Questions de société

"L’Université Paris-Dauphine double ses frais d’inscription pour la rentrée 2008", par Jade Lindgaard (Mediapart, 04/07/08)

Publié le par Bérenger Boulay

 

Site Mediapart (04/07/08)

"L'Université Paris-Dauphine double ses frais d'inscription pour la rentrée 2008", par Jade Lindgaard.

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A la veille des vacances d'été, la décision est passée inaperçue :
l'université Paris-IX Dauphine vient de quasiment doubler les
droits d'inscription de ses premières et deuxièmes années de li-
cence. Dès la rentrée 2008, les étudiants de L1 et L2 devront payer
460 euros de frais de scolarité, contre 250 euros jusqu'ici. Cette
hausse de 85% a été votée par le conseil d'administration du 23
juin à une écrasante majorité (38 voix pour, 2 contre, 4 absten-
tions).
«Nous sommes en désaccord avec cette augmentation, sortie de
nulle part, votée alors que les étudiants ne sont plus là pour ré-
agir », proteste Léa Réguer, du syndicat étudiant Unef. «Il n'y a
pas d'autre intention que de gérer le quotidien de l'université »,
répond Laurent Bastch, président de l'université. «Je n'ai pas à
me justifier, ce n'est pas une question nationale, cela ne concerne
que Dauphine .»
Selon la présidence de l'université, les 210 euros supplémentaires
par étudiant serviront à financer l'accès aux bases de données
spécialisées de la bibliothèque, ainsi qu'à un centre multimédia.
Ce qui revient à «obliger les étudiants à souscrire à des options
jusque-là facultatives ! » critique l'Unef.
Le coût de la scolarité à Dauphine s'élèvera désormais nettement
au-dessus du tarif fixé par le ministère de l'enseignement supé-
rieur et de la recherche pour la rentrée universitaire 2008/2009 :
169 euros (contre 165 en 2007/08) pour la licence, en hausse de
2,5%. Alors que consigne a été donnée aux universités de «veiller
scrupuleusement au respect de la législation », Dauphine ne se
met pourtant pas hors la loi. La hausse de ses tarifs ne porte en
effet que sur ses filières de diplômes d'universités (les «DU »),
librement définis et tarifés par les facultés, à la différence des di-
plômes nationaux dont les droits d'inscription sont fixés chaque
année par décret gouvernemental. Mais à Paris-IX, qui bénéficie
du statut de grand établissement (comme le collège de France,
l'EHESS, le Cnam...), l'intégralité des étudiants en première et
deuxième année sont inscrits en «DU ». Ce sont près de 2000
étudiants qui devront donc débourser près du double de la somme
habituelle.
Le «cas» Dauphine
Cet épisode intervient près de cinq mois après l'adoption par
l'université d'une feuille de route prévisionnelle envisageant
d'augmenter très fortement l'ensemble des frais d'inscription de
l'université, toutes années confondues. Selon ce scénario, calé sur
le plan quadriennal 2009-2013, les étudiants de première année
de licence pourraient verser jusqu'à 1650 euros annuels, ceux de
Master 2 jusqu'à 3000 euros. Mais la perspective de sortie du
cadre national du diplôme avait valu à Laurent Batsch un sévère
rappel à l'ordre du ministère de l'enseignement supérieur et de la
recherche. Le président de l'université s'était alors défendu en ex-
pliquant avoir besoin de «plusieurs millions d'euros supplémen-
taires» pour «rester dans la course ».
Cette fois-ci, la situation semble différente : le quasi doublement
des droits d'inscription de Dauphine ne devrait pas rapporter plus
de 400.000 euros à l'université, une faible recette par rapport
à son budget d'environ 20 millions d'euros (hors salaires). Le
compte financier 2007 de l'établissement s'est clos sur un excé-
dent de 1,84 million d'euros.
En off, un membre du conseil d'administration en désaccord avec
la hausse, analyse : «Le but n'est pas de faire entrer l'argent dans
la caisse, mais de montrer que derrière le président, toute l'uni-
versité veut augmenter les frais d'inscription. Pour faire pression
sur Valérie Pécresse.» Mais de son côté le ministère se retranche
derrière la légalité du dispositif : «A partir du moment où Dau-
phine respecte la loi », il n'y a rien à redire.
Le département de mathématiques et informatique de la déci-
sion et des organisations (Mido), concerné par l'un des deux DU,
a voté contre l'augmentation des tarifs. En revanche, la licence
sciences des organisations (LSO) l'a acceptée.
Pour Antoine Claudé, étudiant et membre du collectif Dauphine
pour tous : «Cette décision est irrespectueuse vis-à-vis des ba-
cheliers qui se sont inscrits avant cette hausse, et des étudiants
de première année qui vont devoir payer plus que prévu pour
leur deuxième année. La loi sur l'autonomie des universités votée
l'année dernière permet plus de liberté dans la création des di-
plômes d'université : d'autres universités ne vont-elles pas s'ins-
pirer du précédent Dauphine ? Les diplômes librement tarifés
vont-ils se multiplier ? »
Une nouvelle fois, le cas Dauphine pose la question de l'usage
des diplômes d'établissement par les universités pour augmenter,
en toute légalité, leurs frais d'inscription. En parallèle du système
national, et malgré les consignes du ministère.