Questions de société

"L'IUFM et ses fantômes. Entre critique radicale, évaluation experte et politique libérale", par M. Fabre (université de Nantes, CREN, 4/09/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Sur le site de SLU:

L'IUFMet ses fantômes. Entre critique radicale, évaluation experte etpolitique libérale - Michel Fabre, université de Nantes, CREN, 4septembre 2009

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Ce texte a été présenté dans un symposium du colloque "Les enjeux épistémologiques et politiques des sciences de l'éducation : quelle implication des acteurs ?" du CERFEE-LIRDEF de Montpellier le 4 septembre 2009. Il sera publié dans les Actes en ligne de ce colloque et peut être librement reproduit avec mention du nom d'auteur et du colloque de Montpellier (intitulé complet).

Cette réflexion naît d'un étonnement devant les contradictions des récentes réformes de la formation des maîtres. Comment expliquer ces tensions entre la volonté plus ou moins explicite d'en finir avec les IUFM et celle d'encadrer des futurs masters de l'éducation par une charte exigeante sur le plan de la formation professionnelle ? Il semble que les politiques hostiles aux IUFM aient souvent hésité entre une attaque frontale exigeant leur élimination pure et simple et une stratégie plus oblique suggérant leur dissolution dans l'Université, laquelle serait susceptible de réaliser « un contrôle par absorption », pour reprendre les termes du rapport du Sénateur Adrien Gouteyron de 1992. On se souvient qu'en 1993 le ministre Fillon, alors en charge de l'éducation nationale, déclarait que le procès des IUFM n'était plus à faire et que par conséquent, leur « logique » devait être supprimée. Si l'année 1993 fut effectivement « celle de tous les dangers », François Fillon décida finalement de réformer et non de supprimer les IUFM (Robert et Terral, 2000, p.110). L'attaque frontale ayant échoué, sans doute par manque de solution de remplacement, restait l'autre voie proposée dès 1992 par le rapport Gouteyron et l'académie des sciences : la suppression par dissolution dans l'Université. Le nouveau ministère Fillon de 2005 allait s'y employer en mettant au point la stratégie à double détente imaginée par le conseiller Marc Sherringham (ex directeur de l'IUFM d'Alsace : 1) intégration à l'Université (2005) ; 2) mastérisation des formations (2009). Paraissant redorer le blason de la formation des maîtres tout en fournissant la caution universitaire aux lobbies hostiles à l'IUFM, cette stratégie rusée entendait désarmer les critiques de tous bords Mais comment expliquer alors l'insistance avec laquelle la circulaire du 17 Octobre 2008, encadrant les futurs masters « métiers de l'éducation » reprend les recommandations du Haut Conseil de l'Education [1] en vue d'une véritable formation professionnelle des enseignants ? Le texte met d'ailleurs en annexe l'arrêté du 19 décembre 2006 définissant le référentiel des compétences professionnelles des maitres. Or ce référentiel n'est autre que celui qui encadrait la formation des maîtres à l'IUFM ! Faut-il ne voir dans la circulaire de 2008 qu'une hypocrisie diplomatique, ou encore la manifestation d'une lutte de pouvoir entre ministères ? Est-ce le signe que les chances d'une véritable formation des maîtres ne sont pas définitivement perdues en dépit des bouleversements structurels qu'impose la loi ? L'IUFM liquidé, son fantôme ne hanterait-il pas les couloirs de l'Université ? A moins que ces contradictions ne soient finalement balayées par la vague libérale dont les attendus se situent tout à fait ailleurs. Pour y voir clair, il importe de confronter deux types de discours éducatifs entre lesquels semblent hésiter les politiques : le discours bruyant et médiatisé de la critique radicale et le discours réformiste, beaucoup plus discret des rapports d'expertise.

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