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L’intime et l’apprendre

L’intime et l’apprendre

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Martine JACQUES)

 Apprendre de l’intime : la question des langues    Jeudi 27 et vendredi 28 mars 2014

Présentation

La didactique, en particulier celle des langues et cultures, s’inscrit dans le champ des Lettres, Langues et Sciences humaines en tant qu’axe fort, en particulier pour la formation des enseignants, formateurs et métiers voisins, mais elle ne saurait mener ses recherches sans échanges avec les champs proches que sont les études littéraires et linguistiques et plus largement socio- et psycholinguistiques. Ce constat est encore plus prégnant dans les apprentissages et enseignements de langue(s), qui s’adressent en priorité au sujet parlant, à ses déterminations, sa volition, ses expériences, ses motivations et leurs développements parfois complexes. Un segment de ces développements est peu ou pas étudié en tant que tel, car il est présumé peu accessible et peu susceptible de permettre l’établissement de corpus à étudier, c’est le segment de l’intime, au plus près du « moi je » de chacun-e. Son étude apparaît donc comme un défi à relever et c’est le projet porté par ce colloque organisé dans le cadre du laboratoire TIL (EA 4182).

Le colloque du laboratoire TIL sur « L’intime à ses frontières », les 8-9 avril 2011,  et le volume du même titre (Crinquand S. & Bravo P. dir., 2012), ont posé des bases pour une définition de l’intime à partir de ses expressions, de ses limites et de ses incertitudes : l’intime apparaît comme le plus intérieur de l’être (approche étymologique : intimus superlatif de interior), ce qui suppose une représentation de l’être humain matérialisée en termes spatiaux dynamiques, car il est question d’un mouvement vers l’intérieur. Mais l’intime apparaît aussi comme plus ou moins fragile, en danger, en souffrance ou, à tout le moins, en délicatesse avec le cours ordinaire de la vie, en tant que ce qui est retranché de l’espace social par l’individu (Foessel : 2008). Qu’il y ait des conventions sociales, des normes respectées / suspectées / transgressées, sans doute. Et sans doute n’est-ce pas anodin. Aujourd’hui, en particulier sous la pression des technologies numériques, nous assistons (et parfois participons) à des fractures, des déplacements et déguisements de l’intime, tels qu’avait pu les prévoir David Riesman dès 1950 (The Lonely Crowd traduit en La foule solitaire) et sur lesquels revient Céline Lafontaine en 2003 dans Nouvelles technologies et subjectivité : les frontières renversées de l’intime.

Il nous faut donc continuer à explorer des champs dans lesquels l’intime est à l’œuvre, afin (1) d’appréhender ses métaphores et métamorphoses avec ses lieux,

et

(2) d’identifier les formes actuelles de son potentiel créatif, expressif et développemental.

       Mais comment aller plus loin dans le questionnement sans risquer de développer des gloses trop englobantes et à terme, tautologiques, car elles ne seraient appliquées à aucun « objet » précis ?

Ce colloque se propose donc d’orienter l’attention des chercheurs vers la question de l’apprendre, en particulier l’apprendre les / en langues. Les langues sont en effet de l’ordre du social et de l’intime, puisque notre langue première et celles qui sont entrées en dialogue avec elle apparaissent comme constitutives de notre moi-je et de notre développement. Ainsi est-il important de collationner les apports de corpus et d’enquêtes dans lesquels l’intime et l’apprendre apparaissent en biais, par surcroît (par exemple, les données issues de  thèses).

 

Le double sens du verbe « apprendre » en français (enseigner/acquérir), manifeste la dimension de relation et de réciprocité à l’œuvre dans l’enseignement/apprentissage. L’histoire de ce terme témoigne des évolutions des représentations et façons de faire/dire : « apprendre vient du latin populaire apprendere, du classique apprehendere (→ appréhender) au sens psychologique de ce terme. […] Le verbe signifie dès l’ancien français “saisir par l’esprit” et “acquérir pour soi des connaissances” (v. 950), valeurs parallèles à celles de comprehendere, comprendere (→ comprendre). Il se dit aussi (v. 1140) pour “donner à autrui (des connaissances)” : apprendre à qqn à » (Rey A, 1998 : 173, Robert historique). Un autre terme ancien, l’apprenant, apparu vers le XIIIe siècle, puis tombé en désuétude jusqu’au XXe siècle, a été remis en usage il y a une cinquantaine d’années afin d’exprimer le caractère actif de l’apprendre, marqué par le participe présent. La substantivation du verbe permet de conserver la notion de réciprocité de l’enseignement /apprentissage tout en conservant le sémantisme dynamique du verbe, évocateur de processus.

Ajoutons que le moment semble propice, si ce n’est urgent : « l’atomisation du tissu social donne aujourd’hui une pertinence politique à la question du sujet » expliquait l’historien Michel de Certeau qui avait choisi de s’interroger sur « les opérations des usagers » et de faire porter sa recherche sur « les procédures de la créativité quotidienne » (1979, 1990 : introduction) parce que « l’essentiel se joue dans cette historicité quotidienne, indissociable de l’existence des sujets qui sont les acteurs et les auteurs d’opérations conjoncturelles » (ibid. : 39). Autour de l’apprendre jouent également des choix concrétisés en pratiques qui se veulent résolument humanistes, centrées autour de la prise en compte de l’intime, corps, voix, vécu, expression, relations…, de ceux qui apprennent avec ceux qui enseignent, soit le corps social dans sa diversité, et pas seulement le corps social représenté, mis en scène, en descripteurs ou en récits par autrui. La prise en compte de l’intime est alors ce qui fait pièce aux atteintes diverses à l’intégrité du sujet. Ainsi, l’interrogation et les expérimentations sur l’apprendre dans toutes ses dimensions dont l’intime, ont-elles pour fin leur déploiement en vue d’un cumul de savoirs renouvelés irriguant les pratiques de l’apprendre, dans les langues en particulier. Cet ensemble de questionnements nécessaires autour de l’intime et l’apprendre peut se décliner dans les axes d’interrogation suivants, qui seront ceux du colloque : 

 

1.        Formes et métamorphoses de l’intime – axe autour de la littérature de et dans l’apprentissage, l’enseignement et le vécu des langues : en quoi et jusqu’où la littérature peut-elle devenir pour des êtres (élèves, étudiants, mais pas seulement) ce vecteur implicite de l’intime, nécessaire pour entrer dans une langue, sa tessiture, sa sensibilité propre et devenir de/ dans cette langue un auteur qui la dirait tout en se disant ?  (Elias Canetti, Virginia Woolf,.. )

 

2.      De l’intime vers l’apprendre et vice versa, axe ancré dans le repérage et l’analyse de la prégnance de l’intime (représentations individuelles et culturelles, dimensions des corps, des voix, des échanges réflexifs) sur l’apprentissage des langues et inversement, caractérisation de l’impact sur l’intime de certaines approches d’apprentissage des langues (approches humanistes, expériences de création artistique…(Howard Gardner, Antonio Damasio, etc.), pour faire apparaître comment et jusqu’où il est possible d’engager l’intime dans l’acte d’apprendre et de caractériser leurs relations (complémentarité ? opposition ? congruence ?)

 

3.    Un axe trans-questionnements, orienté vers de l’épistémologie de l’intime, en particulier dans ses relations à l’apprendre, mais pas seulement : quels recueils de données (corpus, interactions, œuvres…) permettent d’approcher l’intime ?  (cf. G. Devereux, Ch. Wulf, etc.)

 

Les communications s’inscriront dans un axe au choix ; elles pourront prendre la forme d’études de cas, de corpus, de situations et/ou de réflexions théoriques. Les comparaisons seront  bienvenues, notamment historiques, géographiques, disciplinaires, ou entre œuvres, entre situations.  De même, le travail avec des publics variés (formation initiale ou continue des enseignants études de langue, migrants ou publics mal-lettrés, ou  ateliers d’écriture, de théâtre…).

 

Les propositions  (durée : 20 mn + questions) seront présentées selon le format suivant :

Nom, prénom, affiliation

Titre et sous-titre de la communication proposée

Mots-clés

Axe d’analyse retenu

Résumé du contenu de la communication proposée : entre 600 et 1000 mots.

Brève bibliographie (max. 5 titres):

Propositions à envoyer sous format électronique (en .doc ou .rtf) conjointement à :

anne-marie.voise@u-bourgogne.fr, jean-jacques.richer@u-bourgogne.fr christine.colliere-whiteside@u-bourgogne.fr, berchoud@u-bourgogne.fr (ainsi, selon l’axe choisi, chaque communication sera distribuée puis lue par deux spécialistes).

DATE-LIMITE d’ENVOI DES PROPOSITIONS : 15 août 2013

Délai de lecture en double par le comité scientifique :  réponses pour le 15 octobre 2013 Actes : une publication papier et web est prévue, après sélection des textes rendus finaux.

Une communication acceptée vaut aide à la participation au colloque pour son auteur.

Abstracts between 600-1000 words to be given in English or French are invited by 15 August 2013 Proposal for papers should be sent by August 15, 2013 as .doc or .rtf documents to anne-marie.voise@u-bourgogne.fr, jean-jacques.richer@u-bourgogne.fr, christine.colliere-whiteside@u-bourgogne.fr and berchoud@u-bourgogne.fr for a double reading.

Please include: your name and institutional affiliation, the full title of the paper, key words, the chosen thematic axis, a 600-1000 abstract and a brief bibliography (5 titles max.).

Notification of acceptance will be given by October 15th, 2013.

The conference language will be French but papers in French or English will be accepted.

A selection of papers will be published on paper and online.

 

Comité scientifique (en cours de constitution)

uB, lab. TIL EA 4182 : Marie J. Berchoud, Christine Collière, Sylvie Crinquand, Jean-Jacques Richer, Anne-Marie Voise, et Nathalie Charvy ; avec Françoise Abdel Fattah (Sorbonne Abu Dhabi), Joëlle Aden (univ. Le Mans), Hélène Girard (univ. Petronas, Malaisie), Aline Gohard-Radenkovic (univ. Fribourg, Suisse), Martine Jacques (uB, CPTC), Agnès Pernet-Liu (univ. Beiwai, Pékin), Blandine Rui (UFC), Christine Sagnier (Princeton univ.), Claire Tardieu (univ. Paris 3)

Comité d’organisation : Marie J. Berchoud, Christine Collière .Jean-Jacques Richer, Anne-Marie Voise, Nathalie Charvy, Myriam Segura-Pineiro

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Annexe  - Références bibliographiques des auteurs et textes cités

Canetti E., 1977/1980 (trad.), La langue sauvée, tome 1 de Histoire d’une jeunesse, Paris : Albin-Michel et Le livre de poche.

Certeau M. (de),  1977 et rééd., L’invention du quotidien, Paris : 10/18.

Crinquand S. & Bravo P., 2012, L’intime à ses frontières, Bruxelles : EME.

Damasio A., 2010, L'autre moi-même - Les nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et des émotions, Paris : Odile Jacob.

Devereux G., 1967/1980 (trad.),  De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris : Aubier.

Foessel Michael, 2008, La privation de l’intime. Mises en scènes politiques des sentiments, Paris : Le Seuil.

Gardner H., 1993/1996 et 2008 (éd. enrichie), Les intelligences multiples, Paris : Retz. 

Lafontaine C., 2003, « Nouvelles technologies et subjectivité : les frontières renversées de l’intime », in Sociologie et sociétés, vol. 35, n° 2, 2003 (p. 203-212)

Rey A., 1960/2000 (rééd.), Robert historique, Paris : 1996.

Riesman D, 1950/1964 (trad.) La foule solitaire, Paris : Arthaud.

Wulf C., 1999 (trad.),  Anthropologie de l’éducation, Paris : L’Harmattan