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L'obsession en littérature : formes et enjeux (Gabès, Tunisie)

L'obsession en littérature : formes et enjeux (Gabès, Tunisie)

Publié le par Marc Escola (Source : Meriem Ahmed)

Université de Gabès (TUNISIE)

L'Institut Supérieur des Langues (Département de Français)

en collaboration avec l'Unité de Recherche en Littérature, Discours et Civilisation, Sfax (URLDC)

 

Colloque international

L'obsession en littérature : formes et enjeux

19, 20 et 21 avril  2017

 

Trouble du contenu de la pensée, l'obsession a été longtemps associée à la psychanalyse, condamnée au rejet, et considérée comme un symptôme se traduisant par une pensée contraignante et absurde qui hante le sujet et le torture, malgré des efforts pour s'en évader. Le dictionnaire de la psychanalyse décrit l'obsession comme « une pensée (dans le sens le plus large : idée, désir, remords, scrupule, etc.) qui « assiège » le sujet, c'est-à-dire une pensée qu'il ne peut pas écarter, malgré ses efforts » (Encyclopaedia Universlis, Préface de Philippe Sollers, Dictionnaire de la psychanalyse, Albin Michel, 2001, p. 528). L'obsessionnel, selon Freud, se caractérise par le sentiment de doute, le mouvement perpétuel d'oscillation, symptôme de l'ambivalence de ses sentiments. Chez Lacan, liée à une pensée idéale « dont l'âme s'embarrasse, ne sait que faire » (Jacques Lacan, Télévision, Paris, Seuil, 1974, p. 17), elle constitue également un sacrilège, « une destruction par le verbe et par le signifiant », car, comme le dit Freud, elle est faite d'Einfälle, de pensées de caractère obscène, sacrilège, scatologique, injurieux, qui hantent l'obsédé, qui lui transforment la vie et qui le transcendent.

Ce colloque n'a pas pour but de se consacrer aux manifestations psychanalytiques de l'obsession, ni à la névrose obsessionnelle, nous voulons plutôt nous interroger sur les différentes formes et les multiples enjeux de l'obsession en littérature.

L'obsession, du latin obsession, désigne : « idée, image, sensation qui s'impose à l'esprit de façon répétée, incoercible et pénible ; préoccupation constante dont on ne parvient pas à se libérer ». Elle est l' « action d'assiéger, d'importuner de manière continue ». Selon le Dictionnaire de l'Académie Française, le verbe « obséder » est défini comme étant le fait d'importuner, d'excéder quelqu'un par ses assiduités, par ses démarches. Il signifie au figuré « tourmenter d'une manière persistante » (Trésor de la Langue Française, Dictionnaire de la Langue du XXème siècle, Tome Quinzième, Paris, Gallimard, 1994, p. 244.). Il rend compte d'une définition qui peut paraître générale et vague. Mais qu'en est-il de l'obsession au champ même de la littérature ? Quand écrire devient une obsession, les mots se dérobent et les sens se figent. L'obsession devient, dès lors, à la fois une démarche volontaire, une nécessité au service d'une poétique de l'hybris, essayant de défier les normes et d'épuiser la forme, et un espace où se déploient les images qui hantent l'auteur ou l'artiste. C'est ainsi que plusieurs écrivains sont habités par l'obsession : obsession de l'être, de soi (tel est le cas du mythe personnel des poètes du XIXème siècle) et des autres (Images de soi et rapport aux autres dans l'œuvre d'André Gide, Idéal de l'intellectuel engagé chez Sartre), obsession sexuelle (plaisir et libertinage chez Sade), obsession de l'ailleurs (l'obsession de Gérard de Nerval pour un espace-temps différent dans Sylvie), ou encore obsession du style, des mots et du langage (chez Flaubert ou Baudelaire).

La notion d'obsession occupe aujourd'hui une place privilégiée dans les productions littéraires. Phénomène complexe, elle se construit ainsi au moment même de l'élaboration de l'oeuvre. Elle met en question le style d'un écrivain ou d'un artiste. Si le mot est d'abord employé dans le sens d'une « représentation accompagnée d'états émotifs pénibles qui tend à accaparer tout le champ de la conscience », il renvoie, dans un sens plus large, à « un état psychique consistant dans la présence à l'esprit d'une préoccupation ou d'une représentation, son ou image, que la volonté ne parvient pas à écarter. » Il faudra repenser les multiples facettes de l'obsession dans les domaines artistique et littéraire en étudiant les effets que produit l'obsession dans le corps même de l'écriture, comme un dynamisme latent qui structure le texte.

En parlant d'obsession, nous sommes amenés à nous interroger sur l'omniprésence d'un leitmotiv dans une oeuvre, sur la pluralité de ses significations. Les diverses formes de l'écriture de l'obsession échappent à la vigilance de leur propre auteur. Ainsi, quels que soient son statut, son objet, sa motivation ou sa portée, l'obsession se décline sous plusieurs formes embrassant des univers différents.

On peut noter qu'il existe diverses  relations  entre l'obsession et la création littéraire : elle est chez certains écrivains une source féconde de la création ; elle engendre un désir intense de l'exorciser, de se libérer par la parole. Chez d'autres auteurs, l'obsession est traumatique, liée à la faute, au scrupule, au sentiment de répulsion Des interdits s'établissent et rendent pratiquement irréalisable l'aveu. Ces obstacles[1] au dire doivent être levés pour que le jaillissement de la parole se réalise et pour que l'auteur arrive à rompre avec l'obsession. On pourra s'intéresser  au caractère contraignant et angoissant de l'obsession et à la disproportion entre l'idée qui semble dérisoire et l'intérêt excessif que nous lui accordons. L'obsédé est menacé de délire et de folie. Il serait donc intéressant d'examiner les différentes postures de l'écrivain vis-à-vis de cette expérience. Comment une idée ou un mot s'imposent-ils à l'œuvre de façon répétée et incoercible ? Comment un écrivain arrive-t-il à donner forme à l'obsessionnel et à l'inscrire dans un processus de production et de réception littéraires ?

Ce colloque a pour objectif d'explorer les multiples potentialités de recherche et d'analyse  qu'offre une question qui est encore aujourd'hui peu étudiée. Il propose de réexaminer les différentes approches de l'obsession en vue de repenser la notion dans une  perspective de renouvellement. C'est dans ce sens que nous proposons les axes de réflexion suivants :

-les divers types d'obsession en littérature.

-L'obsession phobique et la  névrose obsessionnelle en littérature.

-Les manifestations thématiques et stylistiques de l'obsession.

-La production et la réception de l'obsession.

-Les techniques de représentation de  l'obsession en littérature.

-Obsession du temps / de l'espace.

-L'obsession dans la littérature fantastique.

-L'approche psychanalytique et l'obsession en littérature.

-L'obsession et le thème du regard.

-Obsession des origines et quête identitaire.

-Obsession du style.

-Métatextualité et obsession.

-L'image de l'obsédé en littérature.

 

Bibliographie :

-          « L'obsession de la faute », La Licorne, N° 20, octobre 2005.

-          André Jacques, « L’identité ou le retour du même. Les discours sur l’identité et les configurations de la parenté », Paris, Les Temps modernes, n° 441-442, p. 2027.

-          A. Borel et M. Cénac, « L'Obsession », in Revue  française Psychanalytique., Paris, 1932.

-            André Green, La névrose obsessionnelle, in Revue française de psychanalyse, 1967.

-          Bernard Brusset, Catherine Couvreur et coll. : La Névrose obsessionnelle, Éditeur : Presses universitaires de France, 1993,

-          Charles Mauron, Des métaphores obsédantes au mythe personnel, Paris, José Corti, 1963.

-          Yves Vadié, Dominique Rabaté, Écritures du ressassement, in Modernité 15, Presses Universitaires de Bordeaux, 2001.

-          Yvan Klima "L'obsession de la perfection", Le Magazine littéraire, 2002.

-          Marc Amfreville, Les formes de l'obsession dans la littérature anglaise et américaine, Michel Houdiard, 2007.

Le colloque se tiendra du 19 au 21 avril 2017 à l'Institut Supérieur des Langues de Gabès. Les communications seront d'une durée maximale de 20 minutes. Les propositions de communication doivent être envoyées au plus tard le 30 septembre 2016, accompagnées d'une notice biobibliographique à :

meriemahmed13@gmail.com

malek.khbou@gmail.com

 

Date limite de réponse et de confirmation : 30 octobre 2016

Remise des articles : 30 Juin 2017

 

Responsables : Meriem Ahmed et Malek Khbou

Organisateurs : Meriem Ahmed, Arselène Ben Farhat, Maroua Derwiche, Pierre Garrigues, Malek Khbou, Dorsaf Mabrouk, Ramzi Tej.

Ce colloque est organisé par le département de Français de l'Institut Supérieur des Langues de Gabès (ISLG) en collaboration avec l'Unité de recherche en Littérature, Discours et Civilisation, Sfax (URLDC).

 

[1]       J. Schérer écrit: « les obstacles peuvent être extérieurs ou intérieurs. Ils seront extérieurs si la volonté du héros se heurte à celle d’un autre personnage ou à un état de fait contre lequel il ne peut rien. Ils seront intérieurs si le malheur du héros vient d’un sentiment, d’une tendance ou d’une passion qui est en lui » (La Dramaturgie classique, Nizet, 1973, p. 63).