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L’intime et le collectif dans la chanson des XXe et XXIe siècles

L’intime et le collectif dans la chanson des XXe et XXIe siècles

Publié le par Emilien Sermier (Source : CIELAM)

Université d'Aix-Marseille


 

L’intime et le collectif

dans la chanson des XXe et XXIe siècles


 

Date limite : mercredi 16 octobre 2013

Appel à communication pour colloque : Marseille et Aix-en-Provence, du mercredi 21 mai au vendredi 23 mai 2014

 

Colloque organisée par le CIELAM (Centre interdisciplinaire d'étude des littératures d'Aix-Marseille), en collaboration avec le LESA (Laboratoire d'études en Science des Arts), le Rectorat d’Aix-Marseille, et la DAAC d'Aix-Marseille.

Sont invités à soumettre leur proposition les chercheurs des domaines variés que la chanson, dans son ensemble, intéresse. Les communications de 25 à 30 minutes seront suivies d’une discussion. Selon la manière dont se concrétiseront nos partenariats, des interventions ou des tables rondes de musiciens ou d’interprètes ou de journalistes pourraient être organisées.

 

* * *

Depuis une trentaine d’années un regard neuf se porte sur la chanson pour que l’étude des textes repose moins sur leurs qualités intrinsèques que sur leur faculté à rentrer en harmonie, en émulsion, avec la musique qu’on a prévue pour elles mais surtout avec la voix et la gestuelle d’un interprète particulier, qui se les approprie (et souvent les écrit lui-même). L’analyse de la chanson, telle qu’elle se pratique (de l’audition d’un CD à un spectacle vivant), ne repose plus seulement sur de vaines comparaisons poétiques (en témoignent la plupart des articles du n° 601 de la revue NRF « Littérature et chanson », juin 2012) mais intègre des questionnements qui relèvent de la musicologie comme de la kinésique. Objet polysémiotique, une chanson suscite des vocations variées, plus ou moins conjointes, dont la priorité n’est plus aussi clairement définie qu’autrefois. Et si la qualité d’Auteur Compositeur Interprète (de Brassens à Bénabar en passant par Barbara et Cabrel) règle la difficulté, elle n’épuise pas tout à fait cette interrogation : qu’est-ce qui compte dans une chanson ?

  Car par ailleurs depuis les observations dans les années 80 de Louis-Jean Calvet sur son importance sociale en tant qu’œuvre intergénérique, la chanson intéresse comme objet culturel : les historiens, les psychologues, les philosophes... Et la bibliographie donnera une idée des multiples approches qu’elle stimule : réflexion sur le temps, vertus de la performance corporelle, prégnance des vers d’oreille, reflet de l’histoire des mentalités, etc. C’est donc sur ce genre polymorphe que nous proposons d’envisager le questionnement : comment une chanson crée-t-elle paradoxalement l’illusion de l’intime et de l’intimité ?

  Même si nous le pouvions ou voulions, nous ne parviendrions pas à énumérer tous les arguments, toutes les circonstances qui font de la chanson, de sa création à sa réception, un phénomène, une expérience, un art collectif. Pour en réduire la collégialité, il faudrait au moins ne l’envisager que dans un mode de composition ACI (Auteur-Compositeur-Interprète) piano-voix et un mode de réception très particulier bien que très courant : avec casque ou oreillettes. Sortie de ces deux conditions (ou conditionnements), la chanson est collective pour 1) l’intermédialité qu’elle intègre et dont les étapes de la création et de la fabrication sont mises en partage la plupart du temps (et presque nécessairement) et pour 2) la forme la plus accomplie (et la moins figée) de sa performance, son expression sur scène devant un auditoire qui la partage. D’un côté un ensemble d’artistes et de techniciens (artisans) qui se la partage par petits bouts (même si poiétiquement chacune de leur contribution forme un tout organique et même si l’interprète sera amené par convention à davantage en assumer la responsabilité) ; de l’autre une assemblée (hétéroclite ?) d’individus qui la partage (dans le tout organique auquel elle a provisoirement abouti).

  Mais plus fondamentalement, la chanson est collective :

- parce qu’elle est fondée sur un rythme qui repose et incite à la participation communautaire (la scansion servant par exemple dans les chansons de métier à encourager au travail ou par ailleurs à danser en couple, en ligne, etc.),

- parce qu’elle opte pour des styles musicaux qui sont souvent communautaires voire communautaristes (et particulièrement dans les mouvements rock ou la culture hip-hop),

- parce qu’elle est un genre historique, qui appartient au patrimoine et que, plus que jamais, on assiste à une forte patrimonialisation du répertoire,

- parce que la mode actuelle est aux groupes, aux reprises en duo, aux regroupements choraux, aux featurings (invitation d’une autre vedette pour une chanson sur un album ou lors des concerts). Et c’est sans doute une mode dont il faudrait interroger l’historicité et la motivation.

Or, en face de cet argumentaire, paradoxalement, nous avons l’impression (l’illusion ?) que la chanson, profondément individuelle, émane (plus ou moins) exclusivement de la bouche qui la chante, pour nous seul qui l’actualisons en l’écoutant. Discours à la première personne, pour la structure énonciative la plus fréquente qu’elle emprunte à la poésie, la chanson se met à la disposition de nos affects de consommateurs et semble nous livrer, parce que les mots sont portés par la voix (et le corps) de l’artiste, les secrets de son âme, « sa vérité » dans la forme la plus authentique dont il soit capable : ces aveux, ces déclarations, qu’il ne pourrait pas dire sous le régime banal de la voix qui parle sans risquer le ridicule de l’emphase, du cliché ou de l’insincérité, le chant et les conditions particulières de son émission (accompagnement musical, arrangements, « magie » du spectacle) les lavent, les absolvent et en décuplent les effets et les vertus : celles peut-être de devenir des vers d’oreille à « l’incomparable pouvoir de hantise sur la psyché »  parce que la chanson « ne fait au fond que donner voix au pur mouvement d’un devenir-secret, sans contenu déterminé » (Szendy P., 2008, p. 73-74) ; peut-être que cette appropriation est prévisible parce que la chanson est effectivement venue nous raconter quelque chose qui nous ressemble, incomplètement, au bénéfice d’un instantané : « Pour tout moment de n’importe quelle vie, il se trouve ainsi une chanson qui existait depuis toujours et qui, tout à coup, vous révèle, comme si c’était pour la première fois, ce qui n’arrive alors que pour vous » (Forest Ph., 2012, p. 117). C’est l’illusion d’être le destinataire non marqué qui se reconnaît comme la référence, codée par le pronom de 2e personne : de Je voulais te dire que je t’attends à « Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous ». Qu’est-ce qui rend donc, en dépit du contexte, le processus d’actualisation (accaparation, identification) si aisé ?

 

Modalités et calendrier :

Les propositions de communication (qui ne dépasseront pas 4000 caractères), accompagnées d'un titre et d'une courte biobibliographie dans le domaine (une dizaine de lignes), sont à envoyer pour le mercredi 16 octobre 2013 (dernier délai) à l'adresse suivante : joel.july@univ-amu.fr

Comité scientifique : Bernard Alazet (Paris 3), Bruno Blanckeman (Paris 3), Brigitte Buffard-Moret (Université d’Artois), Serge Hureau (Hall de la chanson), Jean-Marie Jacono (AMU, LESA), Philippe Jousset (AMU, CIELAM), Joël July (AMU, CIELAM), Cécile Prévost-Thomas (Paris 3).

Comité d'organisation : Jean-Marie Jacono, Philippe Jousset, Joël July

Responsable : Joël July

 

Bibliographie sélective :

BLANCKEMAN, Bruno et LOUCIF Sabine (dir.), 2012, FIXXION, revue électronique, n°5, « Chanson/fiction »

http://www.revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org/rcffc/issue/current/showToc

BIZZONI Lise & PREVOST-THOMAS Cécile (dir.), 2008, LA CHANSON FRANCOPHONE ENGAGEE, Montréal, Triptyque.

BUFFARD-MORET, Brigitte, 2009, POESIE, MUSIQUE ET CHANSON, éd. ARTOIS PRESSES UNIVERSITE

CALVET, Louis-Jean, 1981, CHANSON ET SOCIETE, Paris, PAYOT, 155 p.

CALVET, Louis-Jean, 2013, LA BANDE-SON DE NOTRE HISTOIRE, Paris, ECRITURE.

CATHUS, Olivier, 1998, L’ÂME-SUEUR, LE FUNK ET LES MUSIQUES POPULAIRES DU XXe SIECLE, éd. Desclée de Brouwer, Paris.

CHABOT-CANET, Céline, 2008, LEO FERRE : UNE VOIX ET UN PHRASE EMBLEMATIQUES, Paris, éd. L’HARMATTAN.

DENIOT, Joëlle, DUTHEIL PESSIN, Catherine, VRAIT, François-Xavier, 2000, DIRE LA VOIX, collectif, Paris, coll. « Univers musical », éd L'HARMATTAN.

DE SURMONT, Jean Nicolas, 2010, DE LA POESIE VOCALE A LA CHANSON, VERS UNE THEORIE DES OBJETS-CHANSONS, Lyon, ENS éditions, coll. « Signes ».

DOMINIQUE A, 2008, UN BON CHANTEUR MORT, La Machine à cailloux, coll. « Carré ».

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FERRIER, Michaël, 2012, « Pays profond de l’ouïe », Variétés : Littérature et chanson, Stéphane Audeguy et Philippe Forest (dir.), Revue NRF, n° 601, GALLIMARD, p. 32-40.

FOREST, Philippe, 2012, « Les souvenirs », Variétés : Littérature et chanson, Revue NRF, n° 601, Gallimard, p. 113-120.

GRIMBERT, Philippe, 1996, PSYCHANALYSE DE LA CHANSON, Paris, Les Belles Lettres, éd. ARCHIMBAUD.

GRIMBERT, Philippe, 2002, CHANTONS SOUS LA PSY, Paris, éd. HACHETTE LITTÉRATURES.

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Site internet:  http://www.lehall.com/