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L'histoire du Figaro

L'histoire du Figaro

Publié le par Alexandre Gefen

Colloque « Le Figaro »

Projet d'appel à communication

Ludivine BANTIGNY, Claire BLANDIN, Pascale GOETSCHEL, Jean-Claude LESCURE, Véronique ODUL

 Le Centre d'histoire de l'Europe du vingtième Siècle prépare un colloque consacré à l'histoire du journal Le Figaro. Ce colloque se tiendra au printemps 2006, date du 140e anniversaire du quotidien. Le projet s'inscrit dans la continuité des recherches, travaux et journées d'études lancés par le CHEVS depuis quelques années (accueil de chercheurs spécialistes de l'histoire de la presse, création d'un groupe de travail « Temps, médias et société », co-organisation du colloque « L'Humanité de Jaurès à nos jours », dont les actes paraîtront cet automne). Plus largement, cette rencontre universitaire prendra place dans l'activité de recherche menée dans le cadre du CHEVS en histoire politique, sociale et culturelle du XXe siècle.

Un tel colloque contribuera, nous l'espérons, à combler un vide historiographique important : il n'existe en effet, à ce jour, aucun ouvrage sur le journal. Or, outre évidemment la collection du journal, les archives déposées par la famille Brisson à l'IMEC ouvrent de nouvelles perspectives de recherche. Elles donnent de fait un bon aperçu des prises de position politiques de Pierre Brisson (directeur du journal de 1936 à 1964), de sa gestion des crises autour des affaires des années 1950 et 1960 notamment (on relève un courrier abondant sur Bastien-Thiry, par exemple). De nombreuses correspondances pourraient éclairer le traitement de la vie culturelle par le journal. En histoire de la presse, ce colloque permettrait d'apporter des éléments nouveaux, tant sur le plan économique que social et politique, grâce à de nombreux documents internes à la rédaction (comptes rendus de réunion, notes...) : ce fonds offre donc d'étudier la vie du grand quotidien pendant plusieurs décennies, puisque Jean-François Brisson en a été rédacteur en chef jusqu'au milieu des années 1970. Les « dossiers de collaborateurs » conservés par les Brisson pourraient devenir une source importante en histoire et sociologie des journalistes. Enfin, la question de la réception pourrait même, elle aussi, être explorée grâce aux nombreux dossiers de courriers de lecteurs. Par ailleurs, d'autres dépôts d'archives émanant de journalistes sont envisagés, qui pourraient venir compléter ces sources.

Les sources disponibles permettent essentiellement d'étudier la vie et l'histoire du journal depuis la Première Guerre mondiale. Cependant, il semble indispensable de comprendre à la fois la genèse du Figaro, son insertion dans le monde des quotidiens, ses relations avec les autres journaux de l'époque et la manière dont, éventuellement, il s'en est distingué.

Grand journal d'information, d'audience nationale, Le Figaro s'est aussi forgé la réputation d'un quotidien mondain, celui du Rond-Point des Champs-Élysées. Quelles conséquences une telle catégorisation a-t-elle pu avoir tant sur les pratiques de lecture (celles-ci engendrant à leur tour, sans doute, des pratiques journalistiques spécifiques), que sur la culture d'entreprise du Figaro (quel est le statut social des salariés du journal et comment se le représentent-ils ?) ou sur les écritures journalistiques ?

Intimement liée à ce statut, une autre question se pose, qui touche cette fois aux prises de position politiques du quotidien : en quoi Le Figaro est-il un journal de droite ? Et de quelle droite s'agit-il : Le Figaro est-il principalement le journal d'une droite libérale ? Là encore, cette étiquette demande peut-être à être interrogée, sinon nuancée : que l'on songe à la position clairement dreyfusarde que Le Figaro a adoptée au moment de l'Affaire ; ou au contraire à la dérive fasciste du temps de François Coty. Mais l'on pourrait également évoquer sa distinction à l'égard du gaullisme : comment être le premier journal de la droite française, voire un journal gouvernemental aux premiers temps de la Cinquième République, sans être pleinement gaulliste ? En bref, c'est toute la question de la place et du rôle tenus par Le Figaro dans la vie politique française qui est ici soulevée et qui mérite certainement débats et réflexions.

De façon plus générale, cette histoire de la presse conduit à réfléchir aux identités sociales et culturelles de ceux qui la font et de ceux qui la lisent, à la manière dont le journal contribue à « faire » l'événement et à faire émerger un discours spécifique. De nouvelles approches ne doivent pas être négligées, dans les plis et replis du journal, des annonces aux faire-part et à la publicité, du dessin de presse à la photographie...

Plusieurs axes pourraient donc retenir l'attention :

Le Figaro des origines  : C'est là à la fois le journal des premiers temps, fondé en 1826 et devenu quotidien en 1866 ; mais aussi le Figaro de l'Affaire Dreyfus : comment surmonta-t-il la crise traversée en raison de ses positions dreyfusardes ? Enfin, c'est le « Figaro des écrivains », celui qui publia Proust notamment.

Le Figaro en guerre(s)  : Comment un journal en guerre affronte-t-il la censure et les sanctions ? Comment ont agi les ciseaux d'Anastasie au Figaro  dans les différents conflits qu'il traversa : Première et Seconde Guerres mondiales, guerres d'Indochine et d'Algérie ? Comment alors être sur le front de l'information, quel est le traitement journalistique de la guerre (reportages, photographies...) ?

Ecritures du Figaro  : Existe-t-il un style Figaro  ? Où se jouent les effets de plume ? Comment évolue le découpage en rubriques du journal et que nous apprend-il du regard porté sur le monde ? On peut ainsi se demander comment sont abordés la politique étrangère, les faits divers ou bien encore le sport, les nécrologies... ou quelle place ont pu prendre les critiques du Figaro dans le monde artistique. Quel lecteur imaginé cette écriture fait-elle, enfin, apparaître ?

Péripéties et bourrasques : De quelle manière Gaston Calmette opéra-t-il le redressement du journal après la tempête de l'Affaire Dreyfus ? Comment Le Figaro a-t-il surmonté les crises liées à l'affaire Caillaux ? à l'épisode François Spoturno dit Coty, l'homme d'affaires qui prit le contrôle du journal en 1922 et lui imprima une marque fasciste ? au Front populaire, alors que Pierre Brisson était devenu directeur ? à Mai 68 et aux grèves d'octobre 1968 et de mai 1969, qui secouèrent le journal ? Enfin, le rachat par le groupe Hersant en 1975 a-t-il infléchi, et le cas échéant, comment, la ligne politique générale du journal, notamment au moment de la fusion avec L'Aurore en 1979 ?

Les acteurs du Figaro  :Une étude d'ordre à la fois biographique (en particulier sur ses directeurs, ses rédacteurs en chef et ses éditorialistes) et prosopographique (sur ses journalistes et ses « plumes », non des moins talentueuses, que l'on pense à Louis Gabriel-Robinet, Maurice Noël, Jacques Patin, Georges Ravon, Jacques Duhamel, Raymond Aron, François Mauriac, Jean d'Ormesson...) doit être envisagée. Quelles sont les pratiques journalistiques en vigueur au Figaro  ? Peut-on prendre la mesure de leurs évolutions ? Comment fonctionne précisément la société des rédacteurs ? Que peut-on savoir et conclure de la composition des conseils d'administration du journal ? Quelles relations entretiennent-ils avec les représentants de l'Etat ?

L'entreprise Figaro  : Il s'agirait de comprendre également la culture de l'entreprise, ses stratégies économiques et financières et celles que l'on appellerait aujourd'hui du nom de « marketing »... Il faudrait aussi s'interroger sur la logique publicitaire propre au Figaro et se demander en quoi une telle logique a largement contribué à la fusion avec L'Aurore. Mais ce sont aussi les coulisses qui, de manière générale, supposent d'être explorées : la fabrication même du journal (marbre, imprimerie...), le salariat, la sous-traitance, les fluctuations du tirage ... Un réel examen du rôle tenu par le Syndicat du Livre devrait permettre de mieux saisir son importance dans les relations sociales propres au journal, et ce jusque dans les modalités de fabrication et de vente. Par ailleurs, Le Figaro est aujourd'hui un élément à l'intérieur d'un groupe de presse : l'on pourrait se demander comment se sont produites ces restructurations et quelles en sont les conséquences pour le journal ?

Le Figaro et ses « petits », Le Figaro et ses rivaux  : Des monographies (Le Figaro littéraire, Le Figaro Magazine, Le Figaro Economie, Madame Figaro ...) éclaireraient les complémentarités éventuelles existant entre le journal fondateur et les autres titres du groupe. Ce serait aussi l'occasion de mener des études comparées avec d'autres titres de la grande presse nationale et de comprendre les liens qu'ils ont entretenus et entretiennent encore aujourd'hui.

Une publication est prévue, qui pourrait avoir lieu rapidement après la tenue du colloque.

Nous vous remercions de bien vouloir nous adresser vos propositions de contributions (en une quinzaine de lignes, accompagnées, si vous le voulez bien, d'une présentation rapide des travaux réalisés jusqu'à présent ou de vos recherches en cours) avant le 1er février 2005 au CHEVS, « Colloque Histoire du Figaro », 56, rue Jacob 75006 Paris ou veronique.odul@sciences-po.fr