Questions de société
L. Vogel,

L. Vogel, "Le grand emprunt manque de vision politique", Le Monde, 4/4/2011

Publié le par Laure Depretto

"Le grand emprunt manque de vision politique"

Entretien avec Louis Vogel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU) paru dans le Monde, 4/4/11

Propos recueillis par Philippe Jacqué

Si les investissements d'avenir, engagés grâce au grand emprunt, sont salués par les présidents d'université, la mise en oeuvre pose problème à la Conférence des présidents d'universités (CPU), l'instance représentative de l'ensemble des universités.

Dans un entretien au Monde, lundi 4 avril 2011, Louis Vogel, son nouveau président élu le 16 décembre, juge que le processus d'allocation des moyens est compliqué et peu lisible. Surtout, il tire un premier bilan des résultats dévoilés fin mars (voir les résultats "laboratoires d'excellence", "initiatives d'excellence" ou en encore "instituts hospitalo-universitaires"). Extrait.

Les premiers résultats des laboratoires d'excellence vous satisfont-ils?

Ils sont inexplicables pour certains universitaires. Le seul critère sur lequel on a demandé au jury de se prononcer était le critère d'excellence scientifique. Ce que les jurys internationaux ont jugé, et, dans l'ensemble, bien jugé. Mais c'est un choix qui peut être discuté. Il a abouti à une "photographie" de l'état des forces scientifiques françaises actuelles, et non à une vision prospective de la recherche à vingt ans.

Les lauréats se concentrent en région parisienne, en Alsace, en Rhône-Alpes et un peu dans le Sud. En revanche, le Grand Ouest, une partie de l'Est ou le nord de la France sont désertés. Le grand emprunt, comme il est aujourd'hui envisagé, désavantage de fait les centres de recherche en devenir, les équipes prometteuses des différentes universités.

L'objectif du grand emprunt était bien de renforcer des pôles de stature mondiale et de renoncer au "saupoudrage"… Seriez-vous opposé à cette logique?

J'appelle simplement le gouvernement à prendre ses responsabilités politiques et à investir aussi dans les zones d'avenir. Le processus choisi ignore le travail en réseau. Prenez le Grand Ouest: les établissements y sont dispersés. Il n'y aura jamais une seule grande université sur un seul des sites. Le gouvernement aurait pu conseiller aux jurys, en toute transparence, de financer des "réseaux universitaires" en plus des sites d'excellence.

De même, regardez les universités en cours de fusion, comme Aix-Marseille ou la Lorraine. Elles n'ont pas été valorisées par les jurys. C'est contradictoire avec le message que porte le gouvernement. Enfin, au niveau disciplinaire, des pans entiers de recherche ont été ignorés. Le droit, les lettres, la gestion se retrouvent dans de très rares laboratoires d'excellence. Pourquoi? Parce que ces disciplines ne travaillent pas comme les sciences dures, et ne peuvent donc répondre à des appels d'offres préparés pour elles.

Là aussi, le gouvernement aurait dû indiquer ses priorités aux jurys. Il manque du "politique" dans le processus de décision du grand emprunt.


Intégralité de l'entretien dans le Monde, édition papier, daté du 5 avril.