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Événements & colloques
La destruction dans les avant-gardes

La destruction dans les avant-gardes

Publié le par Marielle Macé

Cycle de journées d'études « PENSER LA DESTRUCTION »

Première journée : « LA DESTRUCTION DANS LES AVANT-GARDES »

vendredi 6 octobre 2006, Institut National d'Histoire de l'Art (INHA)
Salle Nicolas-Claude Fabri de Peiresc
Galerie Colbert, 2 rue Vivienne, 75002 Paris


9h30 : Carel BLOTKAMP, Professeur, Vrije Universiteit (Université Libre),
Amsterdam :
« Composition, Contra-Composition : the Role of Destruction in Painting
and Architecture of De Stijl »

10h15 : Esteban BUCH, Maître de Conférences, EHESS/CRAL, Paris
« Atonalisme et destruction »

11h15 : Hanno EHRLICHER, Maître de Conférences,
Ruprecht-Karls-Universität, Heidelberg
« Barbares du XXe siècle. Les miliciens de l'avant-garde et la Grande
Guerre »

12h00 : Giovanna ZAPPERI, ATER, Université François Rabelais, Tours
« Détruire le passé, assujettir la femme. La sexuation futuriste du temps »

(pause déjeuner)

14h00 : Maria STAVRINAKI, Maître de Conférences, Paris I/CRIA
« Kurt Schwitters, de la destruction naturelle à la déformation artistique »

14h45 : Judith DELFINER, ATER, Université François Rabelais, Tours
« Le concept de destruction dans l'oeuvre et la pensée de John Cage »

15h45 : Yann ROCHER, Doctorant, EHESS/CRIA, Paris
« De Schönberg destructeur à l'autodestruction de l'Aufklärung. Pensées de
la destruction chez Theodor W. Adorno »

16h30 : Discussion


Informations : http://cria.ehess.fr rubrique « Evénements »
Contacts : maria.stavrinaki@free.fr / yann.rocher@ehess.fr


Résumés des communications :

Carel BLOTKAMP
« Composition, Contra-Composition: the Role of Destruction in Painting and
Architecture of De Stijl »

Mondrian's abstract painting, and that of fellow members of De Stijl such
as Theo van Doesburg and Bart van der Leck, is usually discussed in terms
of composition, construction, balance, equivalence, harmony. Actually,
most of these terms were used by the artists themselves. However, in their
utopian view of art and life the concept of destruction was at least as
important as that of construction, and not just on a theoretical level.
Destruction played a major part in their work, both in the abstraction
process and in the way painting was integrated into architecture.

Esteban BUCH
« Atonalisme et destruction »

En 1910, réagissant à la création des Trois pièces pour piano op.11
d'Arnold Schönberg, le critique de la Neue Freie Presse, Julius Korngold,
reproche au compositeur « la destruction consciente de toutes les
limitations d'une esthétique dépassée, y compris la conscience de la
construction ». En 1913, outré par les incidents qui avaient émaillé le
fameux Skandalkonzert du 31 mars, Arnold Schönberg affirme dans le journal
Die Zeit que « le fait de troubler le silence et même l'ambiance d'un
concert doit être envisagé comme la destruction d'une propriété privée
morale et matérielle ». Comme on voit, des deux côtés de la querelle
suscitée par la musique atonale la notion de « destruction » fait partie
du vocabulaire, mais elle désigne des phénomènes que tout oppose, d'après
une logique discursive qui à chaque fois, mais de manières là encore
différentes, semble faire fi de la distinction courante entre destruction
littérale et métaphorique.

Hanno EHRLICHER
« Barbares du XXe siècle. Les miliciens de l'avant-garde et la Grande
Guerre »

En 1887, dans un des fragments de ses oeuvres posthumes, Nietzsche cherche
et s'imagine « les barbares du XXe siècle », nécessaires à son avis pour
surpasser la crise de décadence qu'il diagnostique chez ses contemporains.
Quelques vingt ans plus tard, F.T. Marinetti lance son mouvement futuriste
en proclamant la naissance d'une nouvelle espèce humaine, sur-mâle,
barbare, anti-sentimentale et renforcé perpétuellement par l'expérience
d'une violence cathartique vécue dans une sorte de "guerra festa". Pour
réaliser ce programme, les futuristes mobilisent l'ensemble des arts dans
les serate qui ont, effectivement, contribué à préparer l'Italie pour la
Première Guerre Mondiale. Dans un contexte très différent, à Londres, le
mouvement Vortex (Wyndham Lewis, Ezra Pound, Henri Gaudier-Brzeska)
partage l'idée d'une milice artistique et sociale avec le futurisme, mais
cherche à se distinguer face à Marinetti considéré comme trop hystérique
et féminin pour être capable de produire la ré-virilisation culturelle
qu'on envisage. Loin de l'euphorie propagandiste avec laquelle le
futurisme entra dans la Guerre, le Vortex chercha, lui aussi, une forme de
vie en dehors des limites du corps humain.

Giovanna ZAPPERI
« Détruire le passé, assujettir la femme. La sexuation futuriste du temps »

Cette communication analyse la dialectique entre passé et futur dans les
écrits de Marinetti et propose de la considérer dans sa dimension sexuée.
L'épisode de l'accident de voiture, dans le Manifeste du Futurisme de
1909, suggère notamment l'idée d'une collision traumatique, et fortement
sexuée, entre le passé et le futur. Le monde ancien, qu'il faut détruire,
est constamment associé à un féminin menaçant qu'il faut maitriser, alors
que le sujet Futuriste est entièrement projeté vers un avenir masculin et
moderniste.

Maria STAVRINAKI
« Kurt Schwitters, de la destruction naturelle à la déformation artistique »

Au lendemain de la guerre et de la révolution de 1918 en Allemagne, Kurt
Schwitters a commencé à collecter, sur des terres souvent marginales, des
débris : les éclats de la force destructrice du temps, de l'activité
humaine et de la nature. Cette collecte impliquait certes d'abord
l'identification de l'artiste à sa trouvaille, mais elle était aussi
l'instauration d'une distance vis-à-vis de cette trouvaille : la collecte
était en effet le premier moment d'un processus de création centripète qui
devait culminer, bien que de façon toujours provisoire, dans la mise en
ordre des débris au sein des collages merz. A la force expansive de la
vie, rejetant ce qu'elle s'était auparavant appropriée, Schwitters
opposait la force de rassemblement de l'art : les débris devaient perdre
leur identité propre pour devenir matériaux, dotés d'une valeur plastique.
Et s'ils portaient déjà les stigmates de la « déformation » que leur avait
infligée la vie et le temps, Schwitters déclarait vouloir les soumettre à
une déformation [Entformung] artistique par leur mise en ordre au sein de
la totalité close de l'oeuvre d'art ; une déformation donc à la deuxième
puissance, qui devait les guérir et les ennoblir, mais aussi « arrêter »
les forces de dispersion incontrôlables qui leur étaient inhérentes.
Arrachés à leur marge, les débris entraient à part entière dans la
totalité artistique en la constituant. Le geste salvateur de Schwitters ne
résidait pas seulement dans la rédemption de ces êtres humbles et
méprisés, mais aussi dans la création, toujours à reprendre, d'une
totalité qui, telle « une nature idéale », dosait avec sagesse destruction
et construction. Ni anarchique ni autocratique, la « totalité » merz
commentait la situation politique de l'Allemagne, mais « à distance » :
une distance qui lui permettait de conserver son potentiel utopique parce
qu'elle ne cherchait pas à le réaliser.

Judith DELFINER
« Le concept de destruction dans l'oeuvre et la pensée de John Cage »

La notion de destruction réside au coeur de l'oeuvre et de la pensée de John
Cage et ne prend tout son sens que rapportée au concept de nature. Chez le
compositeur, la destruction apparaît en effet comme un moyen de se
rapprocher de ce modèle absolu qu'est la Nature. Elle consiste tout
d'abord à se défaire de l'ego et à adopter des méthodes de composition
fondées sur le hasard et l'indétermination afin de « laisser être ». De
cette volonté de mise en circulation générale résulte l'abolition de la
spécificité des arts et leur devenir théâtre. Il s'agit bien -- et c'est là
que se profile toute l'utopie de son approche -- de penser la
transformation de l'artiste comme une étape préparatoire à une révolution
de l'agir humain qui, sur le plan politique, prend la forme de l'anarchie.

Yann ROCHER
« De Schönberg destructeur à l'autodestruction de l'Aufklärung. Pensées de
la destruction chez Theodor W. Adorno »

Dans sa période d'exil aux Etats-Unis entre 1938 et 1949, Adorno fait
usage à de très nombreuses reprises de la notion de destruction, qu'il
s'agisse de sa réflexion esthétique amorcée dans Philosophie de la
nouvelle musique, ou d'ouvrages plus théoriques tels que La Dialectique de
la raison ou Minima Moralia. Certes, la destruction constitue l'un des
principaux moyens pour Adorno de rendre compte à distance de la « 
catastrophe allemande », l'horreur des camps ou encore la destruction des
villes. Mais elle revêt également une dimension positive lorsque le
philosophe tente de situer l'oeuvre d'art ou le rôle de l'artiste au sein
de la société, ou encore lorsque l'oeuvre témoigne, consciemment ou non,
des destructions contemporaines. Schönberg, qu'il définit comme « 
destructeur », constitue alors la figure majeure de sa démonstration. Nous
tenterons de retracer les spécificités de ces pensées, à la fois dans les
questions esthétiques soulevées par Adorno, mais aussi dans l'importante
histoire politique, philosophique ou encore psychanalytique de cette
notion de destruction, histoire à laquelle le philosophe se réfère et dans
laquelle il s'inscrit.



Prochaines journées :

-Vendredi 1er décembre : « Représentations de la destruction :
architecture et ville »

-Vendredi 2 février 2007 : « Destruction, politique et art »

-Date à préciser : « Temporalités de la destruction »


Avec la participation de Laurent Baridon, Carel Blotkamp, Martine
Bouchier, Esteban Buch, Emmanuelle Danchin, Judith
Delfiner, Sophie Delpeux, Hanno Ehrlicher, François Flahaut, Hugues
Fontenas, Servanne Jollivet, Wolfgang Kraushaar, Michael Lucken, Eric
Michaud, Philippe-Alain Michaud, David Monteau, Muriel Pic, Antoine Picon,
Yann Rocher, Maria Stavrinaki et Giovanna Zapperi.