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La poésie comme événement

La poésie comme événement

Publié le par Marielle Macé

La poésie comme événement/ Poetry as event 
 
 

11 Juin 2009

Ecole Normale Supérieure

Salle des Résistants 
 

Organisateurs : Michel Murat, directeur du département Littérature & langages, ENS 

        Maria Muresan, chercheur associé, ENS 
 
 
 
 

Programme 
 
 

Keynote speaker  

9h30 Alain Badiou (ENS) : « La poésie comme événement »

 
 
 Matin

 
10h30 Sarah Kay (Princeton University ): “Truth's subject: from the troubadours to Dante”

 
11h15 Colin Burrow (Oxford, All Souls College) : “Shakespeare's Sonnets as Event”

 
12h  James Helgeson (University of Nottingham) : “Signature, événement, poésie: la Renaissance”

 

 
 Après-midi

 
 14h30 Jonathan Culler (Cornell University) : “Romantic address”

 
 15h15 Christian Doumet (Université Paris 8) : « La poésie sans événement »

 
 16h Michel Murat  (ENS) : « Représentations poétiques » 

16h45 Maria Muresan (ENS) « La poésie, le poème, le poète » 
 

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Qui ? quoy ? comment ? a qui ? pourquoy ?  
Passez, presens ou avenir,

Quant me viennent en souvenir,

Mon cueur en penser n'est pas coy.

      Charles d'Orléans 
 

  

Comment et quand, pourquoi et pour qui est-ce que l'on envisage aujourd'hui la poésie, sinon comme, dans et pour une classe où l'on échoue quand, dans, pour nos cours d'anglais, de français, d'espagnol où d'italien il faut parcourir quelques poèmes, invoquer la vie étrange – récluse, déréglée ou sinon scandaleusement sage – de quelques poètes?  Mais cela nous arrive-t-il encore de sortir avec nos étudiants des  parages de la grammaire, de la basse-cour des significations, des méandres du sens métaphorique des poèmes particuliers  ou des traits essentiels des courants et des mouvements littéraires ? Cela nous arrive-t-il encore de réfléchir à partir des poèmes à ce que pourrait être pour nous, pour la langue et pour l'histoire la poésie ?

  La poésie reste le plus souvent un titre au programme, ou sinon une rubrique,  c'est-à-dire un simple moyen de classer et de parcourir un matériel textuel ou culturel donné, seulement pour l'abandonner à des techniques d'analyse et à des théories qui ne parlent plus de la poésie. Si on est  honnête, on devra avouer que la poésie ne devient presque jamais le véritable  sujet de notre enseignement.

  Ce colloque se situe d'emblée à l'orée de ce que l'on enseigne sous  la rubrique de poésie,  pour proposer au public et à ses intervenants une méditation sur la poésie comme une  forme d'action particulière que les poèmes contiennent quand ils affectent des sujets lisant /compositeurs de poèmes.

  Dans la mesure où les textes poétiques nous touchent au-delà de leurs sens ou de leurs formes déterminées, on parle de la poésie dans les poèmes. C'est en termes de poésie  que les poètes parlent le plus souvent de leur activité, et de leur rôle. C'est par la poésie  aussi que le lecteur découvre et mesure la force d'un poème quand il lit en dehors des obligations (scolaires ou autres), pour  sentir que certains poèmes auxquels il reste fidèle par la relecture pourraient lui donner du plaisir, former une pensée ou une vision des choses et des sentiments,  orienter et enrichir sa vie.

   La poésie devient ainsi une fidélité de (re)lecture /(r)écriture pour un certain corpus de textes, éprouvée par un sujet qui veut faire quelque chose de sa lecture /écriture, pour devenir un sujet autre : un sujet-poète, un sujet-historique, un sujet-spirituel, un sujet-citoyen, ou un sujet-amoureux. Cette fidélité lui apprend un comportement qui dépasse la simple lecture et qu'il ne peut pas apprendre autrement.

  Ceci pourra être selon les époques et les individualités, un comportement social, politique, érotique, spirituel, des plus divers.  C'est dans ce sens que  l'on voudrait parler de la poésie dans ce colloque.  La tâche sera de mesurer et de redécouvrir son pouvoir d'action et d'effet sur la langue et sur l'histoire des comportements.

   La poésie sera le pouvoir auquel un corpus poétique accède par la lecture fidèle d'un sujet qui  réussit ainsi à lier  les comportements et les usages de la langue à une conscience  historique et à des comportements sociaux, politiques, spirituels et érotiques déterminés.

  Ces comportements peuvent arriver à de degrés divers de réalisation empirique, du comportement rêvé ou idéal, à une vision qui esquisse des gestes, ou bien  l'engagement total dans le réel. Il peuvent être des comportements individuels, singuliers, ou collectifs : la  forme d'une vie, telle qu'un sujet individuel la conçoit et l'incarne pour devenir poète à partir des lectures non-obligatoires, inaccessibles, voire interdites ; la mémoire des figures exceptionnelles qui oriente l'imaginaire esthétique ou politique d'un groupe, ou d'une génération de lecteurs  autour d'une singularité géniale (Shakespeare, Villon, Byron, Keats, Goethe, Hugo, Mallarmé, Rimbaud, Lorca, Rilke) ; un comportement social donné liés à une fidélité de lecture-écriture de poèmes (ainsi le pétrarquisme, la poésie des troubadours liée à la cour d'amour, les postures romantiques ou victoriennes, les rituels et les engagements du surréalisme, la solidarité que créé la poésie de la résistance) et bien d'autres encore. 

  Ce colloque se veut un lieu de rencontre de plusieurs approches (philosophie, psychanalyse, new historicism, théorie de l'effet, études culturelles) et de plusieurs voix (poètes et professeurs de littérature) appartenant aux domaines français et anglo-américain. On fera aussi en sorte que plusieurs époques de l'histoire de la poésie soient soumises à notre attention, du Moyen Age jusqu'à la poésie contemporaine, pour pouvoir saisir à la fois la diversité, le devenir et l'historicité de notre question. 

  *

  Where and when, what for, and for whom do we imagine poetry today? When we evoke the strange lives – reclusive, disruptive or simply wisely passive – of poets? When we plan a literature seminar where poems are laid out for analysis? Can we still take our students beyond the description of grammar patterns, the delimitation of significations or the meanderings of metaphorical meaning, or beyond the essential characteristics of literary movements?  Do we think, while reading poems, of the ways in which they become poetry as they act upon us, upon the language they use, and upon the history they imagine?   

  Often poetry is simply the title of a course (‘Medieval French Poetry') or a rubric that helps us classify and organise textual material or cultural phenomena. We often abandon poetry to techniques of analysis and theories that no longer speak to it. We should acknowledge that poetry is often not the subject of our courses. The task, perhaps a daunting one, of this colloquium would be to circumvent rubrics and titles, while proposing to the audience a meditation on poetry as a specific form of action that poems produce on/through a reading/writing subject. Poetry is thus the event that the reading and writing of poems triggers.

  Inasmuch as poems touch us beyond describable meanings and forms, we can speak of the poetry in those poems, or even of their ‘event'. Since ‘poetry' is the word that is most often used by poets to speak about their role and their activity, it is as poetry that the reader discovers and measures the force of a poem when he or she reads, without being spurred on, necessarily, by, e.g., scholarly obligations. The reader perhaps understands that certain poems to which he or she is committed give new forms of pleasure, carry new ways of thinking, form a new vision about things and sentiments as they orient and enrich life.   

  Poetry becomes thus a form of fidelity embodied in readings/writings, embedded in a certain corpus, experienced by a subject who would like to access new forms of subjectivity (for example, that of being a poet), and new forms of historical consciousness, of being committed to citizenship and the polis, or of being a subject-in-love. This fidelity shapes a behaviour that goes beyond the activity of reading as such, but which cannot be acquired without this reading. Thus this fidelity can be visible in social, political, erotic or spiritual behaviours, set in relief against given cultural landscapes.

  These behaviours reach various degrees of worldly instantiation, starting with the contours of a dream and the lines of flight of an ideal, moving on to visions that gesture towards a world imagined, prophesised or professed, and ending with an action fully committed to the actual ‘real world'. The behaviours are singular, individual or collective, forms of life that an individual subject conceives and embodies in order to become a poet, perhaps through the reading of non-obligatory, inaccessible, or even forbidden texts. Such behaviours can orient the aesthetic or political imaginary of a group or of a generation of readers, crystallised around an outstanding singularity (Petrarch, Villon, Shakespeare, Goethe, Pushkin, Byron, Keats, Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé, Rilke, Lorca, Mandelstam, Neruda, Pessoa, Celan). They can also be behaviours shaped within the acts of reading/writing through the complex rules of a certain literary or political ideal  (e.g. the conventions of the troubadours or of Japanese court poetry, of Petrarchism, the rituals and the political commitment of surrealist writers, the solidarity that formed the community of the Resistance poetry in France, etc.)

   

  This colloquium will situate itself at the crossroad of several approaches, (philosophical, psychoanalytical, new historical, reader reception, cultural studies). It will bring several voices from the French and Anglo-American tradition into dialogue, in discussions of poetry from the Middle Ages to the present, analysing the diversity and the historicity of this question of ‘poetry as action and event'.