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La citation dans le théâtre contemporain

La citation dans le théâtre contemporain

Publié le par Vincent Ferré (Source : Frédérique Toudoire-Surlapierre)

Projet d'ouvrage collectif : la citation dans le théâtre contemporain

Réfléchir à la notion d'intertexte dans le théâtre contemporain (1950-2000), plus précisément encore à l'une de ses formes qu'est la citation, afin de s'interroger sur le statut dramatique et poétique de la culture au théâtre : la citation dans le texte théâtral ne sera pas seulement comprise comme réécriture, réactivation d'un matériau par ce « décalque » (Jean-Pierre Sarrazac), qu'il soit disqualification du modèle ou hommage rendu à la mémoire littéraire. Elle est également dialogique, présente dans deux textes distincts dont elle provoque la concertation, ce que la diction théâtrale exploite et minore, en la faisant allusivement entendre. Aussi scrupuleuse soit-elle, la citation n'en est pas moins dissidente, « déraison suffisante », « infidèle » et « corrompue », « simulacre » et « trompe-l'oeil » selon Antoine Compagnon, « dégradation de l'original et de l'origine », autant de propositions théoriques qui nous paraissent particulièrement stimulantes dans une optique théâtrale : la citation n'entretiendrait-elle pas des relations conflictuelles avec la posture même de la tribune ? Quand « les Messieurs de Port-Royal désapprouvaient la citation en chaire » (La seconde main), nous faisons le pari que la citation gagne à être envisagée dans une perspective générique, et plus encore qu'elle aurait des choses à dire au théâtre.

● Réécriture, appropriation d'un « incontournable » théâtral - détourné de son sens ou de ses visées premières (Lear d'Edward Bond, Falstaff de Valère Novarina), voire d'une pièce entière – adaptée, modifiée selon quelles modalités ? (Les Troyennes d'après Euripide de Vinaver), sans oublier que les processus de réécriture par le théâtre ne prennent pas tous leurs sources dans le théâtre (Barbe-Bleue espoir des femmes de Dea Loher)

● Citation qui implique complétude, la pièce de théâtre venant amender, justifier, enrichir l'oeuvre citée : Elfriede Jelinek propose ainsi une suite à Maison de Poupée d'Ibsen (Ce qui arriva quand Nora quitta son mari), et dans Amerika suite, Biljana Srbljanovic reprend sous forme théâtrale une réflexion selon elle amorcée par Kafka dans le roman inachevé Amerika

●     La complétude induit une instance critique appuyant les manques du modèle (Sarah Kane L'amour de Phèdre)

●     Citation textuelle (intertexte strict) : un personnage lit Hésiode à la fin de Tendre et cruel de Crimp, pièce qui est une réécriture des Trachiniennes, la rhapsodie des différents registres de citations est aussi à l'oeuvre avec du matériau extra-littéraire, comme avec le commentaire de films au début du Baiser de l'oubli de Botho Strauss (1998) dont le sous-titre vivarium rouge implique l'observation par le théâtre des moeurs culturelles des lecteurs ; quel est le rôle de la mémoire collective, du rapport à la culture dans ces citations livresques ou artistiques proposées sur une scène face à un public ?

● Le théâtre auto-référencé : la pièce transforme un auteur dramatique en personnage comme chez Werner Schwab La ravissante ronde du ravissant monsieur Arthur Schnitzler. Dans Embrasser les ombres (2003) de Lars Noren, le dramaturge Eugene O'Neill est personnage dans un drame familial, et finit par brûler ses pièces. Citer O'Neill pour en faire un personnage est un processus qui montre que la citation au théâtre implique des dérivations de genre, de statut, des interrogations sur la place de la voix auctoriale et de la mémoire théâtrale.

Cette liste n'est pas exhaustive. On s'intéressera particulièrement aux cas limites, quand la citation s'émancipe du modèle, quand le matériau textuel en génère d'autres dont il ne peut plus être dissocié, comme dans le tissu de citations et de créations de l'Acte inconnu de Valère Novarina ; la rhapsodie répétitive des citations médiatiques dans 11 septembre 2001 de Vinaver se fait théâtre, transforme du médiatique en littéraire ; faire usage de la citation, c'est participer de la fabrique du théâtre, c'est l'activer en tant que travail sur la mémoire, la représentation, le rappel, la réactivation de textes. Citer, c'est aussi sortir de l'oubli pour mettre sur scène (Roland Schimmelpfennig Avant/Après).

Le dramaturge contemporain serait-il, pour reprendre le titre d'une pièce de Jan Fabre Le Roi du plagiat, employé à réactiver une biographie des ombres (Lars Noren) par la re-présentation de matériaux antérieurs ? C'est l'emprunt sous toutes ses formes que cet ouvrage se propose d'envisager. L'étude des différents statuts de la citation voudrait permettre de s'interroger sur le statut et le rôle de la citation au théâtre, sur sa portée dramatique et esthétique. Possède-t-elle une ou plusieurs configurations dramaturgiques ?

Les propositions de communication devront parvenir par courrier électronique, aux deux adresses suivantes : frederique.toudoire@free.fr et florence@jfix.com, avant le 30 mai 2008. Après acceptation du comité de lecture, les articles devront être remis le 15 décembre 2008 pour une publication en 2009 aux Editions Universitaires de Dijon (EUD), l'ouvrage s'inscrivant dans la filiation des publications consacrées respectivement au monologue, à la didascalie et au choeur sur la scène.