Questions de société
La CP-CNU se prononce sur le Projet de décret sur les statuts des enseignants-chercheurs.

La CP-CNU se prononce sur le Projet de décret sur les statuts des enseignants-chercheurs.

Publié le par Marc Escola

Conseil national des universités
Conférence permanente





CA de la CP-CNU du 12 novembre 2008

C.R. N°12/2008



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Le Conseil d'administration de la CP CNU s'est tenu le 12 novembre 2008.

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Ordre du jour
I. Projet de décret sur les statuts des enseignants-chercheurs et attributions du CNU
II. Evaluation du CNU par l'AERES

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I. Projet de décret sur les statuts des enseignants-chercheurs

Projet de décret modifiant le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences et portant diverses dispositions relatives aux enseignants-chercheurs.
Une analyse détaillée du projet de décret transmis par le ministère à la CP-CNU le 30 octobre 2008 a été réalisée par le Conseil d'administration de la CP-CNU qui s'est réuni par deux fois les 3 et 12 novembre 2008.
La CP-CNU estime que ce projet de décret contient des avancées notables pour le statut des enseignants-chercheurs, en particulier sur la reconnaissance des différentes missions qui sont aujourd'hui assurées par les universitaires, au-delà du strict service d'enseignement devant les étudiants et d'une activité de recherche.
Elle se félicite qu'un certain nombre de ses propositions, précisées dans le document remis à la commission Schwartz, aient été pris en compte : mise en place d'une évaluation quadriennale de tous les enseignants-chercheurs, évaluation de la totalité des activités (et pas uniquement du volet recherche), confortation du rôle du CNU dans sa mission d'évaluation.
Elle réaffirme son attachement à la dimension nationale des corps d'enseignants-chercheurs ainsi qu'à la dualité du métier (volet enseignement et volet recherche).
Elle constate que le projet de décret va dans le sens de la restriction de la dimension nationale du statut des enseignants-chercheurs, en particulier en ce qui concerne la remise en cause du contingent national des promotions et leur attribution par les seuls établissements sans cadrage national.
C'est pourquoi, elle tient à formuler un certain nombre de réserves et à effectuer des propositions pour améliorer un document qui, en l'état, n'est pas jugé satisfaisant.

A. Modulation des services

1. Principe de base
La CP-CNU est favorable à une modulation des services qui soit compatible avec les légitimes aspirations des enseignants-chercheurs et avec les impératifs de fonctionnement des universités et qui se fasse dans le respect des fondements de la dimension nationale des corps d'enseignants-chercheurs.
Pourtant, une modulation des services, telle qu'elle est instituée dans le projet de décret, sans convention écrite entre les personnels et la direction des établissements, sur une base uniquement annuelle, sans possibilité de recours devant une instance nationale et sans cadrage national de la définition des services est irrecevable dans son principe.
Par ailleurs, les modalités d'application qui sont envisagées (cadrage par le Conseil d'administration de l'université puis définition des services par le président de l'université) créent un risque de rupture d'égalité entre les enseignants-chercheurs. Cette rupture d'égalité entre des membres d'un corps national n'apparaît pas conforme à la Constitution et ne permet donc pas l'application de la modulation des services telle qu'elle est envisagée.
Enfin, la modulation ne doit pas se traduire systématiquement par un accroissement des charges d'enseignement car ceci reviendrait à établir une hiérarchie entre l'activité de recherche et celle d'enseignement et donc à dévaloriser la fonction d'enseignant.

2. Propositions

a. Une modulation sur projet
La modulation des services devrait être effectuée sur la base d'un projet. Ce projet aurait les caractéristiques suivantes :
- un engagement écrit entre l'université et l'enseignant-chercheur,
- une définition de l'ensemble des activités de l'enseignant-chercheur (avec un minimum d'activités d'enseignement et un minimum d'activités de recherche),
- une validation préalable par le Conseil scientifique de l'université,
- une validité pluriannuelle (sur une base de quatre ans modulable en fonction des évolutions de l'enseignant-chercheur ou de l'université), et non pas annuelle, afin de définir de vraies orientations d'activité (un couplage avec les plans quadriennaux des établissements est nécessaire).

b. Une modulation cadrée au niveau national
Afin de ne pas introduire d'inégalité de traitement entre tous les enseignants-chercheurs, il est nécessaire de renforcer le cadrage national de la modulation des services qui devrait se traduire par :
- la définition d'un tableau national des équivalences de services,
- une évaluation nationale de tous les enseignants-chercheurs.

c. Une modulation susceptible de recours
En cas de désaccord entre le président de l'université et l'enseignant-chercheur, des instances de recours devraient être organisées, d'abord au niveau local (par les pairs), puis au niveau national (par le CNU).

3. Précisions sur le service d'enseignement
La référence à un service d'enseignement de 192 heures (équivalent TD) est perçue positivement mais son sens doit être défini avec davantage de précision. Les tâches d'encadrement de stages ou de formation à distance doivent notamment être reconnues comme des enseignements à part entière et se voir décompter comme les enseignements présentiels.
Le projet de décret semble acter l'équivalence des heures de TD et de TP, ce dont le CA de la CP-CNU se réjouit. Pour que cela soit bien clair, la rédaction suivante est proposée (article 4, I, 1o) : « … durée annuelle de référence égale à 128 heures de cours ou 192 heures de travaux dirigés ou de travaux pratiques, ou toute combinaison équivalente ».


B. Evaluation

1. Principe de base
Dans le projet de décret, il est fait mention d'une évaluation récurrente à rythme quadriennal des enseignants-chercheurs par le CNU. Le principe même d'une telle évaluation est conforme aux souhaits de la CP-CNU, tels qu'exposés dans sa réaction au « rapport Schwartz ». En revanche, cantonner l'usage de cette évaluation par le CNU à une appréciation de la seule activité de recherche pour justifier la modulation locale des services (article 4) ne paraît pas soutenable :
- d'une part, une régulation nationale de l'évaluation de l'activité des enseignants-chercheurs dans toutes leurs missions est nécessaire.
- d'autre part, une vision de l'investissement global de l'enseignant-chercheur est indispensable, eu égard aux différentes missions qui sont par définition les siennes. Il est nécessaire que les priorités ponctuelles accordées à l'une de ces missions par rapport aux autres puissent être situées par rapport à la charge de travail consentie dans les autres activités.

2. Propositions

a. Une évaluation de l'ensemble des activités
La CP-CNU demande que l'ensemble des activités de l'enseignant-chercheur soit évalué au niveau national par le CNU, sur la base d'un dossier qui comporterait également des appréciations locales (en particulier pour l'évaluation des enseignements).

b. Une évaluation individualisée
L'évaluation doit être resituée d'une part par rapport au projet de l'enseignant-chercheur et, d'autre part, par rapport au contexte local où se trouve l'enseignant-chercheur. En ce sens l'évaluation doit être personnalisée.

c. Une évaluation lisible et utile
L'évaluation doit être à la fois lisible (et ne pas se limiter à une « note » globale), mais aussi utile à l'enseignant-chercheur et à l'université. C'est pourquoi la CP-CNU préconise que :
- le dossier soit évalué au niveau de chaque activité présenté dans le projet de l'enseignant-chercheur (par exemple sous la forme d'un classement A/B/C),
- que des recommandations écrites soient formulées, en particulier en cas d'évaluation négative,
- que l'évaluation puisse faire l'objet d'une réponse par l'enseignant-chercheur et que cette réponse soit jointe au dossier,
- que cette évaluation soit contraignante au niveau local par rapport aux conséquences qui pourraient en être tirées.

C. Qualifications

La dispense de qualification pour certains candidats exerçant à l'étranger (articles 15 et 24) ainsi que le pouvoir confié aux Conseils Scientifiques des établissements de dispenser ces candidats du doctorat ou de l'habilitation à diriger des recherches (articles 18 et 26) sont jugés inquiétants et sources d'iniquités entre les candidats. La CP-CNU estime que ces prérogatives doivent rester dans les attributions du seul CNU, en particulier pour ne pas introduire de rupture d'égalité entre les candidats.

D. Champs disciplinaires

Les articles 25 et 47 font état de la disparition de la référence aux sections du CNU dans les caractéristiques des emplois d'enseignants-chercheurs publiés par les universités. La CP-CNU juge cette disposition contraire aux intérêts propres des champs disciplinaires et à leurs articulations mutuelles et réclame le rétablissement de l'obligation d'une telle référence.

D. L'instance spécifique

La CP-CNU considère que « l'instance spécifique» telle qu'elle est conçue ne permet pas d'en attendre un fonctionnement satisfaisant (en particulier du fait de sa composition). De plus, le maintien de cette instance est contradictoire avec l'idée d'autonomie des universités, c'est pourquoi la CP-CNU demande sa suppression et que la promotion des catégories de personnels concernés soit effectuée suivant les règles communes à tous les enseignants-chercheurs. Ceci est particulièrement nécessaire pour les collègues des établissements à faible effectif.

E. Promotions

1. Analyse
Les modalités de promotions ont fait débat au sein de la CP-CNU qui a longuement discuté les deux alternatives :
- maintien du système actuel (un contingent national et un contingent local),
- établissement d'une « liste d'aptitude pour les promotions » par le CNU, puis choix au niveau local.
La première option permet le maintien d'une régulation nationale au niveau des disciplines, permet de se dégager des contextes locaux.
La deuxième option va dans le sens d'une plus grande autonomie des universités mais peut s'accompagner de dérives locales et ne garantit pas un volant de promotions au niveau de chaque discipline. En particulier, les disciplines à faibles effectifs pourraient, dans cette optique, ne pas bénéficier de promotions pendant un nombre d'années important, ce qui conduirait à terme, inévitablement, à une désaffection de recrutement par manque de perspectives de carrières.

2. Propositions
La CP-CNU est cependant favorable à la deuxième option, sous réserve expresse :
- que l'ensemble des enseignants-chercheurs soit soumis à la procédure (suppression des promotions via « l'instance » et intégration des collègues des établissements à faibles effectifs dans cette procédure),
- que la « liste d'aptitude des promotions » soit contraignante pour les établissements, c'est-à-dire que les promotions ne puissent être effectuées au niveau local qu'à l'intérieur des propositions faites par les sections du CNU,
- qu'il soit trouvé une solution afin d'éviter l'absence de promotions dans les sections à faibles effectifs ou jugées « non prioritaires » par les établissements,
- qu'il soit trouvé une solution pour assurer la promotion des collègues qui effectuent leur recherche en dehors de leur établissement d'affectation.

La CP-CNU estime qu'il n'est pas raisonnable de laisser aux seuls Conseils d'administration, qui vont statuer en formation restreinte aux enseignants-chercheurs élus, le soin d'effectuer les promotions. En effet ceci fera reposer sur un trop faible nombre de personnes des décisions pour lesquelles des compétences pluridisciplinaires sont requises.

La CP-CNU demande à ce que l'attribution des PEDR soit effectuée suivant la même démarche que celle de l'attribution des promotions (liste d'aptitude établie par le CNU puis choix par l'établissement à l'intérieur de cette liste).

F. Divers

1. Décharges de service
La CP-CNU demande que soient formellement actées des décharges de service pour ses membres étant donné l'alourdissement considérable des charges de travail avec la mise en place de l'évaluation récurrente des enseignants-chercheurs.

2. Décret CNU
La CP-CNU demande que le projet de décret sur le CNU soit présenté très rapidement afin d'avoir une vision globale sur les transformations envisagées.


II. Evaluation du CNU par l'AERES

Le Conseil d'administration,

Considérant que l'AERES, en vertu de l'article L. 114-3 du Code de la recherche est notamment compétente pour « évaluer les établissements et organismes de recherche » et « les établissements d'enseignement supérieur et de recherche » (1°) et pour « valider les procédures d'évaluation des personnels des établissements et organismes » ci dessus-mentionnés (4°) ;
Considérant que le Conseil National des Universités n'est ni un établissement et organisme de recherche, ni un établissement d'enseignement supérieur et de recherche et, en conséquence, ne relève pas du champ de compétences de l'AERES ;
Considérant, de surcroît, que le CNU, dans le cadre de la procédure de qualification, d'une part ne se prononce pas sur des « personnels » mais sur des candidats à un emploi, et, d'autre part, n'a pas de fonction d' « évaluation » mais est un jury de recrutement à un emploi dans la fonction publique ;
Estime que l'AERES ne dispose d'aucune compétence pour évaluer et valider les procédures mises en oeuvre par les sections du CNU et que toute demande adressée par l'AERES en ce sens est infondée ;
Considérant que les sections du CNU doivent oeuvrer afin d'accroître la transparence de leurs procédures, recommande aux sections du CNU de communiquer toutes informations sur leurs procédures à la CPCNU afin de favoriser une harmonisation des dites procédures dans le respect des exigences tant réglementaires que déontologiques et d'en assurer la publicité.

Adoptée à l'unanimité des présents du CA


Membres du CA présent :
A B
Frédéric Sudre (Gr I / 2) Sandrine Leveque (Gr I / 4)
Aude Rouyère (Gr I / 2) Claudine Olivier (Gr III / 7)
Monique Zollinger Blanot (Gr II / 6) Didier Chamma (Gr VII / 31)
Rémy Dor (Gr III / 15) Malik Chami (Gr VIII / 37)
Jean-Louis Montero (Gr VII / 32) Daniel Huilier (Gr IX / 60)
Christophe Sauty (Gr VIII / 34) Thierry Oster (Gr X / 64)
Hervé Diot (Gr VIII / 35) Nicolas Benguigui (Gr XII / 74)
Alain Nicolas (Gr IX / 63)
Jacques Moret
Simone Mazauric (Gr XII / 72)
Jean-Marie Barbier (Groupe XII / 70)
Georges Dorignac (Gr XIII / 56)
Pierre Galanaud (Gr médical)


Membres du CA excusés :
A B
Daniel Etiemble (Gr V / 27)