Comment le cinéma néoréaliste travaille-t-il le positionnement de son spectateur ? Les films ne sont pas conçus indépendamment d’un effet devant se poursuivre hors de la salle. Il s’agit de discerner ce qui, tant à l’intérieur des films (esthétique, dramaturgique) que dans leur réception (part mentale ou sociale) permet ou contrarie l’effectuation de cette visée émancipatrice.

Nous avons tenu à distinguer ces axes, esthétique, historique, et spectatoriel au travers desquels la position néoréaliste peut se voir définie : ceux-ci sont néanmoins amenés à  communiquer, à faire l’objet d’un plus ou moins profond enchevêtrement. Ces trois axes ne sont pas limitatifs et toute proposition d’intervention sera étudiée.

Les propositions sont à envoyer avant le 15 novembre 2014 à jeneorealisme@gmail.com. Elles doivent comprendre entre 300 et 500 mots. Une réponse sera transmise à la mi-décembre.