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La notion d'

La notion d'"histoire" à la Renaissance

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Alice Vintenon)

Séminaire Polysémie 2011-2012

HISTOIRE(S)

Encadré parune équipe de jeunes chercheurs, le séminaire « Polysémie. Littérature,arts et savoirs de la Renaissance » explore chaque année une notionchoisie pour sa richesse sémantique et la variété des champs d'étude qu'ellepermet d'aborder, afin de mieux cerner cette époque dans toute sa complexité.Depuis une douzaine d'années, ce séminaire permet aux jeunes chercheursd'échanger entre eux sur leurs travaux en cours ; le dernier terme étudié fut la notion fortement polarisée de« curiosité », qui a également fait l'objet d'une journée d'étude. En2011-2012, nous porterons notre réflexion sur la notion polysémique d'« histoire »,une histoire multiple qui couvre aussi bien le champ du récit historique quecelui des fables.

En latin déjà,le terme historia possède ces deuxsignifications apparemment opposées, dont le dénominateur commun est l'acte deraconter : « histoire » désigne à la fois le « récitd'événements historiques » et des formes de narration non tenues de seconformer à la réalité historique, voire des fictions fabuleuses. Dèsl'Antiquité, les auteurs font jouer la polysémie du terme, soit pour dénoncerle caractère « fictif » de certains récits revendiqués commehistoriques (dont ceux du « père des historiens » Hérodote, accusé derechercher davantage le sensationnel que la fidélité aux faits passés), soitpour rendre attractifs des récits fictionnels en les présentant comme des faitsavérés. Le jeu sur la polysémie du terme culmine avec les Histoires Véritables de Lucien, dont le titre ironique signale ladistance prise à l'égard des historiens menteurs, et la supériorité éthiqued'une fiction qui assume son caractère mensonger.

Ces jeuxinterrogeant les rapports de l'histoire à la vérité se poursuivent au XVIesiècle, chez Rabelais ou encore chez Marguerite de Navarre, tandis que lestravaux philologiques des humanistes contribuent à faire ressurgir la questiondes critères de fiabilité du récit historique : la discussion sur l'authenticitéde certains textes (comme les écrits du pseudo-Bérose forgés de toute pièce parAnnius de Viterbe) et la confrontation des sources incitent à adopter unedistance critique à l'égard des textes qui se présentent comme les récitsobjectifs d'événements passés. Jean Céard a ainsi montré, dans un articleintitulé « L'histoire écoutée aux portes de la légende », quecertains récits auparavant considérés comme historiques, comme les chroniquesde Turpin, commencent à être mis en cause à la Renaissance, et soupçonnésd'être pure forgerie. On voit ainsi se développer une réflexion sur lesqualités nécessaires au bon historien, comme en témoignent, par exemple, lescélèbres jugements de Montaigne dans l'essai « Des Livres » (II, 10)ou les réflexions désabusées de l'Arioste sur la part de flatterie que peuventcontenir les récits qui forgent, pour l'éternité, la réputation et la renomméedes grands hommes. À ces réflexions, qui cherchent à définir les conditions depossibilité d'un récit historique objectif et fiable, s'ajoute un débat plusgénéral sur la pertinence même des récits historiques : leur fidélité auréel les rend-elle plus « vrais » que les récits fictionnels ? Ledéveloppement des commentaires sur la Poétiqued'Aristote semble au contraire suggérer que la poésie, qui atteint l'universel,parvient à un degré supérieur de vérité que celui qui préoccupe les historiens.En outre, le récit des actions passées est-il systématiquement reconnu commeune source d'enseignements et d'exemples moraux ? À ceux qui, comme Amyot,font valoir le profit particulier qu'apporte la lecture de faits avérés, lespartisans de la fiction peuvent rétorquer que le récit historique, qui relaieautant les actes répréhensibles que les hauts faits, ne doit pas être soumis auxesprits les plus fragiles. La fiction, libre de gommer le vice et le mal, peutau contraire apparaître comme une source d'exemples qui répondent au mieux auximpératifs de la pédagogie.

Autour de cesréflexions sur la relation entre l'histoire et la vérité, nous souhaiterions notammentaccueillir des communications centrées sur les thèmes suivants :

- Enquête philologique : la réception, à laRenaissance, des historiens antiques, mais aussi des ouvrages d'histoirenaturelle ; les réflexions développées à la Renaissance sur la méthode del'historien, et les critères de validité du récit historique.

- Histoire et politique : les missionsassignées à l'historien et au chroniqueur dans les cours de la fin du Moyen Âgeet de la Renaissance ; la discussion sur l'utilité morale de l'histoire etsa place dans l'éducation des jeunes gens.

- Histoire et fiction : le rapport entrefiction et histoire dans la poétique de la Renaissance, la place accordée auxmythes dans les ouvrages historiques de commande, et à l'inverse, l'utilisationde l'histoire dans les textes fictionnels.

- Genre et forme : les formes des récitshistoriques (vies de grands hommes, histoire d'un peuple, illustration d'une famille)et des histoires fictionnelles (roman, nouvelle, anecdote) ; les réflexionsthéoriques sur la construction des récits.

- Herméneutique : le caractère historique durécit biblique, exemple par excellence de récit véridique, et la définition du« sens historique » ou littéral dans l'exégèse biblique, sonévolution éventuelle à la faveur de la mise en cause protestante de l'exégèsetraditionnelle ; pour l'allégorie païenne, le maintien des thèsesévhéméristes comme outil d'interprétation des mythes.

- Esthétique : la définition et la valeur del'histoire chez les théoriciens d'art, le rôle de l'histoire racontée par letableau (la storia) dans la théoriede l'ut pictura poesis et dansl'élaboration des critères de jugement des oeuvres picturales.

Lespropositions, d'une page maximumdevront être envoyées avant le 1eroctobre aux membres de l'équipe organisatrice du séminaire :

- Rachel Darmon (Paris VIII) rachel_darmon@yahoo.fr

- Adeline Desbois (Paris IV) adeline.desbois@normalesup.org

- Arnaud Laimé (Paris VIII) arnaudlaime@yahoo.fr

- Alice Vintenon (Paris X) alice.vintenon@normalesup.org

Nous vous répondrons dans le mois suivant.

Les séances duséminaire durent deux heures et se tiendront une fois par mois, en find'après-midi, à l'École normale supérieure (45 rue d'Ulm, 75005 Paris), àpartir de la mi-novembre. La communication, qui peut rester informelle, durerade 40 minutes à une heure et s'illustrera d'un riche corpus de textes et/oud'illustrations qui permettra de nourrir l'échange, toujours amical etpassionné, lors de la deuxième heure.

Pour plus d'informations : http://seminairepolysemie.wordpress.com/