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Appels à contributions
L'identité féminine dans l'oeuvre d'Elsa Triolet

L'identité féminine dans l'oeuvre d'Elsa Triolet

Publié le par Marielle Macé (Source : Thomas Stauder)

L'identité féminine dans l'oeuvre d'Elsa Triolet

 

Appel à contribution

Date limite pour les propositions : 30 avril 2009

« Aujourd'hui, Icare est femme. »

(Proverbes d'Elsa)

 

Bien qu'elle n'ait jamais tenté de présenter une analyse complète de la situation de la femme dans la société comme Simone de Beauvoir le fit en 1949 dans Le deuxième sexe, Elsa Triolet a souvent réfléchi sur les différences non seulement anatomiques entres hommes et femmes : dans son oeuvre narrative, ses lettres et journaux intimes, ses articles pour la presse.

Dans un essai pour Faites entrer l'Infini (la méritoire revue de la SALAET), Marie-Thérèse Eychart montra en 2000 qu'Elsa Triolet avait toujours été une avocate du « féminisme de la différence », à distinguer du « féminisme de l'égalité » : cela signifie que même en revendiquant des droits égaux à ceux de l'homme, ne femme ne doit pas aspirer à vivre ou penser exactement comme celui-ci, mais doit préserver les qualités spécifiques de son propre sexe. Sur ce point, Elsa Triolet assume une attitude plus nuancée que Simone de Beauvoir, qui voulait surtout libérer la femme du rôle de « l'Autre » inférieur, dans lequel elle avait été reléguée par l'homme ; le but beauvoirien étant l'établissement d'un équilibre entre deux consciences également libres, la femme doit selon elle atteindre d'abord le même degré d'autodétermination comme l'homme. Elsa Triolet affirme par contre qu'afin de conquérir une force personnelle identique à celle des hommes, les femmes ne doivent surtout pas renoncer à leurs qualités spécifiquement féminines ; dans ses Fragments d'autobiographie de 1928/29 nous lisons :

« Dire qu'il y a des femmes qui auraient voulu être des hommes – la plupart. Échanger ma douceur contre leurs poils. Les femmes, c'est l'avenir du monde. Leur force n'est pas découverte mais est-ce que l'électricité a toujours été connue ? Elle remuera encore des montagnes, cette force faite d'instinct, d'énergie et qui est toute de sorcellerie, parce que nous ne la comprenons pas encore. Pas des amazones, des femmes, les plus femmes, seins, cheveux longs, fragilité et douceur… Et la puissance. »

Par conséquent – et contrairement à Simone de Beauvoir, laquelle y dénonçait le danger d'une réduction biologiste – Elsa Triolet défendait la maternité et la responsabilité pour l'éducation des enfants comme des obligations nobles pour la femme, ainsi mise à même d'influencer le futur développement de la société.

Après accord préalable avec les éditeurs de la revue académique lendemains (publiée en français chez Gunter Narr, à Tübingen en Allemagne), j'aimerais préparer un dossier d'articles sur le thème de l'identité féminine dans l'oeuvre d'Elsa Triolet. Selon le nombre plus ou moins élevé de propositions que je recevrai, le dossier pourrait devenir un volume collectif, qui paraîtrait alors en forme de livre dans la collection « édition lendemains » (également chez Gunter Narr).

Quoique l'intérêt principal de ce projet soit pour moi la perspective des « gender studies » (c'est-à-dire, de la critique féministe), je ne voudrais pas exclure des contributions consacrées à d'autres aspects de la vie et de l'oeuvre d'Elsa Triolet. J'accepterais volontiers aussi des propositions d'articles sur les relations biographiques, idéologiques et littéraires entre Elsa Triolet et Louis Aragon ; mais dans ce cas-ci, c'est elle qui devrait être au centre de l'analyse. (On sait qu'Aragon parla à plusieurs endroits de son oeuvre – entre autres, dans le recueil de poèmes Hourra l'Oural et dans le roman Les cloches de Bâle – de « la femme des temps modernes » et de l'abolition de la domination patriarcale ; il était donc réceptif aux revendications féministes, surtout dans le cadre de la future société sans classes pour laquelle il luttait.)

Les trois romans du cycle « L'Âge de Nylon » – Roses à crédit, Luna -Park et L'âme (1959-1963) – me paraissent particulièrement attractifs pour la recherche sur l'identité féminine dans l'oeuvre d'Elsa Triolet. Mais les romans et nouvelles qui traitent de la période de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance – Mille regrets (1942), Le cheval blanc (1943) et Le premier accroc coûte deux cent francs (1945, dans ce recueil surtout la nouvelle Les amants d'Avignon de 1943) – offrent à travers le conflit vécu par ses personnages entre amour et politique (ou entre la quête du bonheur privé et la responsabilité pour la société) également des occasions pour la recherche du point de vue des « gender studies ». Dans presque tous les ouvrages narratifs d'Elsa Triolet on trouve une description attentive des caractères féminins avec leurs existences individuelles, marquées par leur sexe : de Fraise-des-Bois (1926, écrit encore en russe et plus tard traduit) passant par son premier roman en français Bonsoir Thérèse (1938) jusqu'à son dernier roman Le rossignol se tait à l'aube (1970), publié dans l'année de sa mort.

On pourrait en outre examiner la biographie d'Elsa Triolet afin d'y trouver des réponses à la question de comment elle a vécu son rôle de femme intellectuelle (dans sa jeunesse en Russie, plus tard en France). Ses relations sentimentales et/ou artistiques avec Vladimir Maïakovski, André Triolet et Louis Aragon peuvent être analysées à l'aide de ses Écrits intimes (1912-1939), de son récit de voyage À Tahiti (1925) et de sa Correspondance (1921-1970) avec sa soeur Lili Brik. Au cas où je recevrais des contributions sur la vie d'Elsa Triolet (ou que je me déciderais à en écrire une moi-même), je pourrais encore modifier légèrement le titre du dossier ou du volume collectif.

J'invite les connaisseurs de l'oeuvre d'Elsa Triolet et les spécialistes en « gender studies » de m'envoyer des brèves propositions (non plus qu'une page) pour une future contribution à la revue ou au livre (comme mentionné au début, il n'est pas encore clair quelle forme prendra ce projet, mais la publication des articles est garantie) ainsi que quelques informations sur la personne de l'auteur (position universitaire ou professionnelle, publications majeures).

Le 30 avril 2009 a été choisi comme date limite pour la remise des propositions. Vous aurez ensuite encore cinq mois pour la rédaction de vos contributions (d'environ 30 000 signes), lesquelles vous devez me faire parvenir jusqu'au 30 septembre 2009. Après avoir reçu vos propositions, je pourrai normalement vous répondre assez vite si vos idées me semblent intéressantes et si j'accepte de publier vos futurs articles. La parution du dossier dans la revue lendemains et/ou du volume collectif dans la collection « édition lendemains » est prévue pour la première moitié de 2010.

Pour terminer, je vous donne quelques informations sur ma personne (ce qui me semble juste, étant donné que je demande la même chose de vous) :

Après des études en lettres modernes à Erlangen, Canterbury et Sienne, Thomas Stauder a passé son doctorat en littérature comparée en 1992 ; le sujet de sa thèse portait sur le travestissement littéraire (comme forme d'intertextualité, à distinguer de la parodie et du burlesque) en Allemagne, Angleterre, France et Italie. Par la suite, il a été professeur assistant et chargé de cours en lettres romanes aux universités de Kiel et d'Erlangen-Nuremberg (Allemagne). Après son habilitation en 2002 portant sur la poésie engagée en France, Espagne et Italie au XXème siècle, il fut nommé « Privatdozent » en automne 2002. Après cela, il a enseigné comme Professeur invité de littérature française, espagnole et italienne aux universités de Vienne, d'Innsbruck et de Mayence (et aussi, de nouveau, à Erlangen). Il s'occupe de « gender studies » depuis plusieurs années et a publié dans ce champ des articles sur Marivaux, Rousseau et les auteurs romantiques (entre autres, Madame de Staël), Alfred de Musset, George Sand, Elsa Triolet et Simone de Beauvoir (pour nommer seulement des exemples français). Ses derniers livres sont : Intellettuali italiani del secondo Novecento (2007, avec Angela Barwig ; Premio Flaiano per l'Italianistica 2008), Negociando identidades, traspasando fronteras. Tendencias en la literatura y el cine mexicanos en torno al nuevo milenio (2008, avec Susanne Igler) et Simone de Beauvoir cent ans après sa naissance. Contributions interdisciplinaires de cinq continents (2008, actuellement sous presse.)

 

PD Dr. Thomas Stauder

Universität Erlangen-Nürnberg, Allemagne

Courriel : thomas.stauder@roman.phil.uni-erlangen.de  

Site personnel de l'organisateur :

http://www.romanistik.phil.uni-erlangen.de/mitarbeiterinnen/stauder.shtml