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La lecture des créateurs (Hammamet, Tunisie)

La lecture des créateurs (Hammamet, Tunisie)

Publié le par Marc Escola (Source : Saadia Khabou)

Colloque international

La lecture des créateurs

Organisé par

Le Laboratoire d’Études et de Recherches Interdisciplinaires et Comparées (LERIC)

et

Le Laboratoire des Méthodes Interprétatives (METINT)

(Université de Sfax, Tunisie)

les 23, 24 et 25 mars 2017

à Hammamet

 

Appel à communication

   La lecture est une activité inhérente à l’écriture, c’est une pratique fondamentale qui préside au processus de la création. Derrière chaque créateur se cache un lecteur avide, passionné dont le génie créateur se nourrit d’une lecture assidue. Le créateur, nous disent Proust dans Sur la lecture et Julien Gracq dans En lisant en écrivant, est un lecteur-créateur dont la vision de la littérature est façonnée à travers ses expériences passées de lecture. 

   À côté des critiques qui jugent les œuvres de l’extérieur, il importe d’accorder de l’importance aux créateurs, romanciers ou poètes, dont la sensibilité vibre en interrogeant l’œuvre de l’intérieur. Il s’agit de réfléchir autour des lectures qui émanent de ce regard que les créateurs portent  à d’autres créateurs et dont les exemples sont légion : de Balzac (parlant de La Chartreuse de Parme), à Baudelaire ( L’Art romantique, 1869), à Proust (A propos du style de Flaubert), à Charles Péguy (Victor-Marie, Comte Hugo, 1910), à André Gide (Prétextes, 1903 ; Nouveaux Prétextes, 1911), à Paul Valéry (Variété, 1924-1944) et Paul Claudel  (Contacts et Circonstances, 1940), les créateurs n’ont cessé de s’interroger sur les livres qu’ils lisaient et sur le sens de la littérature. Ces créateurs écrivent en parlant de leurs lectures, un geste réflexif inextricable qui se distingue fondamentalement du discours critique et qui mérite d’être mis en lumière.

   La lecture du créateur devient plus intéressante encore lorsque l’écrivain retourne sur son œuvre et se relit, afin de « se repositionner par rapport à ce qu’il fut, dans un contexte différent, en tenant compte de la réception de l’œuvre, de ce que lui-même est devenu »[1]. Tel est le cas de Paludes, où André Gide a supprimé deux pages, 25 ans après la première édition. La relecture du créateur pose certes, la question de la création et de la genèse littéraire aussi bien à travers l’élaboration du paratexte qu’à travers le remaniement d’un texte. « C’est une activité hautement ambivalente qui oscille entre rejet, émerveillement, nostalgie… et pragmatisme éditorial »[2]. La relecture peut aussi jouer le rôle d’un prétexte, d’« un tremplin vers de nouvelles créations plus fécondes »[3]. Plusieurs auteurs se relisent en effet, pour « ajourer » la matière narrative et donner lieu à de nouvelles formes d’expression. Le recueil L’Ajour d’André du Bouchet est ainsi le fruit d’un réagencement des textes antérieurs. D’autres se relisent dans le but de répondre à la tentation de « défaire » leurs textes, comme Zola qui transforme son œuvre en prose L’Attaque du moulin en livret d’opéra ou Bernard Noël, qui fait de son roman Le Château de Cène une pièce de théâtre quarante ans après sa publication initiale. Se relire est également une tentative de la part du créateur de se retrouver, de se ressaisir. Roland Barthes par Roland Barthes reste un exemple révélateur de l’auteur, qui cède au désir de se relire, « pour relier, resserrer les liens distendus de soi à soi ou prendre acte au contraire des écarts et des ruptures advenus »[4].

   Au demeurant, ce qui fait la singularité de certains créateurs c’est le dialogue qu’ils ne cessent d’instaurer avec la peinture. Sans chercher à rivaliser avec les critiques d’art chevronnés, ils ont fait de la peinture leur objet de fascination. Ainsi, des liens se sont noués, tout au long du XXème siècle, par exemple, entre Aragon et Matisse, Kafka et Klee, Butor et Mondrian, Bonnefoy et Giacometti, Leiris et Picasso, Apollinaire et Delaunay, Breton et Dali, Cendrars et Chagall, Quignard et Rustin, Pessoa et Chirico, Rilke et Bonnard, etc. Toutefois, pour ces créateurs, il ne s’agit pas de reconduire le vieil adage de « l’ut pictura poèsis » d’Horace qui institue un rapport de similitude entre la littérature et la peinture, il ne s’agit pas non plus de voir ou de regarder, mais de rompre l’inviolable silence de l’image. Gérard Dessons remonte à l’aphorisme fameux de Simonide « la poésie est une peinture parlante et la peinture une poésie silencieuse », en disant que « la peinture apparaît comme la figure d’une énigme, d’un secret. Et les peintures, toutes les peintures, sont alors des peintures énigmatiques »[5]. Lire la peinture, ce n’est pas déchiffrer, c’est plutôt écouter. « Gage d’une révélation, la peinture n’est pas tant le lieu d’une spéculation que celui d’une écoute »[6] . Ce que m’ont dit les peintures de Francis Bacon de Leiris corrobore la volonté du créateur de briser la nature silencieuse des tableaux et de leur faire parler, afin d’en dégager le secret et de ressaisir cette fulgurante sensation qu’ils font naître chez les lecteurs-créateurs. « La lecture du tableau n’est pas une entreprise d’élucidation »[7], elle se définit plutôt à travers l’impossibilité même du déchiffrement du texte pictural, d’où les métaphores de l’aventure, du voyage, chez Michaux[8] par exemple, pour qui lire un tableau, c’est entreprendre un chemin, se lancer dans un voyage. Pour les créateurs, tels Quignard, Bonnefoy ou Butor, lire un tableau ce n’est pas décrire, ce n’est pas non plus critiquer ou approuver, c’est plutôt rêver, inventer, dépasser. Objet de quête, le tableau devient le lieu d’une interrogation sur la création, sur soi-même et sur le monde.

   Le créateur peut également être le lecteur de ses propres théories. Il fait de la création littéraire le lieu de la mise en pratique de ses concepts théoriques. Tel est l’exemple de Umberto Eco qui livre dans son roman Le Nom de la rose ses réflexions sur le langage et les signes et dont le roman Le Pendule de Foucault met en application ses concepts sémiologiques et surtout sa théorie développée dans son essai Lector in fabula. La création romanesque offre à certains théoriciens-créateurs, tels Zola, Hugo… l’occasion d’aiguiser leurs réflexions sur la littérature et de démontrer leurs théories. Ainsi, les frontières entre l’écrivain et le théoricien s’estompent pour faire valoir le geste créateur, qui porte les signes des études théoriques de son auteur.

   Comment lire les œuvres de ces créateurs ? Pour répondre à cette question épineuse, et sans nous référer aux théories de la réception, il y a lieu d’étudier la conception de la lecture chez les créateurs eux-mêmes, qui se sont interrogés sur l’acte de lire. En effet, la lecture demeure au centre des réflexions de plusieurs écrivains, dont l’apport aux théories de la lecture reste indéniable. Si Proust considère la lecture comme « une incitation » à la création, Gracq conçoit l’acte de lire comme une  « co-création », qui implique le lecteur dans le processus de la création. Quignard, quant à lui, définit la lecture comme une errance : « lire, c’est se brancher sur un autre monde, concentrer le cerveau, dans un monde bon pour soi, qui diverge, qu’on ignore, autre[9]». Il assimile, dans son texte Le Lecteur, le lecteur à un chasseur ou prédateur qui demeure à l’affût des traces et indices susceptibles de l’aiguiller vers une possibilité de sens.  La fécondité des études menées par les créateurs sur la lecture réside dans les réflexions, qu’ils conduisent sur les mécanismes de la lecture, et dans la place qu’ils accordent au lecteur dans la production du sens, qui reste pluriel.

 

   Les communications peuvent s’inscrire dans les axes suivants, mais pas exclusivement :

  • Le créateur, lecteur des autres créateurs
  • Le créateur, lecteur de soi-même
  • Le créateur, lecteur de la peinture
  • Le créateur, lecteur de sa propre théorie
  • La conception de la lecture chez les créateurs

 

Langues : français, italien, arabe

Modalités de soumission :

Les titres et résumés des communications, d’environ une demi-page, accompagnés d’une notice biographique sont à envoyer uniquement par voie électronique avant le  15 novembre 2016 à : lecture.des.createurs2017@gmail.com

 

Calendrier :

15 novembre 2016 : Réception des propositions de communication

15 décembre  2016 : Notification aux auteurs

30 janvier 2017 : Envoi des articles

23, 24, 25 mars 2017 : Colloque international

Décembre 2017 : Publication

 

Organisateurs : Saadia Yahia Khabou et Soufiane Chaari

 

Comité scientifique : 

Kamel Skander (LERIC, Université de Sfax)

Bernard Vouilloux (Université Paris-Sorbonne)

Béatrice Bonhomme (Université de Nice)

Françoise Nicol (Université de Nantes)

Marc Gontard (Université Rennes II)

Hassen Wahbi (Université Ibn Zohr, Maroc),

Sonia Zlitni (Université de Tunis)

Hedia Abdelkefi (Université de Tunis)

Samia Kassab Charfi (Université de Tunis)

Moncef Khemiri (Université de Tunis)

Arbi Dhifaoui (LERIC, Université de Sfax)

Lassaad Jammoussi (LERIC, Université de Sfax)

Hichem Ismail (LERIC, Université de Sfax)

Arselène Ben Farhat (Université de Sfax)

Mustapha Trabelsi (Université de Sfax)   

 

Responsables scientifiques et administratifs :

Laboratoire LERIC (LR13ES17) 

Laboratoire METINT (LR14ES07) 

(Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Université  de Sfax-Tunisie).

 

Frais de participation :

Les frais de participation sont fixés à 250 euros pour les intervenants étrangers. Ce droit d'inscription inclut :

  • le programme du colloque ;
  • les pauses-café ;
  • l’hôtel pendant 4 jours en pension complète.

Le droit d’inscription est fixé à 300 DT pour les participants locaux. Il inclut :

  • le programme du colloque;
  • les pauses-café ;
  • l’hôtel pendant 3 jours en pension complète.

 

[1] Noro Rakotobe-D’Alberto, « A rebours, quand l’écrivain se relit », Acta Fabula, vol. 9, n° 1, Janvier 2008.

[2] Ibid.,

[3] Ibid.,

[4] Maryline Heck, « La relecture de l’œuvre par ses écrivains mêmes », Acta Fabula, vol. 8, n° 6, Novembre-Décembre 2007.

[5] Gérard Dessons, « Lire la peinture », Littérature,  V. 115,  N° 3,  1999,  pp. 48-54.

[6] Catherine Maubon, « Au pieds du mur de notre réalité, Michel Leiris et la peinture », Littérature, n° 79, octobre 1990, pp. 87-102.

[7] Gérard Dessons, Op. cit.,

[8] Dans Passage (1963), Michaux écrit un texte intitulé « Lecture », présenté comme Préface à Lectures de huit lithographies de Zao Woo-Ki.

[9] Pascal Quignard, Vie secrète, Paris, Gallimard, 1998, p. 219.