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La défense des libertés universitaires en Tunisie. État des lieux et perspectives

La défense des libertés universitaires en Tunisie. État des lieux et perspectives

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Rabâa Ben Achour-Abdelkéfi)

1er Colloque International de l’ATDVU – 27 et 28 février 2014,  à Tunis

La défense des libertés universitaires en
Tunisie - Etat des lieux et perspectives

27-28 février 2014, à Tunis -Tunisie

Défendre les libertés académiques revient à préserver l’autonomie de l’Université par rapport au pouvoir politique, à la soustraire aux pressions exercées par des mouvances idéologiques faisant fi des règles académiques et voulant assujettir l’espace universitaire à d’autres normes, mais également à résister aux diktats de la rentabilité et au conditionnement par les lois du marché car il y va de l’autonomie du savoir dispensé et produit par l’Université.

Depuis l’indépendance, des restrictions aux libertés académiques ont émaillé l’histoire de l’Université tunisienne, même si l’enseignement universitaire a été largement soustrait aux idéologies. A titre d’exemple, vers la fin du règne de Ben Ali, une étudiante inscrite en Master de sociologie a été empêchée de mener un travail de recherche sur le bassin minier. Le pouvoir avait de surcroît, et ce depuis l’ère bourguibienne, un droit de regard sur les programmes et les activités para-universitaires par l’intermédiaire du syndicat des étudiants qui était contrôlé par le parti unique et voulait par là-même empêcher toute tentative de démocratisation du syndicat étudiant. Cette mainmise du parti sur le syndicat, qui avait amené les étudiants d’autres obédiences à se réfugier dans des structures clandestines, a pris fin officiellement au début du règne de Ben Ali. Par ailleurs, la démocratisation des instances universitaires a toujours été freinée par un pouvoir qui voulait contrôler l’Université par voie de nominations partisanes ou alors par des nominations de personnalités ayant fait allégeance. Si la menace pendant « l’Ancien régime » venait de ceux qui voulaient faire de l’Université un appareil d’Etat ou l’organe d’un parti, elle prend d’autres formes aujourd’hui et plus précisément à partir des élections du 23 octobre 2011.

La toute première phase de la transition démocratique faisant suite à la chute de Ben Ali était porteuse d’aspirations dans la mesure où l’université est parvenue à remettre à l’ordre du jour d’anciennes revendications notamment celles relatives à la démocratisation des instances universitaires, lesquelles revendications ont été traduites par des décisions politiques allant dans le sens de l’élargissement de la représentativité des enseignants. Qu’en est-il après les élections ? Si on n’a pas touché jusqu’ici officiellement aux acquis, il y a néanmoins des tentatives de marginaliser le corps enseignant et de l’exclure de la prise de décision.
D’une manière générale, le pouvoir continue à perpétuer une conception d’une Université ayant une très faible marge d’autonomie et dépendante, pour de nombreuses décisions, d’un ministère de l’Enseignement Supérieur ayant de très larges prérogatives, choisissant les orientations stratégiques et ayant pleine autorité sur leurs modes de fonctionnement et de gestion et parfois sur les programmes de recherche des institutions d’Enseignement Supérieur. A cela, s’ajoute un discours qui, sous prétexte de répondre à des impératifs de développement économique, tend à mettre l’Université et les universitaires au service d’objectifs réducteurs. Comment faire en sorte que la reconnaissance des impératifs économiques n’empiète pas sur les exigences de la formation académique ? Comment faire en sorte que la nécessité d’adapter le contenu des enseignements à l’environnement économique n’ouvre pas la voie à l’ingérence du pouvoir ?

Il se trouve aussi qu’aujourd’hui la menace ne vient pas seulement du pouvoir. Elle est incarnée par des mouvances religieuses extrémistes devenues visibles dans les campus universitaires et qui, au nom du droit au libre exercice des pratiques religieuses, font fi des règles élémentaires du vivre ensemble et des normes académiques qu’ils veulent plier à leurs croyances religieuses. Ils revendiquent une différence de traitement à laquelle doivent se plier et l’administration et le corps enseignant. Parfois, c’est le contenu même de l’enseignement qui est violemment contesté par ces groupes extrémistes parce que jugé contraire à une doxa religieuse supposée être partagée par tous. Pour faire entendre et faire valoir leurs revendications, ils n’hésitent pas à recourir à des agressions ciblant le personnel des institutions universitaires et à des actions violentes pouvant entraîner des heurts entre étudiants appartenant à des mouvances idéologiques différentes. Ces modes d’actions se développent en l’absence de toute protection de l’Etat ou de l’autorité de tutelle qui peuvent en revanche soutenir quelques revendications de ces groupes violents, faisant parfois fi des décisions des structures universitaires élues, et oubliant surtout que l’État doit prendre les mesures nécessaires pour que dans l’espace universitaire, tant ses propres actes que les activités estudiantines soient neutres, c’est-à-dire exemptes de toute coloration ou connotation religieuse, quelle qu’elle soit et que les règles académiques, les programmes d’enseignement et de recherche soient soustraits à toute pression ou influence religieuses. Il est inutile de rappeler la longue liste des violations des libertés académiques survenues au cours des deux dernières années dans les universités tunisiennes et particulièrement à la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba et médiatisées dans le monde entier. Mais il ne faut pas oublier qu’elles sont le prélude à une tentative d’asservissement des établissements d’Enseignement Supérieur aux croyances religieuses.

Comment définir les concepts de liberté universitaire, de règles académiques, d’autonomie de l’institution universitaire ? Comment l’Université peut-elle résister à ces pressions ? Comment peut-elle, aujourd’hui, défendre les règles et les libertés académiques ? Dans ce sens, quel est le rôle des universitaires, de leurs associations, des structures élues de l’Université ? Quelle est le rôle des juridictions administratives dans cette œuvre de défense de l’Université face à ces pressions ? Ces questions interpellent l’Association tunisienne de défense des valeurs universitaires depuis sa création. Le colloque international intitulé La défense des libertés universitaires en Tunisie - Etat des lieux et perspectives qu’elle organise les 30 et 31 janvier 2014 à Tunis et auxquelles sont conviés les chercheurs tunisiens et étrangers, tentera de réfléchir sur ces problèmes et sur la manière de relever les défis auxquels les institutions universitaires font face en tenant compte du contexte politique actuel. De ce point de vue, l’expérience d’universités étrangères ou d’associations d’universitaires ayant vécu des problèmes similaires ne peut être que précieuse. C’est pourquoi leur participation à ce colloque est vivement souhaitée.

Les organisateurs du colloque lancent une invitation à soumettre des propositions de communications et suggèrent, à titre indicatif, les axes de réflexion suivants :

 1. Les règles et les valeurs académiques 
— Définition et controverses
— Développement et évolution du concept de libertés académiques et d’autonomie de l’université en Tunisie
— La place de l’Université dans les textes juridiques tunisiens 
— La législation tunisienne en matière des libertés universitaires au regard des normes internationales
— L’État face aux libertés académiques 
— Les facteurs religieux, sociaux et culturels ayant une incidence sur les libertés académiques et les restrictions liées à la sécurité nationale ou imposées par des codes professionnels

 2. Le récit des violations des libertés universitaires par les enseignants, les autorités politiques et les étudiants et la riposte des Universités tunisiennes

 3. La justice et les libertés académiques

— Commentaires d’arrêts du tribunal administratif au sujet du code vestimentaire 
— Commentaire de la consultation sur l’habilitation du ministère de l’Enseignement Supérieur à légiférer sur la liberté vestimentaire.

 4. Comment les institutions universitaires peuvent-elles défendre les libertés universitaires ?
— Amélioration des textes juridiques
— Rôle des règlements intérieurs
— Rôle de la loi
— Diffusion de la culture des libertés universitaires

 5. Les libertés universitaires dans le monde

 6. Le rôle de la société civile

 7. Pour un livret relatif aux libertés universitaires

Appel à communications :

Les organisateurs du colloque lancent une invitation à soumettre les propositions de communications sur le thème proposé suggéré, au plus tard le 14 janvier 2014. Les propositions devront être soumises par voie électronique au professeur Nihel Ben Amar (benamar_nihel@yahoo.fr) ou au professeur Habib Mellakh (habib.mellakh@gmail.com).

Les auteurs des propositions sélectionnées pour présentation au colloque seront informés de l’acceptation l’accord avant le 21 janvier 2014. Ils devront alors envoyer le texte final des communications aux adresses électroniques précédemment mentionnées au plus tard le 15 Janvier 2014.

Il est à noter que :

 Le résumé ne doit pas excéder deux pages
 Le texte de la communication ne doit pas dépasser 10 pages. 
 Les textes des communications seront publiés dans les actes du colloque. 

Règles générales de présentation :

Pour uniformiser les textes et aider au traitement des actes du colloque, il est demandé de considérer les règles suivantes :

 Utiliser la police Times New Roman avec une taille de caractère de 12 points. 
 Choisir un interligne simple pour tout le document. 
 Marquer le passage à un nouveau paragraphe ou à une nouvelle section par un 
 interligne double (et non par un retrait de première ligne). 
 Placer la numérotation des pages en bas de page et centrée. 
 La largeur des marges en haut, en bas, à droite et à gauche ne doit pas être inférieure à 2,2 cm. 
 Composer une première page portant le titre du texte, les noms des auteurs, l’institution à laquelle ils appartiennent et le thème auquel se rapporte la communication.

Comité d’organisation :

 Habib Kazdaghli
 Nihel Ben Amar
 Rabaa Abdelkéfi Ben Achour 
 Habib Mellakh 
 Taoufik Karkar

Pour de plus amples renseignements concernant le colloque, s’adresser à :

Nihel Ben Amar (+216 98 666 248) ou par mail à valeur.universitaire@gmail.com