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L'illusion taxinomique (Typologies grammaticales, rhétoriques et génériques) 

L'illusion taxinomique (Typologies grammaticales, rhétoriques et génériques)

Publié le par Sophie Rabau (Source : Salah Oueslati)

Université de Tunis El Manar

Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis

Unité de recherche "Poétique théorique et pratique" 

L'illusion taxinomique 

            Typologies grammaticales, rhétoriques et génériques 

Colloque international, 3-4-5 décembre 2009

« Comme le petit enfant, le linguiste « pur » ne reconnaît comme bon objet que l'objet partiel. Or le lexicologue tente maladroitement de par les contraintes de sa visée, de faire prévaloir l'objet global, et le principe de réel.[1] »

On reconnaît dans le terme « taxinomie » (ταξινομία) l'élément taxis, placement, classement, mise en ordre  et un élément dérivé du verbe nomein qui signifie administrer, réglementer. Créé en 1813 sous la forme « taxonomie » par un botaniste[2], le terme est inséparable, dans la plupart des disciplines de la biologie, de celui de « systématique », science qui a pour objet de dénombrer et de classer les taxons selon une ordonnance concertée.

La taxinomie, cette approche conceptuelle de la classification, donne assez volontiers lieu à des controverses ; elle est alors génératrice d'erreurs, de projections, d'ambitions universalistes, voire d'illusions. Souhaitant exposer la question au souffle de l'interdisciplinarité, ce colloque voudrait interroger compartimentations, interstices et frontières afin d'examiner le cas des inclassables.

L'Histoire naturelle de Buffon, oeuvre aux multiples ramifications, est exemplaire à cet égard : son projet d'un classement qui ne relève pas de la simple nomenclature a inspiré des esprits aussi divers que Winckelmann, inventeur de l'histoire de l'art, ou Balzac, démiurge de La Comédie humaine. Le premier touche à l'histoire des styles, le second à une histoire naturelle des types sociaux. A l'un comme à l'autre, la somme naturaliste de Buffon sert de modèle explicite. Balzac intègre systématiquement la taxinomie de l'Histoire des animaux aux listes qu'il se plaît à établir des plus grands, de ceux qui savent à ses yeux proposer une vision du monde.

Si toute taxinomie se révèle illusoire, c'est sans doute parce qu'elle repose sur la fiction d'une unité totalisante : elle vise à inventorier et classer l'infini, afin d'en fournir une vision, un monde, un panorama : cette fiction (erreur, chimère mais aussi mise en ordre, production) peut tour à tour apparaître comme trompeuse ou productrice d'avenir. La notion d'encyclopédie, entendue comme cercle et somme de tous les savoirs, propose ainsi une illusion taxinomique fructueuse, qui repose sur l'historicité de l'idéologie progressiste des Lumières. Tout éventail taxinomique se prête donc idéalement à une mise en perspective historique et critique : cristallisation de discours implicites, vecteurs de consensus parfois factices, il sert tout autant à partager, à mettre en ordre, qu'à réglementer et administrer cet ordre.


I Typologies[3] grammaticales

La grammaire est un lieu traditionnel et privilégié de déploiement des capacités taxinomiques : catégorisation des lexies, à la suite d'une longue tradition issue d'Aristote, répartition en paradigmes des tableaux de conjugaison (le « 3e groupe » illustrant à merveille l'aspect illusoire de la taxinomie), division en genre, nombre, animé / inanimé des termes variables, difficulté de classement des adverbes, de caractérisation des joncteurs / connecteurs (conjonctions, prépositions, adverbes de liaison), des interjections (lexies ou phrases ?). La grammaire a-t-elle réussi à proposer un inventaire et un classement satisfaisants des faits de langue ? Dans cette tentative, qu'apporte de plus la linguistique ?

II Typologies rhétoriques

            A l'image des faits de langue, les faits d'écriture sont eux aussi susceptibles d'un traitement taxinomique. C'est ce qu'a pu tenter la rhétorique, ou, dans une certaine mesure, la stylistique. Les textes s'organiseraient ainsi selon des styles, des registres, des topoï...La critique littéraire est elle-même le lieu de partis-pris taxinomiques parfois discutables. On peut également évoquer le cas des répartitions disciplinaires (langue de spécialité) dont la liste, plus ou moins fermée, pourra alors être établie dans cet objectif spécifique de classement. Pareilles typologies rhétoriques peuvent elles être tenues pour convaincantes ou légitimes ? Quel rapport entretiennent-elles avec les typologies grammaticales, linguistiques ou encyclopédiques ? N'en sont-elles que la projection ou introduisent-elles réellement une dimension nouvelle ?

III Typologies génériques

Cette taxinomie, plus ou moins étroite, concerne tout autant les textes littéraires que l'organisation des discours. La réflexion littéraire accorde une place privilégiée à la relation  entre taxinomie et herméneutique. La notion de genre n'est-elle pas en elle-même illusoire, tributaire qu'elle est des divers facteurs socio-historiques et culturels qui la modélisent ? Elle est sans doute également liée à l'épistémologie, à l'histoire des sciences. Formes historiques, les genres relèvent-ils pour autant de l'illusion taxinomique ? Entre textes, registres, styles et genres, quel ordre ?

Comité d'organisation : Pierre-Yves Dufeu, Kamel Gaha, Kamel Hamdi, Valérie Hayaert, Salah Oueslati, Alain Schneider, Hassen Slimane

Veuillez envoyer votre proposition de communication (15 lignes au maximum) ainsi qu'un bref C.V., au plus tard le 15 juin 2009 aux adresses suivantes :

salah.oueslati@laposte.net

pydufeu@yahoo.fr


[1] Alain Rey, Le Lexique-Images et modèles, Armand Colin, 1977, p.275.

[2] Le Suisse Augustin Pyrame de Candolle, dans sa Théorie élémentaire de la botanique ou exposition des principes de la classification naturelle et de l'art de décrire et d'étudier les végétaux.

[3] Admettons provisoirement que le terme taxinomie suppose un principe organiciste premier et typologie un principe de catégorisation second.