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Appels à contributions
La mort dans les littératures africaines

La mort dans les littératures africaines

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Louis Bertin AMOUGOU)

Appel à contribution
Ouvrage collectif : La Mort dans les littératures africaines

Date limite : 31 mai 2008
Argument :
 C’est un truisme d’affirmer que la mort est le destin de tous les vivants. Sans la mort, la vie serait impossible puisque l’entassement d’éléments immortels rendrait irréalisable la venue nouvelle d’organismes qui naissent et meurent. Il y a donc, comme l’écrivent André Dumas, Roger Chartier, Maurice Abiven et Denys Pouillard (1979,151), « une sagesse profonde, biologique, réflexive, religieuse aussi, à ne point rêver d’immortalité, mais à se savoir souffle qui un jour s’arrêtera et qui rendra le corps à la poussière ». Mais dans toutes les sociétés humaines, ce destin mortel est aussi un drame car celui qui meurt n’est pas seulement un élément caduc et anonyme du cours de la nature. C’est une personne unique, irremplaçable, dont l’absence irrémédiable brisera les tendresses, figera l’histoire en un bilan arrêté et inquiétera la conscience de la société. La mort reste, d’une part,  une réalité naturelle, inévitable et, d’autre part, une réalité inacceptable, scandaleuse, adverse et terrible : « Elle est donc à la fois une compagne accueillie et une ennemie incompréhensible » (Ibid). Dans les sociétés économiquement avancées, l’efficacité des pratiques médicales a considérablement prolongé la vie et diminué les souffrances terminales tout en demeurant impuissantes (mais est-ce vraiment leur vocation ?) devant la nécessaire assistance à l’âme de la personne qui va mourir.
 Mais dans l’Afrique des conflits « déstructurés » après les conflits idéologiques et les rigueurs coloniales, des pseudo-démocraties qui ont succédé aux dictatures sauvages (la dernière actualité politique au Kenya l’illustre parfaitement), de la misère rampante, de la maladie omniprésente, des calamités naturelles récurrentes, des exclusions et marginalisations diverses, des tentatives d’émigration tragiques, des génocides, des condamnations à mort…la mort n’est pas toujours naturelle et c’est à ce titre qu’elle obsède les littératures africaines depuis leur origine. Pour certains à l’instar du journaliste français Stephen Smith (2004, 14) qui affirme sans ambages que l’Afrique meurt « en grande partie parce qu’elle se suicide », elle serait même consubstantielle aux cultures locales. Odile Tobner (2005,11) lui donne une réplique sèche en écrivant : « « L’Afrique meurt » ». Phrase slogan en guise de constat, suivie de la conclusion de l’enquête : l’Afrique se suicide. Non, il s’agit d’un assassinat maquillé en suicide par les soins d’un enquêteur complaisant ». Le ton est ainsi donné dans une polémique qui irradie l’ensemble des créations littéraires du continent.
 Quant à la vision de la mort proprement dite, en prenant les voies de traverse, on peut faire remonter sa première représentation poétique en Afrique au sud du Sahara au célèbre poème de Birago Diop intitulé "Souffles", extrait du recueil Leurres et Lueurs (1960) : « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis/ Ils sont dans l’Ombre (…) / Les morts ne sont pas sous la Terre:/ Ils sont dans le Bois (…) / dans l’Eau (…) / dans la Foule (…) / Les Morts ne sont pas morts », écrit le poète sénégalais qui révèle ainsi une vision de la mort, et fatalement de la vie,  qui brouille allégrement les frontières entre les deux. Cette conception est sinon usée, du moins violemment contestée par la nouvelle génération d’écrivains africains. Eugène Ebodé (2004, 97) pour ne citer que cet exemple en fait le réquisitoire en la rendant responsable de tous les malheurs actuels de l’Afrique : 
 « Les morts ne sont pas morts », a proclamé Birago Diop dans un poème célèbre. On a longtemps courbé la tête devant cette affirmation (…) Cette conception-là n’est-elle pas responsable de notre placidité ? Birago n’a-t-il pas décrit et même encouragé notre propension suspecte à la résignation ? Elle a scellé notre refus de la mort (…) Quoi ? Cette mort, que nos croyances animistes récusent, n’a-t-elle pas eu pour résultat paradoxal d’ôter toute saveur à la vie ? En niant la mort, nous cultivons l’hypothèse de l’inachèvement de l’existence. Elle a amoindri notre capacité de dépassement. Nous avons renoncé pour céder tout à la fatalité.
 Le diagnostic posé, le certificat de caducité de la pensée traditionnelle est ensuite signé par un sentencieux :
 L’époque nouvelle exige des vivants qu’ils assument la conduite de leur vie au lieu de se cramponner à celle des légendes (…) Vous misez sur l’hypothèse de vivre mille vies, les unes rachetant ou améliorant par un postulat absurde les précédentes. Vous êtes en réalité incapables de conduire convenablement une, une seule, à son honorable terme  (Ibid. pp 97-98).
C’est dans cette tension à la fois métaphysique et philosophique, politique et économique, sociale et culturelle entre Smith et Tobner, entre  Diop et  Ebodé qu’entend se situer le présent projet d’ouvrage en vous invitant à réfléchir sur le motif de la mort (et corollairement de la vie tant il est indubitable que penser la mort revient en réalité à penser la vie) qui informe, par sa quotidienneté tragique, de nombreux textes littéraires africains. Il s’agit notamment, entre autres pistes, d’analyser ses approches culturelles, les formes et les significations qu’elle a revêtues au cours du temps ainsi que les stratégies et les implications idéologiques, narratologiques, énonciatives, etc. que sa présence dans la fiction provoque.
Les propositions de contributions, en français ou en anglais, 15 lignes maximum, accompagnées d’une brève notice biobibliographique, doivent parvenir à l’adresse électronique ci-dessous le 30 mai 2008 au plus tard. La date de tombée des textes définitifs est fixée au 31 octobre 2008. Les auteurs des propositions retenues recevront le 15 juin au plus tard le protocole de rédaction y afférent.

Responsable :
Louis Bertin AMOUGOU
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Département d’Etudes Africaines
Université de Dschang, BP. 49, Dschang, Cameroun
E-mail : okonmeso@yahoo.fr


REFERENCES

Diop, Birago, Leurres et Lueurs, Paris, Présence Africaine, 1960.
Ebodé, Eugène, La divine colère, Paris, Gallimard, coll. Continents noirs, 2004.
Encyclopedia Universalis, 1979, pp 151-164.
Smith Stephen, Négrologie. Pourquoi l’Afrique meurt, Paris, Calmann –Lévy, 2004.
Tobner, Odile, Diop, Boubacar Boris, Verschave, François –Xavier, Négrophobie, Paris, les Arènes, 2005.